Des documents des délibérations du Conseil des ministres du gouvernement québécois, rendus publics après 25 ans, démontrent la réticence de Robert Bourassa à adopter « la prédominance du français ».
Rappelons les faits. Au lendemain de la décision de la Cour suprême qui invalidait les dispositions de la Loi 101 sur l’unilinguisme dans l’affichage, mais permettait la « nette prédominance du français », le Cabinet s’est réuni alors que le Québec était en ébullition.
Plus de 25 000 personnes avaient participé à des manifestations pour la défense du français et les locaux d’Alliance-Québec allaient être incendiés.
Selon les notes du Conseil des ministres, Bourassa craignait que la « nette prédominance » puisse « mener rapidement au bilinguisme intégral ».
Il a plaidé devant ses ministres « ne pas pouvoir prendre le risque d’une solution qui pourrait aboutir au bilinguisme intégral » et qu’il fallait « dans ce dossier, tenir compte de l’histoire du Québec ».
Aussi, décida-t-il de recourir à la clause dérogatoire pour soustraire le Québec à l’arrêt de la Cour suprême, même s’il était conscient que cela pourrait compromettre l’adoption de l’entente du lac Meech.
Derrière les portes closes de la salle où se tenait la réunion du Cabinet, il déclara qu’il « ne saurait assujettir la sauvegarde de la sécurité culturelle du Québec à une entente politique comme celle du Lac Meech ».
Le premier ministre proposa comme solution de compromis de prohiber l’affichage en anglais à l’extérieur des commerces et de laisser le choix de la langue pour l’affichage intérieur.
Les ministres anglophones Richard French, Herb Marx et Clifford Lincoln s’opposeront à cette solution et démissionneront du Conseil des ministres.
Quelques années plus tard, Jean-François Lisée prendra le contrepied de Robert Bourassa et fera la promotion de la position de la Cour suprême sur la « nette prédominance du français ».
Dans son livre Sortie de secours (Boréal), publié en 2000, il suggère même « de constitutionnaliser le principe de prédominance du français dans l’affichage, pour établir cette réalité une fois pour toutes » dans une future constitution québécoise.
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