Poubelles municipales

Tant que les citoyens ne s'investiront pas massivement dans la politique locale, les machines électorales municipales auront besoin d'argent sale et d'amis riches qui demanderont continuellement des retours d'ascenseur.

Montréal - élection 2009

J'ai souvent soutenu que la politique municipale pourrait être le lieu idéal de l'apprentissage démocratique et je le crois encore. Problèmes de proximité, dossiers qui sont à la portée des citoyens. Ne méprisons pas l'importance de l'éclairage dans une rue bordée d'arbres, celui de l'enlèvement des ordures, de l'entretien des parcs, de l'animation culturelle d'un quartier, du ramassage des feuilles. Ne méprisons pas les choses quotidiennes qui font une bonne partie de nos vies.

Mais pas facile de dire aux citoyens de s'engager dans cette vie municipale et surtout de voter.
Et je comprends. La politique municipale est une poubelle, le dernier lieu des corruptions dignes de l'époque Duplessis. En fait, la politique municipale n'existe pas, c'est le commerce municipal qui existe.
J'ai, par affection et admiration pour deux personnes, contribué à deux campagnes électorales à la mairie. La première fois, j'étais bénévole et la seconde, engagé comme consultant. Dans les deux cas, nos premières rencontres se déroulèrent dans des bureaux d'ingénieurs-conseils spécialisés en infrastructure. Dans les deux cas, les organisateurs en chef qui étaient des «bénévoles» étaient des ingénieurs libérés par leur employeur. Autour des ingénieurs, des développeurs, des constructeurs, des promoteurs discutaient de la meilleure manière de construire un parti ou plutôt d'inventer un parti. Chacun d'eux possédait un lien privilégié avec un organisateur libéral ou péquiste qui pouvait livrer quelques centaines de membres qui assisteraient au congrès de fondation du parti. Bien souvent, on leur donnait leur carte de membre. Toutes ces discussions et ces manoeuvres se déroulaient bien avant le début officiel de la campagne électorale. Ces activités étaient essentiellement financées par les firmes qui gravitaient autour des candidats à la mairie.
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Voilà le premier problème. Depuis le RCM, il n'y a jamais eu de parti politique à Montréal. Un parti, ce n'est pas un homme, mais des idées, un programme, une vision, du militantisme, des réunions et des congrès périodiques. Dans les partis municipaux, toutes ces activités relèvent de la frime et du théâtre. Et je ne parle pas de Québec ni de Laval, où la politique municipale se résume à l'existence d'un seul homme.
Dans un cas, j'ai découvert bien après que deux hommes, deux millionnaires fortement engagés dans le développement du centre-ville, avaient réuni quelques amis, proposé le nom d'un candidat et décidé de financer la création d'un parti. Cette opération prit plusieurs mois et fut entièrement financée au noir, soit par de l'argent comptant, soit en fournissant du personnel, des services ou des locaux. Je le sais maintenant, l'objectif était de contrôler Montréal, les plans d'urbanisme, la hauteur des tours, le réseau routier, les réfections. Posséder la ville. Mon candidat honnête était entouré de profiteurs et je sais qu'il le sait maintenant. La démarche suivie est exactement l'inverse de celle qui procède à la naissance d'un parti. Quelques hommes choisissent un candidat, lui proposent de l'appuyer, recrutent des professionnels de l'organisation qui trouvent quelques centaines de personnes, puis un nom de parti. Pour le programme, on engage un consultant, moi en l'occurrence, qui pond quelques pages en solitaire. Comment les quelques véritables propriétaires du parti, les quelques hommes mentionnés plus haut, s'assurent-ils d'un retour d'ascenseur? En faisant en sorte que quelques postes-clés de l'administration, du comité exécutif et de la direction de services soient réservés à des membres du consortium, car un parti municipal, c'est un consortium qui investit dans une entreprise. La ville comme filiale.
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Pourquoi vivons-nous ces épisodes désolants? Le maire Tremblay qui ne sait rien de sa ville, Zampino qui mange des crevettes avec Accurso, Louise Harel qui ignore tout de son parti inventé qu'elle emprunte sans poser de questions. Car elle a bien emprunté un parti pour satisfaire son ambition. La loi sur le financement des partis est trop facilement contournable. Le régime d'octroi des contrats par soumission peut facilement être manipulé. Le secteur de l'industrie de la construction est pourri jusqu'à la moelle. Tout cela, on le sait depuis toujours et les deux anciens ministres qui s'affrontent à Montréal ne peuvent absolument pas plaider l'ignorance.
Bien sûr, il faut que Québec cesse de jouer aux trois singes qui ne voient rien, n'entendent rien et ne disent rien. Oui, il faut des enquêtes policières, mais aussi une enquête publique, de même que des lois plus rigoureuses et des mécanismes de contrôle plus efficaces. On pourra peut-être procéder à un certain ménage, mais le problème fondamental ne disparaîtra pas et, avec le temps, le système de corruption reviendra. Le cancer c'est l'artificialité des partis politiques municipaux, qui sont des coquilles vides qui ne peuvent s'autofinancer légalement, contrairement aux partis politiques provinciaux ou fédéraux.
Tant que les citoyens ne s'investiront pas massivement dans la politique locale, les machines électorales municipales auront besoin d'argent sale et d'amis riches qui demanderont continuellement des retours d'ascenseur. Des retours d'ascenseur qui nous coûtent des centaines de millions de dollars.


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