Le premier ministre Couillard a bien pris note du récent sondage Léger-Le Devoir. À ses yeux, François Legault est désormais l’ennemi public numéro un.
« M. Legault doit maintenant commencer à se faire questionner sur ses positions, ses absences de position ou ses changements de position. Les petites idées qu’il lance à droite ou à gauche, maintenant il doit expliquer comment ça va marcher », a-t-il lancé en fin de semaine dernière devant un parterre de militants libéraux inquiets de la tournure des événements.
Il est vrai que le chef de la CAQ a souvent tendance à laisser des blancs dans ses propositions. Ainsi, son ambitieux projet Saint-Laurent, qui devait nous mener à la « conquête du monde », mais dont il ne parle plus, faisait totalement abstraction du gouvernement fédéral, dont la participation serait pourtant essentielle à la réussite d’un tel projet.
M. Legault n’a pas davantage expliqué comment sa non moins grandiose Baie James 2 serait conciliable avec les importants surplus d’électricité que le Québec n’arrive pas à vendre à un prix décent en raison de l’abondance d’un gaz naturel bon marché. Son entretien avec la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, n’avait rien de rassurant quant à une possible collaboration avec cette province.
Au cours des prochains mois, M. Legault devra clarifier certaines choses. Par exemple, alors que le réseau de l’éducation se remet péniblement d’une longue période d’austérité et d’instabilité ministérielle, la CAQ compte-t-elle toujours le replonger dans la tourmente en abolissant les commissions scolaires ?
M. Legault ne doit pas se méprendre : les sondages dont il a tout lieu de se réjouir traduisent essentiellement un ardent désir de changement. Il ferait une grave erreur en y voyant une quelconque adhésion au programme de la CAQ, dont la population connaît en réalité peu de choses.
Il est vrai que la très grande majorité des électeurs ne lisent pas les programmes des partis politiques. Ils n’en retiennent généralement qu’une ou deux idées, soit qu’ils les trouvent intéressantes ou au contraire repoussantes.
Un des grands succès de la CAQ au cours des dernières années a été de se donner l’image d’un parti des jeunes familles. Cela ne veut cependant pas dire que le « modèle » familial que le Québec a construit au fil des ans doit être chamboulé. Soutenir la famille ne signifie pas nécessairement revenir cinquante ans en arrière. Les stratèges caquistes semblent l’avoir compris.
Même si la nouvelle députée de Louis-Hébert, Geneviève Guilbault, et M. Legault lui-même ont manifesté leur sympathie pour la proposition de l’aile jeunesse du parti, qui voulait ressusciter l’idée d’une aide financière à la mère au foyer, au risque de nuire considérablement au réseau des centres de la petite enfance (CPE), elle ne fait pas partie de celles qui seront soumises au conseil général de la fin du mois. On y parlera de soutien à la natalité, de congés parentaux, de conciliation travail-famille, mais rien ne rappellera les « bons de garde » de la défunte ADQ.
On ne prévoit pas davantage de mesures pour soutenir le modèle d’affaires des garderies non subventionnées, comme l’avait laissé entendre Mme Guilbault. On entend plutôt faire en sorte que les CPE offrent des horaires plus flexibles afin de s’harmoniser à ceux d’un nombre grandissant de familles.
À l’approche des élections de 2003, c’est l’ADQ qui incarnait le changement face au gouvernement péquiste, mais elle avait eu le tort d’introduire dans son programme des éléments qui apparaissaient rétrogrades, comme les « bons de garde », le taux d’imposition unique ou encore la « médecine à deux vitesses ». Jean Charest avait beau être à la tête d’un « vieux parti », il avait eu beau jeu de dénoncer ce « dumontisme », digne d’un autre âge.
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