MORT DE GEORGE FLOYD : LA VIOLENCE POLICIÈRE N’EST PAS NÉCESSAIREMENT UN PROBLÈME RACISTE

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« Il est ignoble et inacceptable de voir certains profiteurs s’emparer de la tragédie américaine pour accuser une fois de plus les Québécois de racisme. »

Je m’étonne des affirmations répétées à outrance, comme si elles étaient des vérités et des évidences incontestables, selon lesquelles le harcèlement, la brutalité et la bêtise policières au Québec étaient un phénomène raciste dirigé contre les Noirs et, qui sait, peut-être inventées expressément contre eux ? Et que l’on retrouve ici des conditions comparables à celles de la tragédie américaine actuelle ?


Je viens d’un milieu qu’on qualifierait maintenant d’entièrement blanc, une partie de la Basse-Ville de Québec qui s’appelle la Pente-Douce, à une époque où nous n’y avions jamais, au grand jamais, vu de Noirs mais où la violence policière, la violence brutale et gratuite de la bonne vieille PP (pour police provinciale) constituait une menace constante et très réelle pour les jeunes dont j’étais.


Ces policiers blancs n’étaient pas des racistes – ils ne savaient même pas ce que c’était et n’avaient probablement jamais vu de Noirs – ; ils étaient tout simplement de sombres brutes, des abrutis qui, lorsqu’ils avaient bu, voulaient s’amuser ou faire un peu d’exercice, descendaient de leur poste de la Haute-Ville et venaient faire du slalom avec leur voiture dans les ruelles de la Basse-Ville et pourchasser les jeunes qui flânaient dans ces ruelles. Des policiers blancs poursuivant de jeunes Blancs.


Ces jeunes flânaient dans les ruelles parce qu’ils n’avaient d’autre endroit où aller. La cause du problème n’était pas le racisme, c’était la misère. Quant vous viviez à 8, à 10 ou à 12 dans un quatre pièces ou un cinq pièces et que vous aviez 13 ou 14 ans et que vous ne vouliez pas étouffer ou vous faire tuer dans cet enfer irrespirable, il fallait sortir, sortir dans la ruelle puisque vous n’aviez pas d’argent pour aller au café ou à la taverne (oui, la taverne était un abri même à cet âge). Et là, vous risquiez de devenir une cible de la PP. Il fallait courir vite et sauter des clôtures, ce que les policiers n’étaient pas en état de faire. Le risque, bien sûr, était qu’ils décident de tirer sur vous, sans raison, comme c’est arrivé quelques fois. Mais que faire d’autre ?


Lorsque les policiers pouvaient attraper un jeune, c’était des raclées, parfois de la torture, parfois des viols, parfois des meurtres. Encore une fois, il faut insister : il n’y avait pas de Noirs, jamais, pas un.


Ces policiers massacreurs étaient tous blancs et ne battaient que des Blancs. Ce n’était pas une affaire de racisme. Jamais.


Nous comprenions très clairement et on nous le disait pour nous le confirmer : c’était la Haute-Ville contre la Basse-Ville ; c’était une affaire de pauvreté et de classe sociale, une affaire de misère. Nous n’avions que ce que nous méritions, ce que la vie nous avait donné.


***


J’ai retrouvé et reconnu cette violence policière si familière quelques années plus tard alors que je travaillais pour des missions de l’ONU. J’ai assisté à des scènes semblables et bien pires en Haïti et dans divers pays africains, comme le Rwanda et le Kenya. Sauf que dans ces cas, les policiers et les massacrés étaient noirs, tous noirs. J’ajouterais que ce massacre de Noirs par des Noirs se poursuit toujours dans de nombreux pays africains. On n’a qu’à regarder ce qui se passe en Afrique du Sud. Au Québec, on n’entend pratiquement personne parler de ces massacres.


OPPORTUNISME


Par conséquent, je m’étonne que certains opportunistes tentent maintenant d’instrumentaliser le meurtre de George Floyd et la tragédie américaine actuelle pour convaincre les Québécois qu’ils sont de sales racistes et que la situation est ici semblable ou comparable à celle des États-Unis, dont les éléments et les causes seraient les mêmes. C’est faux et il faut le dire.


Il est impérieux de rappeler qu’à cet égard, la situation du Québec n’a jamais été celle des États-Unis, bien au contraire. Le Québec n’a pratiquement jamais eu d’esclaves, quelques dizaines tout au plus en 250 ans, et ces esclaves n’étaient pas noirs, mais presque tous des Indiens Panis. De plus, au XIXe siècle, le Québec et le Canada ont accueilli généreusement les esclaves noirs américains en fuite que le célèbre réseau Underground Railroad envoyait en sécurité ici (voir les cartes dans l’internet).


Ce sont là les ancêtres de nos premiers Noirs : des esclaves aux États-Unis, mais qui ont trouvé ici la liberté et s’y sont établis.


Il est ignoble et inacceptable de voir certains profiteurs s’emparer de la tragédie américaine pour accuser une fois de plus les Québécois de racisme. Par ailleurs, le Québec a déjà fait beaucoup pour régler la question de la violence policière, mais on ne fera pas véritablement avancer ce dossier en le déguisant en problème raciste.