Suite aux événements de violence islamiste que le Québec et Ottawa ont subi, le premier ministre Philippe Couillard a rencontré plusieurs membres de la «communauté musulmane». Ce qui est reprochable à cette réaction, à notre sens, est que l’ensemble de ce groupe représente une seule tendance, celle qui s’est distinguée avant et pendant le débat sur la charte de la laïcité par sa défense des revendications des islamistes. C’est avec eux que Monsieur Couillard compte éviter et prévoir la radicalisation des jeunes. Cette démarche est significative, elle renvoie le message suivant: non seulement que l’islamisme n’est pas responsable de la radicalisation des jeunes, mais il est un remède à ce phénomène. Comment sommes-nous arrivés à cette situation kafkaïenne? C’est à cette interrogation que nous essayons de répondre dans cet article.
Pour comprendre cette situation, il faut savoir qu’en s’efforçant à réduire le citoyen à un simple membre d’une communauté, c’est-à-dire en le communisant, l’individu se retrouve sous l’emprise de deux autorités, une communautaire basée sur des liens primordiaux et l’autre politique basée sur un contrat social. Or, il y a lieu de signaler que la majorité des individus que le gouvernement range arbitrairement sous la catégorie de communauté musulmane sont des immigrants qui ont intégré la société québécoise par choix et non pas par un quelconque lien primordial, sinon ils auraient opté pour des pays avec qui ils ont des liens primordiaux. Ainsi, nous nous demandons pour quelle raison le gouvernement leur enlève le droit d’être traités comme citoyens et non pas comme membre d’une communauté religieuse.
Nous constatons, dans le discours, les actions et réactions du gouvernement une tendance forte d’une part à imposer une tutelle à des citoyens et des citoyennes, pas n’importe laquelle, mais celle qui revendique le référent islamique, et de l’autre à les emprisonner dans une catégorie basée sur le même référent, en l’occurrence la religion musulmane. Et cela, comme il l’annonce, pour régler un problème qui se nourrit aussi du même référent, c’est-à-dire de la religion. On est devant un cercle vicieux au sens propre du mot. Il y a de la magouille idéologique derrière ce procédé. En fait, ce n’est pas anodin que le gouvernement Couillard impose à «la communauté musulmane» des soi-disant représentants ou leaders qui exploitent le référent religieux qui devait en principe, si l’on croit à la laïcité, être de l’ordre de la vie intime. Comment voulez-vous que ces pseudo-représentants n’acceptent pas cette main tendue du gouvernement? C’est une opportunité pour eux afin de gagner plus d’espaces dans la sphère politique et de consolider leur idéologie dans la communauté que le gouvernement leur offre.
Par ailleurs, dans la réalité, il y a une interaction, un échange stratégique entre les souverains des deux niveaux de la société, les pseudo-représentants d’un côté et les élu(e)s de l’autre. Les souverains du premier niveau, en l’occurrence les islamistes et ceux qui gravitent autour d’eux, tentent tant bien que mal de politiser graduellement leur influence en revendiquant plus de liberté pour consolider leur contrôle sur ce qu’ils appellent la communauté musulmane. Les souverains du deuxième niveau, les professionnels de la politique, les élu(e)s, pour des raisons pragmatiques liées à la logique du nombre et du pouvoir de la majorité caractérisant la démocratie représentative et au relativisme culturel inhérent au multiculturalisme, montrent qu’ils sont prédisposés idéologiquement à céder au communautarisme le principe de l’autonomie de l’individu inhérente à la citoyenneté, afin de gagner quelques voix pour préserver leur statut. Ainsi, au lieu que les élu(e)s s’imposent en tant que représentants légitimes des citoyens fussent-ils musulmans; car ceux-là sont aussi des citoyens à part entière, le gouvernement a préféré stigmatiser cette partie des citoyens en leur réservant un traitement particulier par la délégation des prérogatives des élu(e)s aux représentants autoproclamés de la «communauté musulmane» dans toute sa diversité que le gouvernement qualifie de leaders de la communauté, or, à notre connaissance, personne ne les a mandatés pour parler en son nom.
