Le gouvernement du Québec doit intervenir pour assurer la survie du Groupe Hexagone issu de l'empire de Tony Accurso et, surtout, pour qu'il ne soit pas démantelé au profit d'entreprises étrangères, estime Pierre Karl Péladeau.
Joint jeudi par La Presse, le député du Parti québécois, porte-parole en matière d'économie, d'entrepreneuriat, de PME et d'exportations, a plaidé en faveur d'un redressement public de ce «fleuron de l'économie québécoise». «Ça prend du courage, compte tenu du passé des anciens dirigeants. Mais il faut considérer le bien commun. Ce qui est en cause, ce sont des milliers d'emplois, une expertise et une force économique réelle», a affirmé M. Péladeau.
Comme le révélait La Presse la semaine dernière, Hexagone se heurte à des difficultés financières liées notamment à une sous-capitalisation. Les actionnaires ont payé 1 million pour acquérir cinq entreprises valant en tout 150 millions, qui étaient sous le contrôle du controversé homme d'affaires Tony Accurso.
Selon Hexagone, de nouveaux investissements (au moins 30 millions) sont nécessaires pour assurer la survie de l'entreprise, mais la vente, en tout ou en partie, est également envisagée. La société espagnole Dragados, la française Fayolle et la canadienne Aecon ont d'ailleurs enclenché un processus d'achat de certains actifs. Des revues diligentes sont en cours.
«Si on devait perdre une entreprise de cette envergure, on perdrait un enrichissement collectif important», croit Pierre Karl Péladeau. Ce dernier souligne par ailleurs que la corruption et la collusion ne sont pas propres au Québec et rappelle que si Hexagone passe à des mains étrangères, les profits suivront le même chemin.
Investissement Québec sollicité
«Est-ce que le gouvernement doit demeurer passif ou agir comme bougie d'allumage? Je crois que c'est le rôle du gouvernement que de susciter l'intérêt d'un certain nombre de partenaires pour trouver une solution de redressement. C'est un geste important et nécessaire afin de maintenir ici une présence forte dans l'industrie de la construction», ajoute PKP.
Investissement Québec a confirmé hier avoir été sollicité par Hexagone, le printemps dernier, afin d'envisager un soutien financier. «Il y a eu des discussions, mais c'est resté à ce niveau-là. Quand Investissement Québec intervient, ça ne peut être qu'à titre d'actionnaire minoritaire. Ça prend donc un investisseur d'importance», a indiqué la porte-parole Chantal Corbeil.
Du côté de la Caisse de dépôt et placement, on refuse de faire des commentaires, invoquant la confidentialité des dossiers traités.
Pour PKP, il ne fait pas de doute que le Québec a les moyens, «comme collectivité», de favoriser le maintien d'Hexagone. «On doit tourner la page sur Tony Accurso, pas sur son dossier criminel, et considérer qu'il s'agit d'une entreprise qui participe à l'essor économique du Québec. Ce n'est pas pour rien que de grandes sociétés européennes ont vu le potentiel en BTP (bâtiment et travaux publics), comme on dit en France», souligne le député.
Intégrité avant tout
Tony Accurso a vendu le fleuron familial de son empire, Louisbourg SBC, ainsi que Gastier, Ciments Lavallée, Houle H2O et Géodex, au printemps 2013. Accusé de fraude dans différents dossiers, il savait que c'était la seule avenue possible, compte tenu des nouvelles règles législatives en matière d'intégrité. À l'époque, M. Accurso avait publiquement affirmé sa volonté que son entreprise demeure en terre québécoise.
La Presse révélait la semaine dernière que Tony Accurso a soutenu financièrement l'ancien directeur général du Parti libéral du Québec, Joël Gauthier, pour que celui-ci achète des actions dans la nouvelle entreprise Hexagone et en devienne le PDG. C'est au moment du départ de M. Gauthier, en juin dernier, sous la pression d'une enquête policière, notamment pour financement politique illégal, que le conseil d'administration, formé majoritairement de membres indépendants, a été mis au courant de ces faits.
Selon une source proche du dossier, M. Gauthier aurait exigé de la direction financière d'Hexagone que l'information ne soit pas divulguée aux administrateurs.
En entrevue à La Presse la semaine dernière, le président du conseil d'administration, Mario Bertrand, a reconnu qu'Hexagone est devenue une entreprise «fragile» qui vit «sous une cloche de verre». «Mais Hexagone mérite de continuer», a-t-il plaidé.
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