Dans l'édition du [Devoir de lundi dernier->2717], l'historien « postnationaliste » Jocelyn Létourneau se pose la question suivante : Plutôt que de nation, « Pourquoi ne pas parler de société ? ».
Société ? Qu'est-ce à dire ? Une société de gestion ? Une société d'État ? Une société industrielle ? La haute société ? La Bonne société ? Une société secrète ? La société ontarienne ? Bien sûr qu'au Québec, il y a une société dont on a dit, en 1987, qu'elle était distincte. La distinction fut refusée. Au plan sémantique, ce « jeu de société » fut un échec.
Passer de « nation » à « société » affaiblit la notion même d'appartenance à un groupe dont le destin est marqué par une histoire, une langue, une identité, une culture, voire une géographie. La nation n'est pas une compagnie dont les membres sont regroupés autour d'un intérêt corporatiste, économique, religieux, commercial ou autre. La nation se réclame d'une mémoire, la société d'une organisation d'intérêts.
Dans son mémoire présenté à la Commission parlementaire sur la Constitution, à l'automne 1987, le gouvernement doit cesser de jouer avec les mots. Cette société distincte est un leurre, l'union des écrivaines et des écrivains québécois refusait de substituer au beau mot de peuple, le terme ambigu de « société » : « Ce ne sont pas les "sociétés distinctes" mais bien les "peuples" qui perpétuent les langues maternelles et créent les cultures et les littératures originales. »
En proposant de parler de société plutôt que de nation − ce choix n'est pas innocent −, Jocelyn Létourneau nous ramène vingt ans en arrière, dans un débat stérile qui, encore une fois, gomme la réalité nationale du Québec au profit d'une ambivalence qui, même avec le souci de faire avancer le Québec, est malsaine.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé