Marion Maréchal Le Pen vient de rappeler, à l’occasion d’une interview donnée à la revue Charles, une vérité qui devrait s’imposer comme une évidence pour des êtres dotés d’intelligence : « La république ne prime pas sur la France. » J’imagine que la gauche, voire plus si affinités, va concocter contre le député de Vaucluse un procès pour crime d’anti-républicanisme, procès dont elle a le secret.
Et pourtant ! Et pourtant, je serais tenté de dire que ces propos n’auraient pas été reniés par le fondateur même de notre actuelle république.
En effet, nos républicains compulsifs feraient bien de lire ou relire quelques textes. Pas Maurras, non, mais par exemple l’ordonnance promulguée le 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire national et signée par le Général de Gaulle : « article premier. La forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n’a pas cessé d’exister ». On ne peut être plus clair. La France précède, transcende la forme de son gouvernement.
Et puisque nous évoquons De Gaulle et que, la semaine dernière, la République — en la personne de son président — a célébré le 75e anniversaire de l’Appel du 18 Juin, invitons ces mêmes compulsifs à le relire. Le mot république n’y est pas mentionné une seule fois. On y parle de la France, des Français. Pas de la République. Ce n’est pas que le Général de Gaulle n’était pas républicain. Ceci dit, en 1940, s’il n’avait compté que sur les républicains, il aurait été bien seul alors qu’au même moment les ancêtres politiques de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, rappelons-le, votaient majoritairement les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, mettant ainsi à bas la IIIe République… Du reste, par cette ordonnance d’août 1944 qui rétablissait la légalité républicaine, le Général de Gaulle donnait un gage irréprochable de républicanisme.
Ce même De Gaulle confiait à Peyreffite au début des années soixante : « Je n’aime pas la république pour la république, mais, puisque les Français y adhèrent, il faut bien y adhérer. Ils n’imaginent pas de vivre autrement qu’en république. » (in C’était De Gaulle). Les républicains compulsifs n’aiment pas la république pour la France. Ils aiment la république pour la république. Un peu comme les communistes en URSS aimaient l’URSS pour l’URSS. À ce propos, De Gaulle affirma : « La Russie boira le communisme comme le buvard. » Nos républicains compulsifs ont peut-être peur que, de la même manière, la France boive la république, ou tout du moins ce qu’ils en ont fait, c’est-à-dire une société à responsabilité limitée, pire peut-être, une succursale de la Bruxelles & Strasbourg Company.
Les républicains compulsifs vont finir par rendre notre république répulsive, à force d’en faire une divinité désincarnée à laquelle il faudrait tout sacrifier, y compris sa conscience.
Marion Maréchal Le Pen parle comme devraient le faire ceux qui osent encore, toute honte bue, se prévaloir de l’héritage de De Gaulle, alors qu’ils ont bradé la souveraineté du pays et blessé profondément son identité. Elle en appelle à une république raisonnable et non fanatique et s’inscrit en quelque sorte dans une tradition gaullienne, mieux, tout simplement française. Là est sans doute le crime. Pire : la faute. Heureuse faute, en tout cas. O Felix culpa !
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