Qui les a mandatés pour parler au nom des musulmans? Personne. Car il n’y avait aucune élection confessionnelle intracommunautaire à ce propos. Et comme par hasard, la plupart des interlocuteurs des autorités québécoises, les futurs éradicateurs du radicalisme, sont des militants du communautarisme religieux, des personnes qui se nourrissent de la même idéologie que ceux qu’ils prétendent combattre, ils partagent avec eux les mêmes combats idéologiques. Ils prônent un double langage, ils puisent leur force dans la mise en valeur de leur appartenance religieuse au détriment de la citoyenneté. Il suffit de se rappeler des propos choquants de l’imam de Brossard, pour savoir que la solution au radicalisme religieux ne peut venir de ceux qui exploitent le référent islamique et font de lui leur fond de commerce.
Parmi ces pseudo-représentants de la pseudo communauté musulmane, il y a des membres qui disaient, il n’y a pas si longtemps, que l’impact des actes de violence des islamistes est un fait amplifié par les médias, et ils alléguaient pendant le débat sur la charte de la laïcité qu’il n’y a pas d’islamistes au Québec. La question qu’on doit se poser dans ce cas est la suivante: pourquoi se mobilisent-ils de cette façon? En principe, pour eux, il n’ y a pas de feu dans la demeure, tout va bien. Mais, non, on les voit proposer leur coopération au gouvernement. C’est étonnant, ils sont mêmes prés à trouver des mécanismes pour dénoncer les personnes prises dans un processus de radicalisation qui se nourrit du référent islamique.
On a le droit aussi de s’interroger ; pourquoi avant les deux actes de violence que le Canada a connus, ils ne voyaient pas ce danger ? Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui qu’ils sont soudainement prés à combattre le radicalisme? ISIS leur fait-il peur à ce point, ou bien savent-ils pertinemment que la violence de ce groupe islamiste est susceptible de discréditer leur idéologie? ISIS avec ses actions spectaculaires diabolise de plus en plus tout ce qui s’appuie sur le référent islamique. Ainsi, pour minimiser les dégâts, il n’y a pas mieux pour les militants du communautarisme religieux que de faire une distinction entre l’islamisme et la radicalisation, or, dans la réalité, il n’ y a aucune différence entre les deux, car ils sont deux facettes du même processus.
De quelle façon ces pseudo-représentants éviteront-ils la radicalisation à nos jeunes? Quels sont les indices visibles de cette radicalisation afin qu’ils agissent pour la stopper ou la prévoir, sachant bien que les symboles forts de l’islamisme sont le port du voile, le refus de la mixité, la revendication de la charia, faire l’éloge de l’état islamique et autres comportements islamistes qu’il ne considèrent pas comme des signes de radicalisation, mais des droits individuels qu’il faut respecter?
Il y a certains immigrants qui ont des expériences du processus de radicalisation; car leurs parents les ont surveillés pendant leur jeunesse afin qu’ils ne soient pas récupérés par l’islamisme. Ceux-là pourraient constituer une ressource d’information empirique susceptible d’aider le gouvernement à combattre l’islamisme. Mais malheureusement, leur expérience ne cadre pas avec la position que le gouvernement libéral a de l’islamisme.
En effet, en Algérie, par exemple, avant l’apparition des réseaux sociaux, les signes de radicalisation étaient visibles, les parents les identifiaient facilement, même s’ils vivaient dans un contexte culturel dominé par le référent islamique. Ils étaient capables de constater ce processus de radicalisation dans le comportement de leurs enfants. Ces derniers se manifestent chez les jeunes hommes par des attitudes, des gestes, des réflexions et des actions observables. Lorsque les parents voyaient par exemple chez leurs enfants des attitudes, des actions ou des réflexions exprimant un mépris à l’égard de la femme qui ne porte pas le voile, une tendance à imposer cet accoutrement à leurs sœurs, voire à leur mère, le rejet de la musique et des images, le refus de serrer la main d’une femme, la tendance à codifier ses actes des plus importants aux petits détails de sa vie quotidienne par des prières(doaa), la fréquentation excessive des mosquées hors des heures de prière, la lecture des livres qui défendent l’état islamique, l’écoute des prêches les plus virulents, changement de fréquentation, changement dans le langage et formes de politesse, la critique de tout ce qui est considéré non-islamique et bien d’autres comportements que les parents peuvent remarquer chez leurs enfants dans leur vie quotidienne, alors ils sont immédiatement alertés du changement qui s’opèrent dans le comportement de leurs enfants. Par conséquent, ils s’inquiètent et agissent pour freiner le processus de radicalisation. La particularité de ces comportements est qu’ils étaient repérables par les parents qui n’étaient pas embrigadés eux-mêmes dans le processus de radicalisation islamiste.
