La scène avait quelque chose de loufoque. Devant justifier son voyage en France avec six de ses ministres, le premier ministre Philippe Couillard a expliqué le tout en disant que la note serait pour les Français. Comme on dit, il voyagera aux frais de la princesse. Ou des cousins. C’est l’usage, a-t-il pris soin de préciser. Peut-être bien. Mais la manière de le dire était si grossière qu’elle en devenait gênante.
D’ailleurs, la presse française s’en est indignée. Monsieur Couillard nous aura fait honte. Entendre le premier ministre d’un peuple ami expliquer sans mauvaise conscience à son peuple qu’il ne se rendra en délégation dans un pays qu’à la stricte condition qu’on paye tout pour lui avait quelque chose d’humiliant. Nous avons eu l’air d’une nation d’entretenus, peut-être même de profiteurs.
Mais ce qui est surtout gênant, c’est l’esprit provincial que cela révèle. Et pas seulement celui du premier ministre, mais bien d’un grand nombre de Québécois qui s’imagine que les affaires internationales ne nous concernent pas, que le Québec n’a rien à faire sur la scène du monde, qu’il n’avait pas d’intérêts internationaux spécifiques. Sortir de la gestion des affaires ordinaires, c’est de la dépense inutile. Qu’on laisse ça à Ottawa. Les grandes personnes sont là-bas.
C’est aussi notre antiélitisme congénital qui a parlé. Dès qu’une délégation d’artistes part à l’étranger en tournée financée par l’État, pour promouvoir la culture québécoise, on hurle aux privilèges odieux. Tout ce qui relève de la symbolique, de l’identité, de la culture et du prestige de l’État est suspecté. S’ils avaient à choisir, bien des Québécois préféreraient que leur État ressemble à une administration municipale plutôt qu’à un État souverain.
Refuser d’exister
Il y a là-dedans quelque chose qui fait petit peuple. Nous avons perdu le sens de l’État, qui s’accompagne nécessairement d’une certaine majesté. Il doit savoir tenir son rang. À moins que nous ne l’ayons jamais eu? C’est ce qu’on pourrait appeler le prix de l’échec de la souveraineté. À refuser toujours d’exister comme une nation à part entière, nous reprenons nos réflexes de benêts provinciaux sans conscience des manières du monde.
Nous avons perdu le sens de l’État, qui s’accompagne nécessairement d’une certaine majesté
Pas une cenne! C’est bien ce que nous a dit notre premier ministre, nous faisant immédiatement passer pour un peuple de radins, de profiteurs culottés et sans génie. La prochaine fois que le Québec organisera quelque réception officielle d’un dignitaire étranger, au parlement, à la radio, on dénoncera, au nom de l’austérité à appliquer à tout le monde, les grands repas et les bons hôtels où loger nos invités.
J’imagine l’avenir: faudra-t-il désormais convier les présidents et ministres en visite chez nous à la rôtisserie du coin? Faudra-t-il leur servir du vieux spaghetti réchauffé de la veille? Ou encore, des bouchées de simili poulet et de baloney? Faudrait-il les déplacer en Chevrolet rouillée, ou encore, en autobus jaune? Et les loger au motel sur la 20, pour être bien certain qu’ils n’abusent de rien?
Que pensez-vous du déplacement de Couillard et de ses ministres en France ?
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