Lettre d’un souverainiste à un autre souverainiste

Pourquoi je voterai pour le Bloc

Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec



Un citoyen, M. Antoine Bouchard, m’a écrit sur ma page Facebook pour me dire qu’en tant que souverainiste, il comptait appuyer le NPD de Jack Layton lors du scrutin fédéral de lundi prochain. D’abord, je tiens à remercier M. Bouchard pour son intérêt envers le débat public ainsi que pour le dialogue qu’il a entamé avec moi et les autres personnes qui me suivent sur Facebook. Cette discussion doit avoir lieu.
M. Bouchard, bien humblement, je vous invite à reconsidérer votre choix. Si vous êtes souverainiste, j’estime qu’il n’y a que le Bloc Québécois qui puisse porter votre voix à Ottawa. Le NPD, malgré l’engagement sincère et le courage indéniable de son chef, reste un parti fédéraliste. Ce qui signifie qu’un vote pour ce parti sera assurément interprété, au Québec comme au Canada, comme un vote en faveur du fédéralisme canadien. À deux ans d’une élection au Québec, avons-nous vraiment besoin de nous diviser entre indépendantistes et donner des munitions à nos adversaires qui souhaitent ardemment voir le Québec rentrer dans le rang ? Voilà pour le principe général.
Mais, plus encore, le fédéralisme que défend le NPD va, dans plusieurs dossiers très importants, à l’encontre de l’intérêt national du Québec. Plusieurs exemples me viennent spontanément à l’esprit : la loi sur la clarté référendaire de Stéphane Dion que le NPD a appuyée ; l’application au Québec de la loi 101 aux banques, aux compagnies de transport et autres entreprises qui relèvent du fédéral à laquelle s’oppose le NPD ; le soutien financier d’Ottawa pour le projet terre-neuvien de Churchill Falls que le NPD appuie ; la réouverture du chantier naval de la Davie à Lévis que le NPD refuse d’appuyer… Dans ces dossiers, c’est le Bloc Québécois qui défend le Québec face au reste du Canada. Pas le NPD.
Comme on peut le constater, les intérêts de la nation québécoise s’opposent souvent à ceux de la nation canadienne. Parce qu’il est un parti uniquement québécois, il n’y a que le Bloc qui puisse défendre nos intérêts sans devoir louvoyer entre ceux-ci et ceux de l’Ontario (valeurs mobilières, industrie de l’automobile et centrales nucléaires), des Maritimes (chantiers maritimes) ou de l’Ouest (sables bitumineux).
Le seul parti qui a mené une bataille constante pour que le Québec soit traité équitablement dans le dossier de l’harmonisation des taxes de vente et obtienne les 2,2 milliards $ qui lui reviennent, c’est le Bloc. Cet argent, nous en avons grandement besoin pour nos systèmes d’éducation et de santé au Québec.
Ainsi, même sans considérer le combat que nous, souverainistes, menons en faveur du pays du Québec, le Bloc Québécois sert très bien nos intérêts. Même pour les fédéralistes, le Bloc est utile parce qu’il donne un rapport de force au Québec ; il force les autres partis pancanadiens à assouplir leurs positions centralisatrices afin de pouvoir être électoralement compétitifs au Québec. Si le Bloc n’existait pas, les partis fédéralistes seraient moins enclins à formuler des engagements spécifiquement québécois dans leurs programmes politiques.
Dans un autre ordre idée, vous avez souligné, M. Bouchard, que vous n’avez pas apprécié les attaques du Bloc Québécois à l’endroit du NPD et de son chef. Même si je pense, comme vous je crois, que la promotion des idées doit toujours primer sur les attaques partisanes, je trouve cet argument pour le moins surprenant. En démocratie, il y a des débats tranchés, des positions à défendre de parts et d’autres et un choc des idées.
Je suis d’accord avec vous pour dire que ce n’est certainement pas l’aspect le plus glorieux de la vie politique. Mais, si le NPD aspire à jouer dans la cour des grands, il doit s’attendre, à l’instar de tous les autres partis, à subir des attaques et à devoir y répondre. Comme le disait l’ancien président américain Harry Truman : « If you can’t stand the heat, get out of the kitchen ! » (Si la chaleur vous dérange, sortez de la cuisine !).
En résumé : ce n’est pas parce qu’on attaque un adversaire politique qu’on pratique « la politique négative du pire ». Il ne s’agit pas de rabaisser l’adversaire, mais plutôt d’exposer les faiblesses de son programme et de mettre au jour ses contradictions.
Au-delà de ces considérations, le Bloc Québécois a aussi beaucoup de bonnes idées qu’il a défendues avec vigueur pendant la campagne. Des idées en phase avec les préoccupations de votre génération… tellement en phase, que Hubert Reeves a déclaré que le Bloc était le parti politique fédéral avec la meilleure plateforme environnementale !
Finalement, vous dites que vous avez envie de changement… Et bien moi aussi ! Mais le seul véritable changement, on le verra la journée où nous allons devenir un pays indépendant. D’ici là, les partis fédéralistes continueront de gouverner le Canada sans tenir compte des intérêts du Québec. Voilà pourquoi nous avons besoin d’un Bloc fort pour agir comme notre chien de garde à Ottawa.
Vous dites que nous sommes loin d’un référendum… Pourtant, l’avenir n’est pas écrit. Mais, chose certaine, ce n’est pas en affaiblissant le parti souverainiste qui agit sur la scène fédérale que nous allons nous en rapprocher. Le NPD va lutter contre un nouveau référendum, et, dans une éventuelle campagne référendaire, il luttera contre notre accession à l’indépendance.
Bref, il n’y a que le Bloc Québécois qui puisse porter vos convictions souverainistes à Ottawa. Il n’y a que le Bloc Québécois qui puisse porter la différence québécoise à la Chambre des Communes. Et il n’y a que le Bloc Québécois qui puisse relayer les positions de l’Assemblée Nationale au gouvernement fédéral.
Que cela vous ait convaincu ou non, je vous remercie encore une fois pour l’intérêt que vous portez à la politique. Poursuivons cette discussion avec d’autres citoyens. La démocratie, c’est ça.


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