La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, corrige le tir. La Loi sur la neutralité religieuse de l’État oblige toute personne à montrer son visage, mais seulement lorsqu’elle interagit avec un agent de l’État, a-t-elle indiqué en conférence de presse mardi.
Dans cet esprit, un usager d’un service de transport public n’a pas à se découvrir le visage lorsqu’il valide son titre de transport sur une borne électronique. Mais, un chauffeur d’autobus pourra demander à une personne de se découvrir le visage afin de vérifier la validité de son titre de transport si celui-ci est accompagné d’une photo — les cartes OPUS à tarif réduit destinées aux étudiants et aux personnes âgées de 65 ans et plus de la Société de transport de Montréal (STM) par exemple. Une fois identifié, l’usager ou l’usagère pourra prendre place dans l’autobus ou la voiture de métro tout en replaçant son niqab, sa cagoule, ses verres fumés ou encore son bandana.
« Cette interaction qui est la vérification de l’identité peut être requise, et évidemment elle va se faire à visage découvert. Toutefois, une fois que l’on a pris place dans l’autobus ou dans le métro, on évolue dans le prolongement de l’espace public. La loi n’entend pas régir le prolongement de l’espace public », a expliqué Mme Vallée lors de la présentation des principes d’application de l’obligation de donner et de recevoir les services publics à visage découvert. Celle-ci constitue le cœur de la Loi sur la neutralité religieuse de l’État, qui a adoptée il y a six jours à l’Assemblée nationale malgré l’opposition du Parti québécois, de la Coalition avenir Québec et de Québec solidaire.
Contradiction
Pourtant, Mme Vallée avait dit en commission parlementaire que l’obligation d’avoir le visage découvert serait effective « durant la durée de la prestation de services ».
« Pour les gens qui sont dans l’autobus, c’est pendant toute la durée du trajet ? » lui avait demandé la députée péquiste, Agnès Maltais, durant l’étude détaillée du projet de loi 62. « C’est ça. C’est clair. J’avoue que peut-être les explications que j’ai pu donner n’étaient peut-être pas aussi claires que ça. Je tiens à réitérer : c’est durant la durée de la prestation de services », avait répondu Mme Vallée.
« Si mes propos ont pu être appelés à être interprétés, je fais amende honorable et je m’en excuse, tout simplement », a lâché Stéphanie Vallée devant la presse mardi.
Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont tour à tour accusé mardi l’élue libérale d’avoir induit en erreur les membres de la commission des institutions qui ont passé au crible le projet de loi 62. Mme Maltais a dit « se sentir flouée ». Le leader parlementaire de l’opposition officielle, Pascal Bérubé, a même crié à l’outrage au Parlement.
« On a assisté, ce matin, au plus grand dégonflement depuis la cérémonie de clôture du Festival des montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu », a décrié le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, moins d’une semaine après l’adoption de la loi 62. « Alors, donc, on a un gouvernement qui vote une loi qui est très imparfaite, mais pour eux, elle devait être parfaite, ça fait 10 ans qu’ils y travaillent, ça fait 10 ans qu’ils fignolent. Et là, à la première tempête venue, s’écrasent. Le gouvernement du Québec s’est écrasé. »
La ministre de la Justice a rappelé que la loi 62 n’est pas assortie de « sanctions », de « pénalités ». « Pourquoi il n’y a pas de pénal ? Parce que, dans une loi sur le vivre ensemble, on n’y va pas en lançant... en ayant des pénalités, on y va plutôt... on tente d’aller chercher l’adhésion, mais ultimement oui, il y a des outils. » Cependant, le gouvernement du Québec pourrait forcer les municipalités à appliquer l’obligation du visage découvert au moyen d’une injonction. « Mais, on n’en est pas là », a-t-elle précisé.
À Montréal, le maire Denis Coderre demeurera les bras croisés. De toute façon, « ça ne passera pas la rampe des tribunaux », a-t-il dit.
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