Parole de Wallon!

Chronique de José Fontaine


Je suis titulaire d'un cours sur les Institutions de l'Etat belge dans une Ecole supérieure sociale (en Ardenne, partie boisée de la Wallonie où toutes les couleurs de l'automne resplendissent en ce moment). Comme j'y souligne très très fort les énormes avancées de l'autonomie des Etats fédérés en Belgique, sachant que l'opinion se méfie de ces réformes, j'essaye de faire un peu de théâtre et je mets sur ma table une série de livres qui indiquent que le passage de l'Etat unitaire à l'Etat fédéral s'explique par plus d'un siècle d'histoire et que, finalement, ce changement ne peut être imputé à l'extérieur (les “politiciens”), mais vient de nous.
Or, les critiques des élèves ne sont pas venues d'abord de cela mais de la manière dont je parlais de l'Etat démocratique. J'avais commencé à en parler comme ce qui faisait que nous étions dans le bâtiment où nous sommes, suivant les cours que nous suivons et (ce sont de futurs éducateurs et des élèves motivés car ce sont des cours de promotion sociale), pour exercer qui n'est possible que parce qu'il y a Etat.
Face à cela mon public où il y a aussi des élèves français et luxembourgeois s'est insurgé, faisant valoir que l'Etat n'était pas aussi mirifique que je ne le disais. Mais je pense être tombé d'accord avec eux pour admettre que certes l'Etat n'est pas mirifique mais qu'il est dans la bonne voie s'il est démocratique et social. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faudra pas se battre tout le temps pour qu'il le soit plus.
C'est à ce moment que quelqu'un m'a dit qu'avant d'être citoyen, on était d'abord des êtres humains. Là j'ai dit mon profond désaccord. A partir de notre langue. Le mot “Cité” en français, quand il exprime ce qu'il exprime et qui est visible dans le fait que l'on peut dire “La Cité” sans rien de dire de plus pour désigner la vie humaine en tant qu'elle est politique et sociale, est intraduisible dans d'autres langues, en tout cas les autres langues n'ont pas mot si fort pour le dire.
Je n'avais pas encore dit vraiment un mot de la Wallonie ni du fédéralisme. C'était la pause. Une jeune élève est venue vers moi et m'a demandé si je ne connaissais pas un certain Pierre Manil. Comme je lui avais répondu que oui, elle m'a dit qu'elle n'était pas étonnée, parce que c'était quelqu'un “comme moi”.
Je lui ai demandé si celle le disait parce que, ce Pierre Manil, était comme moi un militant wallon? Non, m'a-t-elle dit. Elle ne visait que mon discours citoyen.
Alors je lui ai dit qu'effectivement ce Pierre Manil est un homme qui vit du culte de la Cité humaine, ayant obtenu de la commune où il habite de présider chaque bureau électoral quand il y a n'importe quelle élection à n'importe quel niveau que ce soit, faisant un discours à tout jeune électeur votant pour la première fois et exaltant la Démocratie à cette occasion.
J'aurais pu ajouter que Pierre Manil est aussi un militant wallon passionné, mais cela est lié au fait que c'est un Citoyen passionné. Lorsque l'on est militant wallon ou québécois, sauf les nationalistes haineux, on est nécessairement un Citoyen passionné. Et nous n'avons pas toujours devant nous des gens qui défendent une option politique, mais très souvent des gens qui n'ont pas d'avis et qui ne sont pas des citoyens amoureux de la plus belle des choses que les hommes aient inventée et qu'Hannah Arendt ne distinguait pas de l'amitié. Dans le fait que je me sente si bien quand je suis au Québec, il y a cela: que l'on y respire le plaisir et la gloire de la Cité humaine. Il fallait que je le dise. Parole de Wallon!
José Fontaine

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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