Cependant, aujourd’hui les immigrants provenant des pays qui ont connu et subi la violence islamiste comme l’Algérie ne sont pas en mesure de surveiller le comportement de leurs enfants comme leurs parents le faisaient à leur égard ; car l’évolution des techniques d’information et de communication les dépasse: l’utilisation de ces moyens modernes par les islamistes et leurs enfants nécessite un effort colossal qui implique l’intervention du gouvernement et non pas de la pseudo communauté musulmane et surtout via des pseudo représentants qui ne cessent de dire depuis des années que la lutte contre l’islamisme est une lutte contre des moulins à vent.
Si l’on néglige ces indices, que restera-t-il en fin du compte pour constater le processus de radicalisation ? Le port d’une ceinture explosive ?
Le multiculturalisme a normalisé l’islamisme au point de nous rendre incapables de ne remarquer dans le processus de radicalisation que son côté violence physique, c’est-à-dire son aboutissement. Or, arriver à ce stade de radicalisation, c’est déjà la preuve que c’est trop tard pour réagir. Il ne faut pas s’attendre à ce que la personne potentiellement violente exprime en public sa volonté de passer à l’action avant l’acte.
En outre, les enquêtes ont révélé que la radicalisation des deux islamistes canadiens qui sont passés à l’action violente s’est faite par le biais des réseaux sociaux et surtout après une reconversion à l’islam ou l’islamisme. Or, cette réalité est ignorée et minimisée par ces représentants autoproclamés de «la communauté musulmane», en évoquant la folie comme explication. Tout le monde sait que l’islam contient des textes sacrés pouvant orienter le croyant vers l’intégrisme et l’intolérance. Sous l’emprise de la logique de ces textes, des personnes peuvent trouver non seulement des justifications de l’action violente, mais aussi des obligations divines à les commettre. Ce sont ces textes que les groupes islamistes armés utilisent fréquemment pour justifier et convaincre leur membre de l’obligation de passer à la violence
Dans ce cas, peut-on empêcher une personne de lire les textes sacrés qui justifient la violence? Évidemment non, surtout si l’on croit profondément que le coran ne contient pas ce genre de textes, comme ces pseudo-représentants l’allèguent. Que faire donc? Il faut revenir à l’éducation, par exemple exploiter le cours d’éthique et de culture religieuse pour éveiller les enfants à l’esprit critique et non pas pour faire l’éloge des religions. S’assurer que nous enfants aient les mêmes programmes d’enseignement loin de l’endoctrinement religieux que les écoles confessionnelles pratiquent d’une façon explicite ou tacite avec de l’argent public. Or, le problème est que cette démarche demande des interventions et des stratégies dont ni le gouvernement libéral ni les leaders autoproclamés de la «communauté musulmane» ne croient l’utilité. Nous avons vu ce gouvernement à l’œuvre. La façon avec laquelle il a traité le problème des six écoles hassidiques illégales et le choix de la composante des pseudo-représentants de la pseudo communauté musulmane, nous renseignent de sa limite idéologique à lutter contre n’importe quel fanatisme ou radicalisme religieux.
Avec cette façon de traiter le phénomène de l’islamisme – car il s’agit bel et bien de cette idéologie et non pas d’un déséquilibre psychologique- et tant que le communautarisme religieux empêche l’émergence de l’individu citoyen, le gouvernement libéral montre, avec son approche idéologique, que le problème de l’islamisme au Québec est là pour durer et qu’il fera certainement partie du paysage politique Québécois de manière plus accrue.
Par Ali Kaidi
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