Plaidoyer en faveur d'un oléoduc

Le ministre Arcand vante les avantages économiques du projet de TransCanada

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Méfiez-vous des beaux parleurs

Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand a livré mercredi un véritable plaidoyer en faveur des «avantages économiques» du projet de pipeline Énergie Est de TransCanada. Selon lui, le plus gros projet de transport et d’exportation de pétrole des sables bitumineux de l’histoire peut être «extrêmement positif» pour le Québec.

« Il y a des avantages économiques. Ça crée des emplois, c’est un pipeline neuf, c’est la construction d’un nouveau pipeline sur l’ensemble du Québec, a lancé Pierre Arcand en marge du Conseil des ministres. Pour les régions, particulièrement autour de Rivière-du-Loup, il y a certainement des avantages. D’ailleurs, les chambres de commerce de cette région [y sont favorables]. »

Combien d’emplois découleraient du passage, chaque jour, de 1,1 million de barils de brut en territoire québécois ? Le ministre n’a pas été en mesure d’offrir de précisions à ce sujet. « La compagnie nous parle de retombées de plusieurs milliards de dollars, a-t-il toutefois affirmé. Ce sont les chiffres que nous sommes en train d’étudier. » Mais selon lui, il s’agit « de centaines et de centaines d’emplois ».

Une fois terminée la construction du pipeline et du port pétrolier de Cacouna, soit au plus tard en 2018, l’évaluation la plus courante fait état de 200 emplois directs. Ce chiffre comprend tous les éléments du projet de TransCanada qui seraient implantés en sol québécois. En contrepartie, plusieurs élus régionaux redoutent les impacts de tout déversement pétrolier sur l’indispensable industrie touristique de chaque côté du Saint-Laurent.

Confiant, Pierre Arcand a promis que le gouvernement obtiendra « le maximum de retombées économiques » de ce projet, qui fera du Québec la principale plaque tournante de l’industrie pétrolière albertaine. « Nous allons nous assurer que pour l’avenir, ce soit un dossier qui soit extrêmement positif pour l’économie du Québec et pour l’environnement du Québec. » Le ministre a souligné que des « discussions » ont déjà eu lieu à ce sujet avec la pétrolière albertaine, soit avant même le début de l’évaluation environnementale qui devrait être tenue au Québec.

M. Arcand a d’ailleurs abordé brièvement la question environnementale, au coeur de la controverse entourant le projet de TransCanada. « Il y a certains enjeux environnementaux, pas tellement sur la sécurité du pipeline, parce que c’est un pipeline neuf, mais sur les endroits où il doit passer. Je pense qu’il y a des enjeux de ce côté-là. »

Même si la pétrolière a déjà dit que la décision d’autoriser la construction de son pipeline revenait à Ottawa, Pierre Arcand estime que la voix du Québec sera entendue par l’Office national de l’énergie (ONE). « C’est un projet qui est transcanadien, donc qui passe [par une évaluation] du gouvernement fédéral. Mais nous avons l’intention d’intervenir devant l’Office national de l’énergie. Et quand le Québec fait entendre sa voix, en général, ça influence les décisions de l’Office. »

TransCanada invite

Le plaidoyer optimiste du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles est intervenu au lendemain d’un souper organisé et payé par TransCanada, lundi soir à Montréal. La multinationale a profité de l’occasion pour présenter son projet Énergie Est.

Selon des informations obtenues par l’agence QMI, des joueurs importants du milieu économique québécois étaient présents, dont le président de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, et la présidente du Mouvement Desjardins, Monique Leroux. Le président d’Hydro-Québec, Thierry Vandal, a aussi pris part à l’événement, de même que le maire de Montréal, Denis Coderre, et l’ex-premier ministre Jean Charest.
Pierre Arcand y était également. Son bureau a d'ailleurs indiqué au Devoir que «le ministre a accepté d'être présent à cet événement parce qu'il est de son mandat de rencontrer les intervenants du domaine de l'énergie et des ressources naturelles, et ce, afin de représenter les intérêts des Québécois». Il a aussi «prononcé une allocution».

Le porte-parole péquiste en matière d’énergie, Bernard Drainville, a lui aussi assisté à la présentation de la pétrolière albertaine. Mais mercredi, en conférence de presse, le Parti québécois a exigé l’arrêt pur et simple des travaux de forage autorisés par les libéraux à Cacouna.

Selon les péquistes, le gouvernement Couillard doit dès maintenant mandater le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour qu’il étudie l’ensemble du projet. Le ministre de l’Environnement David Heurtel s’est déjà engagé à déclencher une telle procédure, mais sans donner de détails sur le mandat du BAPE ou sur le moment où l’étude serait entamée. Le processus d’évaluation du fédéral a déjà été amorcé à l’Office national de l’énergie.

« Le projet n’est pas payant pour les Québécois, a en outre insisté M. Drainville. On ne veut pas que notre territoire devienne une simple autoroute pour sortir le pétrole des sables bitumineux. Quel est l’intérêt des Québécois là‑dedans ? On voit surtout les risques environnementaux et de sécurité associés au projet d’oléoduc, en échange de bénéfices économiques qui sont loin d’être convaincants. »

Pendant ce temps, Le Devoir a appris que la barge qui servira à mener les forages à Cacouna a été mise en place mercredi. Les travaux pourraient donc débuter dès jeudi. Ils seront menés en plein coeur de l’unique pouponnière des bélugas, une espèce emblématique du Saint-Laurent et aujourd’hui en voie de disparition.

La région de Cacouna compte aussi une douzaine de zones naturelles protégées servant d’habitats à des espèces menacées. Elle se trouve au coeur d’un projet de zone de protection marine élaboré par le gouvernement pour préserver la riche biodiversité de la région.

C’est là que TransCanada veut construire un quai où viendront s’amarrer des pétroliers de plus de 250 mètres. Ces navires transporteront de deux à cinq fois plus de pétrole que la quantité déversée par l’Exxon Valdez en Alaska en 1989. Transporté par pipeline en sol québécois, ce brut tiré des sables bitumineux traversera le fleuve Saint-Laurent à quelques kilomètres en amont de Québec.


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