Plusieurs questions se posent depuis le voyage raté du premier ministre en Inde et ses déboires avec des amis pas très fréquentables, et sur sa délégation impressionnante de députés et ministres sikhs.
Cette controverse n’a pas tardé à tourner les projecteurs sur Jagmeet Singh, chef du NPD. Les révélations entourant sa proximité avec les mouvements extrémistes sikhs et ses prises de position hostiles au gouvernement indien sont passées sous la loupe depuis la semaine dernière. Dès lors, des questions se posent :
Sa loyauté est-elle envers le Canada, le pays qu’il souhaite diriger comme postulant premier ministre, ou envers son pays rêvé, le Khalistan, cher aux terroristes, auteurs de l’attentat d’Air India qui a fait 329 morts en 1985 ?
Un citoyen qui aspire aux plus hautes fonctions du pays et qui est interdit de séjour en Inde pour s’être fait refuser un visa d’entrée, en décembre 2013, est-il apte à diriger le Canada quand le représentant diplomatique de l’Inde à Toronto l’accuse de saper « les institutions démocratiques » de son pays d’origine ?
Jagmeet Singh est-il en politique pour défendre l’intérêt public du Canada, au plan national et international, ou est-il l’homme d’une seule cause, la sienne ?
Comment peut-il se lancer dans une opération de charme « nationaliste » envers les Québécois, qu’il sait largement acquis à la neutralité religieuse de l’État, quand il défend la séparation du Pendjab pour en faire un État religieux dans une Inde constitutionnellement séculière ?
Une motion qui divise
Après avoir échoué à faire adopter une motion condamnant l’Inde pour le génocide des sikhs, alors qu’il était député provincial à Queens Park, Jagmeet Singh est encore revenu à la charge, la semaine dernière, pour porter sa revendication au niveau national.
Or, une motion similaire a été adoptée, en avril 2017 par l’Assemblée législative de l’Ontario, par un maigre 34 voix sur 107, et surtout par un profond ressentiment de la communauté sikhe, qui est loin de se reconnaître dans cette version de l’histoire.
D’aucuns ont vu dans cette manœuvre parlementaire une façon de courtiser le vote des sikhs dans des circonscriptions à forte concentration sud-asiatique, d’autres y ont vu une autre démonstration de leur influence disproportionnée sur la politique canadienne, à un an d’une élection provinciale où la popularité de Kathleen Wynne est en perte de vitesse.
En ramenant cette revendication de génocide des sikhs sur la scène fédérale pour condamner le gouvernement indien pour des émeutes qui ont eu lieu il y a une trentaine d’années, on est en droit de se demander c’est quoi l’intérêt que cherche à défendre Jagmeet Singh ?
Certainement pas celui des Canadiens ou des relations indo-canadiennes. Et encore moins celui des communautés sud-asiatiques – incluant des sikhs – qui veulent vivre en harmonie au Canada.
Religion et politique
Comment se fait-il qu’avec autant de diversité ethnique, raciale et religieuse parmi les députés libéraux fédéraux à l’élection de 2015, Justin Trudeau ait nommé quatre ministres sikhs (soit 12 % de son cabinet), alors qu’ils ne représentent que 500 000 personnes dans tout le Canada (1 % de la population canadienne) ?
C’est qu’il leur doit beaucoup. Il leur doit son élection comme chef du Parti libéral du Canada. Ils lui ont livré les neuf circonscriptions à majorité sikhe et une dizaine d’autres comtés avec une présence sud-asiatique significative.
Les sikhs ne mettent pas leurs œufs dans le même panier. Ils sont présents dans les trois partis principaux (libéral, conservateur et néo-démocrate). En Colombie-Britannique, par exemple, sur les six députés sikhs, cinq sont néo-démocrates.
Ils n’attendent pas le déclenchement des élections pour aller voter. Ils s’impliquent là où ça compte, dans les structures des partis, et ce dès le début de la course au leadership.
Ils l’ont brillamment démontré lors de la course de Jagmeet Sing au leadership du NPD.
Mais pour comprendre un tel succès, il faut remonter aux temples sikhs, car tout commence dans les Gurdwaras (les portes du Guru) qui jouent un rôle déterminant dans le choix des candidats et qui s’organisent pour les faire élire en mobilisant l’argent, les bénévoles et les votes.
Leur influence est grande sur les fidèles qui leur vouent une grande loyauté, mais les jeunes sikhs tendent à se distancer de ce modèle traditionnel.