Ce petit rapport de 170 pages est un acte d'accusation impitoyable. C'est plus que le contrat de gestion de l'eau qui vient d'être mis en pièces. C'est tout le système des contrats publics à la Ville de Montréal qui sent la pourriture.
Le jeu est un peu compliqué dans ses détails, mais au fond c'est le même vieux jeu: limiter la concurrence le plus possible pour que les contrats de la Ville tombent entre les bonnes mains.
Ce rapport nous donne au fond une illustration de ce que cet entrepreneur anonyme a dénoncé à Radio-Canada, cette semaine, au sujet du petit club d'une demi-douzaine de gros entrepreneurs qui obtiennent tous les contrats de la Ville. Ou de ce qu'a dit Jacques Duchesneau dans La Presse, le printemps dernier: il n'y a pas de vraie concurrence. Et devinez qui paye pour ça?
* * *
Au départ, la Ville annonce un grand chantier de l'eau. Elle lance un appel de qualification. Les exigences financières et techniques sont colossales. Si bien que seulement trois groupes se qualifient, même si des dizaines d'entreprises étaient intéressées.
Puis, une fois ces firmes choisies... les règles changent.
Exemple: dans l'appel de qualification initial, le financement du projet devait être assumé par la firme qui réaliserait les travaux. Cela a évidemment exclu la quasi-totalité des entrepreneurs. Mais soudain, une fois les trois groupes qualifiés, on change cette règle: le financement sera la responsabilité de la Ville! «La question du financement a restreint considérablement le marché de la concurrence au stade de la qualification», écrit le vérificateur. Tellement qu'il aurait fallu tout recommencer. Mais on s'en est bien gardé.
De partout, à la Ville, des fonctionnaires voyaient ce qui n'allait pas et lançaient des cris d'alarme. Ils n'ont pas été écoutés.
Pourquoi?
Le vérificateur s'inquiète de ce que les avocats du contentieux de la Ville relèvent maintenant des «affaires corporatives».
Que reste-t-il de leur indépendance? Peuvent-ils encore émettre des opinions qui vont à l'encontre des visées de l'administration? Et seront-ils écoutés?
En fait, ce rapport ne permet pas d'autre conclusion logique: il y a à la Ville de Montréal un système de collusion bien huilé pour l'obtention des contrats.
Et comme l'écrit le vérificateur, «la Ville ne possède plus l'expertise ou n'a plus les moyens de faire contrepoids à l'entreprise privée».
Cette fonction publique neutralisée, affaiblie, laisse donc le champ libre à toutes les magouilles. Faut-il ajouter que les élus ont été systématiquement mal informés?
Le maire n'a pas une seconde à perdre, il doit annuler ce contrat, puis ouvrir la fenêtre très grand et crier (encore): Police! Police!
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