Jeudi soir, ils sillonnaient Paname pour la quatrième nuit consécutive, mais aussi Marseille, Lyon, Bordeaux, Nice, Toulouse. Bravant les consternantes menaces de sanctions de leur directeur général Jean-Marc Falcone, dont ils réclament dans la foulée la démission, les policiers sont de plus en plus déterminés à faire connaître leur ras le bol. De la haine anti-flic, du laxisme judiciaire, du manque de moyens, des agressions à répétition dont ils sont la cible : 32964 actes de « violences à dépositaires de l’autorité » signalés en 2015.
Partout, ils ont été acclamés par des applaudissements de riverains et des klaxons d’automobilistes. Sauf sur les Champs-Elysées, où ils furent hués, mercredi, par un groupe de racailles désireuses de « niquer la police ». Ce même jour, à Vénissieux, des officiers de la DST et de la BAC venus arrêter un dealer essuyaient des jets de pavés, de boules de pétanque et de cocktails Molotov, l’arme suprême des émeutiers. Celle qui avait déjà servi au Val-Fourré de Mantes-la-Jolie puis à la tristement célèbre Grande Borne, dans l’Essonne, cette interminable étendue de barres HLM qui serpentent à la lisière de Viry-Châtillon et Grigny. Une souricière à taille inhumaine de 3685 logements qui semble avoir été bâtie pour la délinquance ; une cité dans la cité, dont il est difficile de s’extirper une fois piégé à l’intérieur. Il y a trente ans déjà, elle était un vivier de « sauvageons ». Elle a vu grandir des Amedy Coulibaly. Aujourd’hui, les forces de l’ordre n’osent plus guère s’y aventurer, les voyous prospèrent, les locataires subissent. Aucun homme politique n’enverrait ses propres enfants vivre dans un endroit pareil.
« Je vais employer un mot fort, mais on en vient à une sorte de terrorisme urbain. Avant, sur du maintien de l’ordre, même quand il y avait des affrontements, les individus restaient loin, ils venaient très peu au contact et on parvenait à en interpeller certains, parfois. Maintenant, ce sont des attaques groupées, des tentatives de faire cramer la voiture comme à Viry-Châtillon, au-delà d’envoyer un signal, on essaye de tuer des policiers. On ne peut plus considérer cela comme des faits isolés, ça se passe à Lyon, en région parisienne, à Marseille et même dans de petites villes qui étaient auparavant épargnés, comme Dax. Ça fait trois ans qu’on parle de cela à la hiérarchie et qu’on alerte », confie Yann Rouchier, secrétaire général adjoint de la fédération professionnelle indépendante de la police.
Guet-apens, échauffourées, guérillas urbaines, épisodes insurrectionnels, le vocabulaire se décline à l’infini mais le diagnostic pourrait se résumer en une phrase : « mépris des institutions », avec l’aval tacite de la mansuétude et la couardise gouvernementales, qui ont biberonné l’anomie ces cinq dernières années. Ainsi, avons-nous vu défiler des projet de lois ineptes de récépissés de contrôle d’identité, des plans de « lutte contre le racisme », l’angélisme hautement radiocatif de madame Taubira. Et parallèlement, avons-nous assisté à la passivité de l’État face aux débordements des Nuit Debout, qui multipliaient les agressions envers la police dans l’espoir de provoquer des bavures, celles-ci étant ensuite surmédiatisées avec gourmandise par la presse. Combien de fois avons-nous entendu nos ministres se contenter de « condamner » l’inacceptable. À peine se sont-ils sentis obligés de dénoncer les affiches honteuses de la CGT hurlant aux « violences policières », préférant s’époumoner à mettre la France en garde contre le danger d’un vote FN galvanisé, de surcroît, par leur impéritie.
