Les commissions parlementaires tournent trop souvent à vide. Beaucoup d'énergie et de promesses; peu de résultats et de lignes directrices. Celle qui commence, sur le fait de mourir dignement, ne doit pas sombrer dans l'inutilité et l'action futile. Elle doit permettre d'accorder la réalité aux vœux de la population
Si les échanges qui ont commencé hier à Montréal sur la mort dans la dignité se cristallisent tous autour des camps «pro» et «anti» euthanasie, on risque hélas de contourner la matière vive de cette commission: la liberté de choix du patient et la capacité — ou l'incapacité — de la médecine à soulager tous les types de souffrance, y compris psychologique.
Difficile d'être pour ou contre l'euthanasie ou le suicide assisté. Comme le déchirant débat entourant l'avortement, la question doit se poser en d'autres termes: sommes-nous pour ou contre la liberté de choix du patient qui aspire à tirer sa révérence tout en noblesse? Parlerons-nous aussi de la douleur existentielle liée à une agonie plutôt que de n'évoquer que les souffrances physiologiques?
Les sondages, qui font de 80 % des Canadiens des gens ouverts à l'euthanasie, négligent trop souvent d'en définir les contours. Ne serait-ce que pour savoir de quoi au juste on parle, le courageux exercice lancé par les parlementaires du Québec est indispensable. L'euthanasie, considérée comme un crime en vertu des lois fédérales, est un geste posé dans le but intentionnel de causer la mort et de mettre fin à des souffrances. N'entre pas sous cette définition la sédation terminale, laquelle consiste à donner une médication qui rend inconscient et soulage la douleur jusqu'au décès. Ne s'applique pas non plus l'arrêt de traitement, parfaitement légal, et qui consiste à cesser des soins susceptibles de maintenir la vie.
De quoi parle-t-on alors? De la possibilité pour un patient, jugeant sa souffrance impossible à soulager, d'en demander l'abrègement. Or, à contexte souffrant égal, même les experts en soins palliatifs ne s'entendent pas sur la réponse à donner à une telle requête.
Les médecins Marcel Boisvert et Serge Daneault en ont fait une correspondance enrichissante, qui paraît ces jours-ci sous forme de livre. Le premier croit que pour un petit pourcentage de patients — 5 % environ —, même les meilleurs soins palliatifs n'atténuent pas la douleur, ce qui justifie qu'on respecte leur demande de mourir. Le second estime que la véritable compassion commande qu'on soulage le patient et non pas qu'on le «supprime». Leurs échanges servent à encourager les débats. Leurs différends font aussi la preuve que ces questions à haute teneur éthique ne trouvent pas toutes un arbitrage facile.
Sur quelles recommandations la Commission conclura-t-elle? Demandera-t-elle la légalisation de l'euthanasie ou du suicide assisté, à la manière des Pays-Bas ou de la Belgique? Choisira-t-elle de fournir au Procureur du Québec, comme l'a fait la Colombie-Britannique, des règles concernant les accusations portées par des personnes ayant aidé un malade à mourir par compassion?
Pour guider cette réflexion, la population est de toute évidence disposée à parler. Espérons que son témoignage, décliné en histoires personnelles et profonds questionnements, permettra au Québec d'évoluer, ne serait-ce qu'en rattrapant un évident retard dans la disponibilité des soins palliatifs sur son territoire — seuls 15 % des besoins sont comblés. Cela aussi est une question de dignité.
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machouinard@ledevoir.com
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