Connaissez-vous Hans Mercier? Non? Moi non plus. Cela ne l’empêche pas d’avoir une grande ambition politique, celle non seulement de devenir premier ministre du Québec, mais de faire sécession du Canada et de faire de La Belle Province le 51e état américain. Bon. La nouvelle sortie ce matin dans le Journal de Montréal et La Presse a de quoi faire sourire tant elle évoque un site d’informations satiriques. Bien entendu, on se doute de l’issue de la tentative. L’échec sera cuisant, même si Mercier prétend qu’il pourra présenter 125 candidats sous la bannière du Parti 51 en 2018. Pourquoi parler d’un phénomène politique aussi marginal et lui accorder l’importance d’un billet de blogue? Très simplement parce qu’il s’agit de l’expression politique d’un phénomène fascinant : celui de l’esprit du colonisé.
Liberté, sécurité, prospérité?
Liberté, sécurité, prospérité. Voilà ce que l’annexion du Québec aux États-Unis nous apportera collectivement, promet Mercier. Quelle étrange vision de la liberté anime cet individu pour proposer aux Québécois de passer d’une fédération de langue anglaise désincarnée de 30 millions d’habitants au pouvoir assimilateur médiocre à une fédération de langue anglaise légendaire de 300 millions d’habitants au pouvoir assimilateur immensément puissant. Il est vrai que l’erreur historique du Canada, aux yeux de certains Québécois, est de ne pas avoir réussi à assimiler correctement les francophones à la culture anglo-protestante et d’être pris, aujourd’hui, avec une engeance francophone rebelle dans leur beau grand pays succédané des États-Unis d’Amérique. Hans Mercier a trouvé, pour eux, une solution potentiellement salvatrice : la liberté nationale par l’anéantissement, à moyenne ou longue échéance, des particularités et des racines.
Mercier prétend que son projet est « rassembleur et répond aux aspirations de tous les québécois, qu’ils soient souverainistes ou fédéralistes ».
Spectaculaire assertion.
Si le degré de centralisation de la fédération américaine diffère de celui de la fédération Canadienne, s’il est vrai que le Québec pourrait avoir sa milice, sa constitution, accès à un dollar plus fort, il aurait rarement été moins proche de la liberté que confère la souveraineté nationale et plus proche de l’assimilation culturelle la plus totale. La force d’attraction nationale d’un pays tel que les États-Unis d’Amérique est gigantesque. Elle nous touche déjà allègrement et nous aspire dans son orbite nous et plusieurs pays du monde sans même que nos destins politiques ne soient liés. Nos velléités existentielles douloureuses s’estomperaient certainement à mesure que le rouleau-compresseur culturel ferait son effet. Le seul avantage que j’y vois : l’agonie serait moins lente et hypocrite qu’en restant au sein du Canada.
Consentir à l’enfermement et choisir sa chaîne
Dans tous les cas, quelles que soient les promesses de Hans Mercier, une chose est à retenir : l’esprit de colonisé n’a pas fini de nous hanter.
En quoi les États-Unis peuvent-ils nous faire envie à nous, Québécois? Par la force de leurs mythes fondateurs, par la grandeur de leur identité nationale, par leur foisonnement de héros et d’histoires glorieuses, par leur capacité à assumer un rôle de leader international et à peser dans la balance du concert des nations du monde. Rien ne serait plus grotesque pour nous que de nous annexer à eux pour arriver à atteindre ce qui nous fait envie chez eux : leur souveraineté nationale et la puissance de leur mythologie collective. Nous, Québécois, avons tout le potentiel pour devenir, à notre tour, un État solide, enviable avec une histoire riche et truffée de grands personnages et de fierté collective.
Nous ne ferons jamais le poids par rapport aux États-Unis dans l’équilibre mondial, diront certains. Nous ne serons peut-être jamais aussi gros, nous ne gagnerons peut-être jamais la bataille de coqs, mais notre poids stratégique peut être grand si nous agissons et nous positionnons avec finesse.
Mais à cela il est inutile d’aspirer si nous sommes incapables de nous débarrasser des multiples formes de l’esprit colonisé qui nous habite et qui est persuadé que nous ne valons, finalement, pas grand chose, et que choisir sa chaîne et sa cellule constitue le mieux que l’on puisse espérer pour nous-mêmes. De maîtres chez nous à maîtres chez eux? Non merci!
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