J’entends souvent certains souverainistes dédaigner le pouvoir provincial. Ils nous disent : c’est l’indépendance ou l’opposition. Je comprends cette tentation : à formuler son programme dans les limites du cadre provincial, ne risque-t-on pas de reconduire ce dernier et de le légitimer ? En expliquant qu’on peut faire beaucoup avant l’indépendance, est-ce qu’on ne dédramatise pas l’indépendance? Est-ce qu’on ne risque pas de se concentrer sur les projets réalisables dans le Canada actuel, quitte à le bousculer un peu, plutôt que de se concentrer sur la réalisation de l’indépendance, qui évidemment, ne se fera pas si on ne s’y consacre qu’à moitié?
Mais cette formule, cela dit, n’est-elle pas le parfait exemple de la maxime qui nous dit que le mieux est l’ennemi du bien? Car les quatre années qui s’ouvrent nous le confirmeront, entre le PLQ et le PQ, ce n’est pas du pareil au même. Il suffit de voir le nombre de projets dans lesquels les libéraux ont mis la hache pour voir que les deux partis sont loin d’être interchangeables. Qu’on pense simplement au nouveau cours d’histoire, aux chaires de recherche sur l’identité ou à la Charte des valeurs, à la refonte de la loi 101. Qu’on pense aussi à d’autres thèmes comme la définition des seuils d’immigration ou la mission reconnue à la Caisse de dépôt. Entre un parti nationaliste et un qui ne l’est pas, la différence est majeure.
Autrement dit, même sans l’indépendance, le pouvoir québécois peut beaucoup pour l’avenir de la nation, pour le meilleur et pour le pire. Gouverner la province de Québec n’est pas déshonorant, même si c’est certainement insatisfaisant. Je dis tout cela sans en arriver à je ne sais quelle opinion tranchée, parce que les choses me semblent immensément complexes. D’un côté, les souverainistes ne peuvent plus dissimuler leur idéal. De l’autre, ils ne peuvent pas renoncer à l’exercice du pouvoir dans le cadre canadien et consentir aux fédéralistes le pouvoir à Québec tant qu’ils ne seront pas en position de réaliser la souveraineté. C’est entre ces deux nécessités que se définira la réflexion nationaliste dans le cadre de la prochaine course à la chefferie. Le prochain chef du PQ devra certainement trouver sa propre synthèse entre ces exigences contradictoires et définir à partir de là son propre projet politique.
On le devine : personne n’arrivera avec une position absolument satisfaisante. Il faudra se méfier de ceux qui joueront la carte du purisme idéologique et qui se présenteront comme les gardiens du dogme indépendantiste. Il faudra aussi se méfier des petits calculateurs professionnels qui abandonneront la référence aux principes du nationalisme et qui se contenteront de chercher la solution rapide pour revenir au pouvoir pour le simple fait d’y revenir, sans savoir à partir de quelle vision de l’avenir du Québec l’exercer. Et n’oublions pas une chose : si les souverainistes dédaignent le pouvoir et n’entendent l’exercer qu’à leurs conditions, il se pourrait que les Québécois se détournent définitivement d’eux pour trouver une autre alternative aux libéraux.
Ni purisme, ni petit calcul
La voie étroite
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé