Parizeau acerbe devant le choix du gouvernement

CDPQ - Où va Michael Sabia?



«Le Québec inc., c'est devenu un mythe», a laissé tomber hier Jacques Parizeau. Photo Focus

Denis Lessard - Michael Sabia, nommé dans la controverse PDG de la Caisse de dépôt, ainsi que sa femme, Hilary Pearson, sont toujours proches de l'ancien premier ministre Brian Mulroney. Et cette proximité des décideurs fédéraux est une source d'inquiétude pour l'ancien chef souverainiste Jacques Parizeau.
Dans ses mémoires, M. Mulroney rappelle sa sympathie pour Hilary Pearson, petite-fille de Lester B. Pearson, a relevé La Presse. «Je l'avais nommée comme secrétaire confidentielle de nos réunions du Conseil des ministres. Elle se maria plus tard à l'un de mes plus brillants jeunes adjoints au Conseil privé, Michael Sabia. Le couple est éventuellement atterri à Montréal, et nous restons amis encore aujourd'hui», a écrit M. Mulroney.

Sans évoquer directement l'ancien chef conservateur, M. Parizeau a martelé hier que les sympathies de M. Sabia envers ses anciens collègues ne laissent rien prévoir de bon pour la Caisse de dépôt. Lors de la nomination de ce dernier, Paul Tellier, ancien greffier du Conseil privé, «a chanté ses louanges dans le Globe and Mail». «On retrouve tous les gens qui ont dirigé les opérations à Ottawa depuis tant d'années. Ça fait l'affaire maintenant de se retrouver entre soi, avec la Caisse en prime», a déclaré M. Parizeau, en point de presse après une longue et dense intervention devant l'Association des économistes du Québec.
L'ancien chef péquiste observe que «la réaction à la nomination de M. Sabia au Québec est tellement forte» qu'il n'est pas loin de juger nécessaire une commission d'enquête en bonne et due forme, pour mettre en lumière les problèmes de gouvernance à la Caisse. Il s'appuie aussi sur les propos récents d'Yvan Allaire - qui n'a pas été renommé membre du conseil d'administration il y a deux semaines - pour qui l'esprit de la loi sur la Caisse n'avait pas été respecté dans la nomination de M. Sabia, un processus expédié en une semaine. «Sa sortie m'a surpris. M. Allaire est un homme réputé, écouté. Si des gens comme lui en sont rendus à protester... il faut s'attendre à ce que cela continue», prédit M. Parizeau.
Un choix qui déplaît
L'ancien chef péquiste, qui était l'un des instigateurs de la Caisse dans les années 60, espère que le premier ministre Jean Charest «aura à payer un prix politique sérieux» pour ce qu'il est advenu de cette institution québécoise. «On n'a pas le droit de faire ça aux gens», à l'institution, estime-t-il, ajoutant qu'émule de la haute fonction publique fédérale, M. Sabia est un choix qui a comblé d'aise tous les stratèges anglophones de l'époque Mulroney.
Le choix de Sabia n'a pas eu l'heur de plaire à beaucoup de membres de «la garde montante», les francophones passés à la barre des grandes entreprises québécoises, mais Jacques Parizeau n'y voit pas de mouvement concerté: «Le Québec inc., c'est devenu un mythe», laisse-t-il tomber.
Devant 200 économistes québécois réunis en congrès, il s'est dit outré de l'indifférence manifestée par M. Sabia, lors de l'annonce de sa nomination, face à une vente éventuelle de Bombardier à des intérêts étrangers. «Si cela arrive, cela ferait tout un trou à Montréal», observe M. Parizeau, qui se dit fier des interventions de la Caisse pour maintenir Domtar puis Vidéotron sous le contrôle d'intérêts québécois.
«En disant que le contrôle de Bombardier n'est pas si important, qu'il n'est pas déterminant que le siège social soit ici, M. Sabia a dit quelque chose qui n'a pas de bon sens. Je comprends que, vu d'Ottawa, ce ne serait pas mauvais du tout!»
M. Parizeau n'a pas été tendre envers la décision de la Caisse de se lancer dans les papiers commerciaux. Il ne peut comprendre que des membres du conseil d'administration soutiennent n'avoir rien su de ces transactions risquées. En 2005, la Banque du Canada avait lancé une mise en garde non équivoque à l'endroit de ces produits, que Moody's ou Standard and Poor's ne voulait pas évaluer, rappelle-t-il.
«Personne n'avait posé de questions avec un tel avertissement. Je n'en reviens pas. Je trouve que cela commence à demander une commission d'enquête», a-t-il laissé tomber avant de se raviser en point de presse: il faudra d'abord passer par la commission parlementaire, un exercice où il souhaiterait être invité.
On a voulu gérer la Caisse comme une entreprise privée, déplore-t-il en s'insurgeant du fait que le gouvernement n'ait plus de représentant au conseil de la Caisse, bien qu'il en soit le seul actionnaire.
Le bilan de Rousseau
Sur le mandat d'Henri-Paul Rousseau, M. Parizeau salue d'abord l'apport de l'ex-banquier dans ses premières années après sa nomination en 2002. M. Rousseau avait compris qu'il fallait rapidement remettre la Caisse sur la voie des rendements intéressants pour secouer la torpeur d'une organisation malmenée par les problèmes de Vidéotron, l'éclatement de la bulle technologique et le scandale de Montréal Mode.
En revanche, quand l'institution, sous M. Rousseau, s'est lancée dans des investissements plus «magistraux» à l'étranger - dans les aéroports de Londres notamment - «la Caisse a perdu les pédales», soutient M. Parizeau. «Ils étaient devenus un des grands fonds du monde, ils étaient dans la cour des grands...» C'était l'époque où la Caisse avait étiqueté ses investissements au Québec comme des «investissements de proximité», dit-il, cinglant. «Franchement, c'est comme la police du même nom», ironise-t-il.
Au passage, il critique la gestion de la crise économique offerte par le gouvernement Charest. Il n'est toutefois pas inquiet de l'ampleur du déficit. Cependant, quand Québec prétend accélérer les investissements pour stimuler l'emploi, il faut voir qu'en réalité il ne fait qu'augmenter les sommes promises. «On est rendu qu'Hydro-Québec publie ses prévisions d'investissements jusqu'en 2035... bébé s'amuse!» laisse-t-il tomber.
«Accélérer, ce n'est pas annoncer 4 milliards de plus, c'est dire que cela va partir en 2009 plutôt qu'en 2010.» En 2001, quand l'attentat du 11 septembre avait miné la confiance, Pauline Marois avait permis d'atteindre le rythme de création d'emploi des années de la Baie-James en accélérant les annonces d'investissements, note-t-il.


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