LARA GEINOZCONSULTANTE EN SANTÉ ORGANISATIONNELLE, ÉTUDIANTE AU DOCTORAT EN PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL ET DES ORGANISATIONS, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
Je n’ai jamais été aussi fière d’être Québécoise. Chaque jour, j’attends avec impatience la conférence de presse du super trio Legault-Arruda-McCann, qui me rassure, me fait rire et m’encourage. « Tout va bien aller. »
Même histoire quand je me connecte sur Radio-Canada pour écouter la rediffusion de Tout le monde en parle. Moment cute : un historien qui nous parle de perspective, une psychologue qui nous parle de résilience post-traumatique, un humoriste qui nous fait rigoler, une artiste qui nous transmet les consignes sanitaires en chanson. Ça va bien aller, je m’identifie au message que l’on m’envoie et ça me met en confiance.
Je me sens en confiance jusqu’à ce que je me fasse une réflexion dérangeante : mais elle est où, la diversité ? Pourquoi ce n’est que des Blancs qui nous parlent dans les médias ? Comment ça se fait qu’on ne voie aucun représentant des minorités culturelles s’adresser à elles comme on s’adresse à moi ?
Cette réflexion m’inquiète quand j’entends que certaines communautés autochtones sont mal informées, que certaines minorités ethniques des quartiers de Montréal n’ont pas reçu toutes les consignes et que les « zones chaudes » indiquées par notre directeur national de la santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda, et notre mairesse Valérie Plante coïncident avec des lieux où un grand nombre de minorités culturelles demeurent.
NOTRE POPULATION IMMIGRANTE
Attention, je ne dis pas que mon gouvernement ou les médias font mal leur travail, au contraire, j’en suis fière. Ce que je dis, c’est que ça m’inquiète de constater que le message semble uniquement s’adresser à la culture dominante, à la majorité visible, aux Québécois et Québécoises blancs qui trouvent dont cute le Dr Arruda et ses tartelettes portugaises. Comme on s’est adressés aux jeunes (les milléniaux) et moins jeunes (les boomers) pas plus tard que la semaine dernière, je pense qu’il est grand temps de redoubler d’efforts pour s’adresser à notre population immigrante, surtout à nos immigrants de première génération.
À Montréal, l’état d’urgence est déclaré depuis le 27 mars. Quand on sait qu’environ 52 % de l’île de Montréal parle une autre langue que le français et l’anglais à la maison (arabe, 18 % ; espagnol, 12,9 % ; italien, 10,9 % ; langues créoles, 6,5 % ; mandarin, 4,2 %) et que plus de 20 000 personnes parlent uniquement une langue immigrante, je pense qu’il est urgent que nos élus et nos médias se mobilisent pour s’adresser spécifiquement aux milliers de Québécois qui ne s’identifient pas au super trio durant les conférences de presse quotidienne.
Si on s’amuse à faire le calcul à l’inverse, environ 80 % de la job est faite et bien faite quand on considère que plus de 80 % de la population québécoise de 8,485 millions est blanche.
Par contre, on semble laisser de côté le 20 % restant, un beau gros 1 697 000 personnes, au bas mot.
Sachant que le virus se propage de façon exponentielle, c’est alarmant.
Alors oui, ça va bien aller, mais pour l’amour du Bon Dieu (c't'une joke, on va laisser le Bon Dieu en dehors de cette discussion, les arcs-en-ciel font très bien la job), peut-on s’adresser aux Québécois au grand complet, s’il vous plaît ? Le virus, il s’en fout de notre loi 101, il ne discrimine personne. Alors, faisons de même et ne laissons personne derrière, pour ensemble, gagner cette grande bataille. C’est la seule façon.
* L’auteure est également étudiante au doctorat en psychologie du travail et des organisations à l’Université de Montréal.