La colère est mauvaise conseillère, et Denis Coderre en a fait les frais lundi quand il a accusé «les conseillers torontois» de Michael Ignatieff d'être derrière le cafouillage de la candidature libérale dans Outremont. C'est plutôt le fait d'y envoyer une Nathalie Le Prohon, inconnue du grand public, qui avait toutes les apparences d'un choix imposé de loin. L'électeur ordinaire se dit qu'il faut être décroché du terrain pour croire qu'une néophyte puisse s'en tirer contre une bête politique comme Thomas Mulcair!
La vraie histoire derrière la bataille pré-électorale d'Outremont ne tient donc pas à de la vilaine manipulation torontoise, mais comme le démontre aujourd'hui Le Devoir, à une mauvaise communication au sein du parti et à une mauvaise gestion de la crise de la part de M. Ignatieff.
Il n'y a pas de mal que l'entourage du chef cherche à sonder les intentions de possibles candidats, comme ce fut le cas pour Martin Cauchon. Encore faut-il que l'information soit relayée aux instances concernées. M. Cauchon a beau être un éternel indécis, son nom circule trop souvent dans le parti pour ne pas s'assurer que le comité de sélection de candidats du Québec (qui ne se résume pas à la personne de Denis Coderre) soit avisé de toute démarche le concernant. Ce ne fut pas le cas. Première erreur.
M. Cauchon est connu, a des amis partout, et pas qu'à Toronto. Il était donc prévisible que son mécontentement, une fois sa décision prise, de ne pas pouvoir retrouver son ancienne circonscription, trouve écho jusqu'au bureau du chef. Dans les médias, on a plutôt eu droit à une passe d'armes entre messieurs Coderre et Cauchon. Qu'en a d'abord dit Michael Ignatieff? Que la bataille pour représenter Outremont est le signe d'un renouveau au sein du parti! Deuxième erreur.
Cette nonchalance du chef a fait s'accentuer les pressions. Et M. Ignatieff, qui avait finalement appuyé le choix du comité québécois tout au long de la semaine dernière, changera de cap le vendredi: Outremont, pris en début de matinée par la candidate Nathalie Le Prohon, était devenu libre sur l'heure du dîner! Prévenu quelques instants plus tôt, M. Coderre, lieutenant québécois désavoué, se retranche dans le mutisme. Troisième erreur. Vu sa personnalité, que M. Ignatieff connaît bien, l'explosion de lundi était prévisible.
Au cours du week-end, M. Ignatieff se serait montré inquiet de la suite des choses. Trop tard. Denis Coderre dérange, mais c'est un militant infatigable qui a bien servi son parti, appelant lui-même à la loyauté quand la lieutenante de Stéphane Dion au Québec, Céline Hervieux-Payette, était âprement critiquée. Il était impensable de lui imposer une volte-face de dernière minute.
Comment s'appelle donc l'homme de Toronto qui doit prendre le blâme de l'inutile bataille d'Outremont? Michael Ignatieff, et personne d'autre.
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jboileau@ledevoir.com
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