PASSEPORT VACCINAL

Manifestations à Paris contre le pass sanitaire : l’angoisse montante d’une vie de «paria»

Les Français résistent au crédit social vaccinal

Dans la mobilisation parisienne contre le pass sanitaire, derrière des profils très variés, la même angoisse sourde : celle de devenir du jour au lendemain, par refus du vaccin contre la COVID-19, un «citoyen de seconde zone».



«Moi je bosse dans une mairie et mon élu va me faire la guerre», confie un manifestant non vacciné à un autre. «Moi, j’ai un ami qui a fait un AVC (accident vasculaire cérébral) après sa deuxième dose, donc c’est non», lui répond l’inconnu, dans une foule bruissant de rumeurs et d’inquiétudes.



En attendant que le cortège organisé par les Patriotes de Florian Philippot (l’ancien numéro 2 du Front National, extrême droite) ne s’ébranle, une marée de manifestants brandit des drapeaux tricolores et des pancartes sur lesquelles on peut lire «Libérons la France».



Les badges vendus sur un stand «Non au passe de la honte», «liberté vaccinale» sont pris d’assaut. Cette manifestation a rassemblé au total 11 000 personnes, selon le ministère de l’Intérieur.



Près de 240 000 Français ont manifesté samedi, pour le quatrième week-end consécutif de mobilisation, contre le pass sanitaire, deux jours avant son entrée en vigueur, dont 17 000 au total à Paris, regroupés au sein de différents cortèges.



Plutôt que de grandes diatribes contre le président Emmanuel Macron ou de débats politiques ou sociétaux, chacun y va de son anecdote personnelle, avec le besoin de témoigner des conséquences sur sa vie quotidienne que pourrait entraîner le refus du pass sanitaire et, très majoritairement, de la vaccination elle-même.



Suzanne Petit, 30 ans de militantisme au Front National (devenu le Rassemblement National), évoque son «ras-le-bol de devoir montrer patte blanche». Puis embraie sur les querelles de famille, avec «les vaccinés qui veulent nous obliger alors que nous on les oblige à rien du tout», dit la retraitée, son masque «Liberté» sur le visage.



L’idée de pouvoir être sanctionnée pour son choix de la non-vaccination, un droit inaliénable pour elle, a aussi poussé pour la première fois dans la rue Flavie Dupont, 27 ans, une ouvrière viticole en Bourgogne (centre). «Demain, si mon patron me demande ce vaccin, je perds mon travail», explique la jeune femme.



«Depuis quelques jours, on est devenus des parias de la société, des irresponsables. Mais ce que je dis est pourtant évident : je ne veux pas imposer à mon enfant de se faire vacciner pour aller au cinéma», harangue à la tribune le sapeur-pompier Geoffrey Denis, qui a fait partie du mouvement des «gilets jaunes» avant de rejoindre la liste de Florian Philippot.



«Gentils», «méchants» 



Dans l’autre principale manifestation parisienne du jour, celle de ceux qui refusent chaque week-end de défiler avec l’extrême droite, on trouve de nombreux «gilets jaunes», des infirmières en blouse blanche, des militants de la France Insoumise (gauche radicale) réunis par leur opposition au pass sanitaire.



Dans ce cortège de plusieurs milliers de manifestants - 4500 selon le ministère de l’Intérieur -, certains relaient des thèses complotistes.



Telle une professeure de yoga retraitée de 74 ans persuadée que «la COVID a été créé pour éliminer des gens parce qu’on est trop sur Terre, et permettre aux labos pharmaceutiques de faire du fric».



Mais on rencontre aussi beaucoup d’opposants modérés et de néophytes.



Comme Frédérique Baron, arrivée de la banlieue. «Ce qui m’inquiète, c’est qu’on est en train de créer deux sociétés, avec d’un côté les gentils, de l’autre les méchants (..) Ceux qui se posent des questions n’ont même pas le droit de réfléchir», dit-elle.



Y aurait-il, en chien de faïence, une France pour qui la vaccination est une évidence et une France pour qui son rejet en est une autre ? L’obligation de présenter un pass sanitaire - preuve de vaccination, de test négatif ou de guérison de la COVID-19 - dans certains lieux ou pour certaines activités publiques, met au jour une fracture.



Au milieu du cortège, Christophe Caproni, un trentenaire, manifeste même après avoir été vacciné. «Pour moi, on ne peut pas combattre une épidémie sans solidarité et dire aux non-vaccinés qu’ils sont irresponsables ou en faire des boucs émissaires, ça ne peut pas marcher».