Lorsque les loups se transforment en brebis

Tribune libre


Je me souviens, alors que j’étais encore enfant, de ces images de loups, revêtus du pelage de l’agneau. Ils s’introduisaient discrètement dans la bergerie et, une fois à l’intérieur, laissaient tomber leur pelage pour se gaver de la chair et du sang des brebis sans défense.

C’est cette image qui me vient à l’esprit lorsque je regarde ce qui se passe au Honduras depuis le 28 juin dernier. Il est vrai qu’à leur premier essai, les putschistes (loups) ont perdu leur pelage d’agneau. Ce qui devait être une transition normale, faisant suite à une lettre de démission du Président constitutionnel, s’est avéré être un Coup d’état militaire, suite à la mise à jour de la fausseté de la lettre. Les « loups » venaient de perdre leur pelage d’agneau. Ils avaient enlevé le Président constitutionnel par la force des armes, l’avaient sorti du pays et s’étaient emparé de tous les pouvoirs de l’État et de l’armée. C’est alors que des voix s’élevèrent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays pour condamner ce Coup d’état et demander aux putschistes de se retirer. Ils n’en firent rien, sachant qu’à l’intérieur ils sauront contrôler avec l’armée les voix discordantes et qu’à l’extérieur, le grand frère loup saura les revêtir de nouveau du pelage de l’agneau. Ce sera une question de temps.
Effectivement, à l’intérieur, l’armée a poursuivi, arrêté, emprisonné, torturé et tué bien des voix discordantes. Les médias d’opposition ont été fermés et l’usage d’armes chimiques ont permis de contenir les activités du Président constitutionnel, revenu clandestinement au pays et hébergé à l’Ambassade du Brésil. À l’extérieur, ce fut la mise au point d’une stratégie de négociation qui fera durer dans le temps le gouvernement des putschistes, question de redorer leur image en en faisant « un gouvernement de facto » et de ternir du même coup celle du Président constitutionnel en le ramenant à un Président déchu. Ce même délai permettra de préparer, sous les formes les plus élégantes, des élections prévues pour le 29 novembre. Ces dernières seront la voie non violente pour sortir de la crise. Le retour du Président constitutionnel, comme moyen de sortie honorable de la crise, sera entretenue le temps de redorer l’image des putschistes, mais ne fera pas partie du scénario final.
Les médias et les agences de presse, sous le contrôle du grand loup, ont fait leur travail pour transformer l’image du loup en celle d’un agneau et celle de l’agneau (le Président constitutionnel) en celle d’un loup. Ils ont su taire les persécutions, les tortures, les morts, enfin tout ce qui pouvaient ternir cette nouvelle image du loup transformé en agneau. Ils ont pris bien garde de ne pas donner la parole au peuple dans les rues, dans les assemblées, dans leur résistance. Les techniciens de l’information ont su diriger les projecteurs de manière à bien servir les objectifs visés.
À une semaine des élections, les loups sont toujours au pouvoir sous leur nouveau pelage d’agneau et sont déterminés à compléter leur transformation par des élections également revêtues de tout ce qui peut y avoir de plus démocratique. Au lendemain de ces élections ils ne seront plus des putschistes, ni un gouvernement de facto, mais un véritable gouvernement élu par le « peuple ». Ils auront alors toute la légitimité d’un gouvernement démocratique. Ils seront des élus. La bergerie sera démocratiquement à leur disposition. Ce sera sans nul doute le message que les médias, soumis au grand loup, diffusera dans tous les pays du monde.
Mais voilà que le Président constitutionnel est toujours bien vivant et seul à pouvoir assurer le lien constitutionnel dans le transfert des pouvoirs. Dans une lettre envoyée au Président des États-Unis et dans un communiqué adressé aux gouvernements du monde, il déclare que les conditions pour des élections libres et transparentes n’existent pas sous l’actuel régime des putschistes et qu’elles ne pourront être reconnues ni par lui, ni par aucun gouvernement démocratique. Les partis d’opposition et le regroupement contre le gouvernement putschiste ont annoncé, pour leur part, leur non participation à cette mascarade d’élections entièrement contrôlées par les « loups » et visant à faire oublier le Coup d’état militaire et les crimes commis par ces derniers.
À l’international, l’Organisation des États Américains (OEA), l’Organisation des Nations Unies (ONU), et la majorité des pays du Continent ne reconnaîtront pas les résultats de ces élections.
QUE FERA LE CANADA, CE GRAND DÉMOCRATE ? Rejoindra-t-il le « grand loup » qui s’est déjà prononcé sur le sujet ou sera-t-il fidèle au peuple canadien pour qui les valeurs démocratiques vont au-delà des mascarades?
Oscar Fortin,

Québec, le 20 novembre 2009

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Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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