Acte inexcusable, le bombardement de Cana aurait dû susciter de la part du Conseil de sécurité de l'ONU un sursaut autre que la timide inflexion dont il a accouchée. Alors que le Liban est dans l'obligation de composer quotidiennement avec la tragédie, les membres du club affichent des positions qui ne permettent pas d'entrevoir le silence des armes à très court terme.
Au terme de son deuxième périple au Proche-Orient en une semaine, la secrétaire d'État Condoleezza Rice a souligné que l'articulation d'un cessez-le-feu par le Conseil de sécurité serait accomplie au cours des prochains jours. Celui-ci comprendrait trois volets : la trêve comme telle suivie d'une déclinaison des balises politiques propices à une paix durable et enfin le mandat et la description de la force internationale. C'est donc ce document qui, selon Rice, devrait être entériné d'ici peu. Rien n'est moins sûr.
En effet, l'activisme diplomatique auquel se livre le gouvernement français s'est soldé par l'apparition de signes de tension entre Paris et Washington qui, pour l'instant du moins, font un écho lointain aux divergences constatées entre ces deux pays lors de l'épisode irakien. Chose certaine, entre les gestes posés et les paroles prononcées par les uns et les autres, c'est à la gestation d'un éloignement qu'on assiste, et non l'inverse.
À l'origine de cet éloignement, il y a la rencontre survenue entre le premier ministre Tony Blair et le président Bush, au terme de laquelle ils ont demandé l'envoi rapide d'une force internationale, dont leurs pays seront absents, sans avoir pris le soin de définir le cadre politique de la force en question. La mise en scène comme l'acte composé par Blair et Bush a passablement agacé l'exécutif français qui estime avoir été mis devant le fait accompli.
Est-ce par vanité ou par finesse diplomatique, on ne sait, Paris a répondu de la sorte : pas question de dépêcher de représentant lors de la réunion -- informelle pour être précis -- que les nations prêtes à participer au contingent militaire devaient tenir hier. Ensuite ? Ça se corse. Et ce, sur l'essentiel, soit évidemment le cessez-le-feu : la France n'enverra pas de soldats dans les environs de Beyrouth tant qu'un accord général n'aura pas été conclu entre Israël et le Liban.
Lorsqu'on s'arrête au contenu souhaité de l'accord, on peut craindre un report lointain de la trêve. On attend en effet des parties concernées qu'elles trouvent une entente sur le sort des prisonniers israéliens et libanais, le désarmement du Hezbollah et le déploiement d'une force internationale dans le Sud-Liban. Qui plus est, toujours dans l'optique française, cette dernière devrait avoir pour fonction première de soutenir l'armée libanaise, à qui reviendra la tâche d'exiger du Hezbollah qu'il lui remette fusils et missiles.
Ainsi donc, la force internationale ne sera pas appelée, selon le voeu de Paris, à appliquer le sujet central de la résolution 1559, soit le désarmement des milices. À moins évidemment que la France modifie sa position, le noeud du problème ne sera pas résolu avant des lunes. Croire que le Hezbollah va baisser la garde, quand il est l'instrument central dans cette région des visées politiques de la Syrie et surtout de l'Iran, relève tout bonnement de la crédulité.
Après trois semaines de bombardements, l'ONU a une fois encore fait la preuve de son incapacité à jouer sur les événements lorsqu'ils sont aussi violents que sanglants. Et ce, parce que ceux qui détiennent les clés des solutions calculent avec constance leurs avantages.
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