L’éléphant dans la pièce... Le Parti libéral du Québec n’a manifestement pas terminé sa réflexion!
Une peur bleue de la loi 21
Pour le moment, il n’y a que deux candidatures pour la course à la chefferie du PLQ. C’est peu, mais ce n’est pas surprenant; on est loin du grand parti de jadis où le poste de chef aurait suscité les plus grands intérêts.
Et les deux candidats annoncés ont ce ci en commun, ce sont des « outsiders » en quelque sorte : Dominique Anglade est une ancienne caquiste et Alexandre Cusson, tout libéral qu’il puisse avoir été dans sa jeunesse, n’avait plus sa carte de membre, ce qu’il s’est empressé de faire récemment en annonçant son départ de l’Union des municipalités du Québec.
Les députés actuels et récents n’ont donc pas senti d’appel ou d’engouement pour faire bataille à Dominique Anglade à la chefferie de leur parti. Des refus de la part de Gaétan Barrette, André Fortin, Marwa Rizqy par exemple.
Autre point en commun qu’ont Anglade et Cusson? Leur frilosité à traiter de la pièce législative la plus importante, à ce jour, du gouvernement caquiste : la loi 21. Oui, la loi sur la laïcité.
Il fallait s’y attendre, chacun a été questionné sur ce qu’il entendait faire de la loi 21 si, d’aventure, le PLQ devait être porté au pouvoir en 2022.
Alexandre Cusson « refuse de critiquer la loi 21 » et Dominique Anglade se propose plutôt de « laisser la loi 21 passer le test des tribunaux, sans la clause dérogatoire ».
Frilosité, ou lâcheté?
Soyons francs, les deux prétendants à la couronne libérale sont décevants sur cette question. Aucune conviction. L’avocat François Côté, grand défenseur de la loi 21, n’a pas mâché ses mots en ce qui a trait à la position de Dominique Anglade :
« Madame Anglade,
Puisqu'il faut bien vous le dire: vous êtes lâche.
Nous sommes adversaires, et nous ne sommes pas obligés d'être d'accord, mais franchement, ayez au moins le courage de vos convictions politiques.
Parce qu'en ce moment, ce que vous affirmez, c'est ni plus ni moins que : « Je suis absolument contre la laïcité, mais plutôt que d'assumer politiquement le prix de la détruire auprès d'une population à qui je serai redevable, je préfère m'en laver les mains et laisser aux tribunaux le soin de le faire à ma place ».
Votre stratagème est aussi subtil qu'un éléphant qui tenterait de se cacher derrière un palmier.
En politique, le débat, le conflit, est la règle du jeu - il faut affronter dignement des positions opposées aux siennes dans le but de convaincre la nation de la meilleure direction à prendre. Et, peu importe l'adversité, il y a une noblesse intellectuelle et politique intrinsèque à assumer ses propres convictions et à les défendre avec courage et honneur.
Et ici, vous n'en faites rien.
Il y a un mot pour cela, en politique, Madame Anglade: on appelle ça de la couardise.
Et ce n'est ni à votre honneur ni, encore moins, à celui du Parti libéral. »
Voilà l’impression que laisse la position de la députée libérale, laisser les tribunaux torpiller une loi de l’Assemblée nationale en lieu et place des convictions de se présenter devant la population pour l’affirmer franchement : moi, Dominique Anglade, et nous, au Parti libéral, sommes contre cette loi et nous la révoquerons.
Remarquez que le PLQ ne serait seul ici; on se rappellera que Québec solidaire s’est assuré de changer sa position sur la laïcité APRÈS l’élection afin de ne pas avoir à trainer ce boulet au cours de la campagne électorale...
Le PLQ et l’électorat francophone...
Dans le cas d’Alexandre Cusson, cette frilosité tient peut-être du fait que le candidat a voulu se positionner d’emblée comme « nationaliste » en empruntant cette formule chère au PM François Legault, « pour moi c’est le Québec en premier ». Une telle affirmation ne peut donc pas occulter le fait qu’une majorité des Québécois appuie l’engagement de la province vers la laïcité institutionnelle.
N’en demeure que son absence de position sur cette délicate question n’a pas nécessairement plu aux militants libéraux réunis en congrès à Sherbrooke en fin de semaine :
« Difficile de savoir toutefois ce qui anime ce dernier. Le citoyen Cusson a refusé de dire ce qu’il en pensait de la loi 21 sur la laïcité, honnie par plusieurs militants. « Ça, c’est une position qu’on va élaborer au cours des prochains moins. Je suis en faveur d’une société laïque. Mais ceci dit, les droits des minorités c’est aussi une priorité. Il faut protéger les minorités francophones ailleurs au Canada, pour moi c’est une valeur importante», a-t-il lancé. »
Sans surprise, même si tous savent au PLQ que le parti se doit de reconnecter, au moins un peu, avec l’électorat francophone afin d’aspirer au pouvoir, tout virage « nationaliste » du parti risque de rencontrer de vifs opposants.
Le président de la Commission des communautés culturelles du parti, Mohammed Barhone (il est encore là lui!!! Malgré ses propos infects et racistes lors de la dernière campagne électorale...), a dit craindre tout virage nationaliste du parti. Antoine Dionne Charest, fils de Jean Charest, a, quant à lui, insisté sur le fait que « l’ADN du PLQ, ce sont les libertés individuelles ».
Bref, il est évident que ce parti se trouve toujours tiraillé sur les questions qui touchent l’identité et le vivre-ensemble au Québec. Comment ranimer un minimum de fibre « nationaliste » sans pour autant froisser l’électorat captif libéral, de moins en moins francophone et « de souche » pour reprendre le terme employé par Alexandre Cusson.
Il n’y a pas de formule magique. Le ou la prochain chef devra prendre position. Multiculturalisme ou laïcité?
Et pour l’instant, aucun des deux prétendants n’a eu le courage de le faire.