Partons des constats suivants: la mission de l'OTAN en Afghanistan est conforme aux règles du droit international. La mission est noble et généreuse, c'est-à-dire utopique et coûteuse: on n'y instaurera pas la démocratie et on ne pourra pas accompagner les fillettes à l'école jusqu'à la fin des temps. La mission est impossible, pour des tas de raisons, et une foule de gens plus informés que moi l'ont déjà dit dans de multiples citations rapportées dans ce blogue.
Rien qu'à la pensée d'en faire une fois de plus la démonstration, je me sens légèrement nauséeux. Je ne la referai donc pas. Il y a un petit moteur de recherche dans l'espace blanc en haut à gauche. Si vous y écrivez Afghanistan et cliquez ensuite sur RECHERCHER LE BLOG, vous y verrez plein d'articles sur la question.
Les hommes politiques canadiens ont vu dans cette mission une façon d'amadouer le gouvernement Bush, surtout après avoir refusé d'aller en Irak. C'est la réalité, et cela fait partie de leur tâche de rester en bons termes avec le Grand Voisin. Je les comprends. Ça n'a pas sûrement pas été facile pour Harper d'annoncer hier à Bush que le Canada se retirerait d'Afghanistan en février 2009 s'il n'avait pas l'appui de la Chambre des Communes.
Les hauts gradés de l'armée canadienne savent que la mission est pratiquement irréalisable, mais cette guerre est une occasion en or pour équiper leurs unités de neuf, et ils ne vont pas la laisser passer. De plus, cela offre de l'action aux soldats qui n'en avaient pas eu depuis des lustres, ce qui donne du tonus aux troupes et améliore leurs curriculum vitae.
Autrement dit, même s'il est impossible d'instaurer en Afghanistan un état démocratique partageant des valeurs de droit comme on l'entend ici, il existe une foule de raisons pour que la mission de notre armée s'y poursuive. Mais ce sont des raisons que l'on ne peut pas avouer publiquement.
Alors, ils nous reste la dernière des raisons, la plus irrationnelle, mais la plus immédiatement perceptible parce que nous l'avons tous vécu intimement: nous nous demandons: "Que vont-ils faire sans nous ?" Nous nous demandons comment les Afghans vont faire pour se débrouiller sans nous, alors que la présence de nos armées, aujourd'hui encore après 5 ans d'occupation, est la cause même de la popularité des Talibans et de la guérilla qui s'intensifie. Est-ce assez illogique?
Comment vont-ils se débrouiller si nous ne sommes pas là? Papa et maman regardent fiston partir étudier dans la grande ville, et c'est bien la question qu'ils se posent. C'est aussi la question que pose le colonisateur quand le colonisé veut prendre ses affaires en main. Beaucoup de Français posaient cette question lors de l'indépendance d'Algérie, ou les Belges à propos du Congo, ou l'establishment anglophone du Québec avant l'arrivée de Québec Inc. Sont-ils capables, ces Afghans, de gérer convenablement leur pays? Vont-ils abolir la culture du pavot? Vont-ils chasser Al-Qaida? Ou vont-ils faire sauter la tour Eiffel?
Pendant que nous nous posons ces questions, il ne nous vient pas à l'idée qu'Al-Qaida est plus fort que jamais, que le pays fait des récoltes record de pavot et que la corruption règne en maître, le tout, au nez et à la barbe des forces d'occupation. Si cela va si mal pendant qu'on est là, qu'est-ce que ce sera si on part ?
Cela ne pourra pas être pire. Peut-être qu'aujourd'hui, ils nous regardent prendre leurs choses en main et que cela les fait bien rire. Si les armées étrangères partent, si nous partons, ils devront s'occuper sérieusement de leurs affaires, et les leçons des 5 dernières années, on peut l'espérer, porteront fruit. Si par contre nous ne partons pas, nous ne saurons jamais s'ils peuvent le faire, et cela continuera d'aller de mal en pis comme maintenant.
Quand on réalise qu'on est dans le trou, la première chose à faire, c'est d'arrêter de creuser.
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photo: Défense nationale.
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Addendum: J'oubliais. La mort du soldat Longtin n'a inspiré aucune des phrases écrites plus haut. La guerre est un métier dangereux et les soldats canadiens sont tous volontaires. Ceci dit, je respecte le courage de Simon Longtin et la douleur de ses proches.
Partir d'Afghanistan
Quand on réalise qu’on est dans le trou, la première chose à faire, c’est d’arrêter de creuser.
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