Laminées par les dispositifs Vigipirate et Sentinelle, poussées à bout par et les mouvements sociaux qui confisquent l’espace public, exaspérées de voir la justice relâcher aussitôt les délinquants qu’elles interpellent, les forces de police ont accumulé vingt millions d’heures supplémentaires non rémunérées. Les traquenards, assauts de commissariats à la barre de fer, violents affrontements comme à Calais (où les demandes de mutation explosent) sont devenus leur lot quotidien. S’y ajoute le traumatisme du meurtre barbare des policiers de Magnanville, Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, en juin dernier. Chacun se souvient du geste symbolique de leur collègue de Mantes-la-Jolie, qui avait refusé de serrer la main du président de la République lors de la cérémonie d’hommage, lequel avait détourné le regard et poursuivi son chemin, trop affairé à baguenauder dans cette normalitude qui ne prend jamais de risques, tandis que Manuel Valls avait au moins eu la décence de s’enquérir de ses griefs et de lui poser la main sur l’épaule, en témoignage de sa solidarité. Manuel Valls a écouté. Mais a-t-il seulement entendu ? Plus personne ou presque n’attend rien de François Hollande, hormis son départ. Ne parlons même pas de l’inconsistant Bernard Cazeneuve. Mais on a la faiblesse d’espérer encore quelque sursaut de l’ancien ministre de l’Intérieur. À force de verser dans la demi-mesure, de vouloir manier répression et clientélisme, il conforte le sentiment d’impunité de ceux qui vomissent la France et qui font d’un Adama Traoré, ex-taulard multirécidiviste, le martyr d’une politique prétendument sécuritaire, alors même que les zones de non-droit prolifèrent. Qu’attend la gauche pour sortir de sa torpeur idéologique ? De voir se muer en cassandres tous les mystificateurs qui fantasment une guerre froide du fin fond de leur palantír aux prophéties sonnantes et trébuchantes ? Comment peut-on encore perdre son temps à vouloir déceler, comme Jean-Christophe Cambadélis et consorts, la patte du FN derrière l’exaspération policière ?
« Qu’on arrête simplement de donner des chèques à des élus et des associations. La politique du chèque, c’est une politique d’échec », réaffirme Malek Boutih sur RTL. « Les voyous dont il est question, ce ne sont pas simplement des délinquants, ce sont des gens dont je rappelle qu’une partie d’entre eux aident des terroristes qui assassinent des Français et des policiers. (…). Il y a une vraie offensive anti-racaille à avoir dans les banlieues. » Et lui, sera-t-il – enfin – entendu ? Pas sûr. En France, le courage est fort mal récompensé.
Les cocktails Molotov ont aussi franchi les enceintes des lycées, notamment à Tremblay, lors d’une altercation impliquant des dizaines de jeunes. À Saint-Denis, un proviseur a été roué de coups. Des enseignants ont été agressés à Argenteuil, Colomiers, Strasbourg. L’un d’eux a eu la mâchoire fracturée à Calais. Le tout en l’espace de quelques jours. En début de semaine, le personnel des urgences de l’hôpital de Tourcoing a été attaqué et frappé par un groupe de visiteurs qui se plaignaient de la lenteur de la prise en charge. Marisol Touraine a demandé des « sanctions exemplaires ». Peut-être devrait-elle prendre connaissance du récent rapport de l’Observatoire du Conseil national de l’ordre. Elle y apprendrait qu’une nette augmentation des violences sur les médecins, a été constatée en 2015. Insultes, agressions, 924 « incidents » ont ainsi été recensés.
Policiers, pompiers, gendarmes, professeurs, praticiens, conducteurs de bus, tous récoltent les fruits amers de cette politique du pourrissement ; celle qui, à l’image de François Hollande, n’est pas capable de regarder ses citoyens en face et d’entendre leur colère, jugeant plus confortable de victimiser les petites frappes et de racoler les voix communautaristes. Caillera, zadistes, No Borders, Roms, migrants, casseurs « en marge », chacun impose sa loi à la carte sur le territoire. Qui aura envie, demain, de devenir gardien de la paix, d’arpenter les quartiers « sensibles » et de se faire carboniser au cocktail Molotov pour 1800 euros nets en moyenne par mois ?
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