Loi 101: un signal clair

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Le français, langue de l'État québécois


Le Devoir publiait lundi la lettre d’un de ses lecteurs, Yves Chartrand, qui se dit un ardent défenseur du français et un indépendantiste inconditionnel, mais selon qui imposer l’affichage français à l’hôpital de Lachute vise à « effacer l’histoire au nom d’une pureté retrouvée et à faire de simples citoyens des boucs émissaires de notre frustration linguistique ».


Selon le préfet de la MRC d’Argenteuil, Scott Pearce, il ne s’agit pas d’un débat sur la langue, mais plutôt sur les « valeurs ». La décision de l’Office québécois de la langue française (OQLF) ne correspond pas à « nos valeurs comme région », a-t-il expliqué.


Il est vrai que Lachute n’est pas l’endroit où se joue l’avenir linguistique du Québec, mais la Charte de la langue française, qui prévoit déjà de nombreuses exceptions, ne peut pas s’appliquer en fonction d’une prétendue géométrie des valeurs régionales. Il est désolant qu’on présente continuellement la question linguistique comme un problème strictement montréalais dont le reste du Québec n’a pas à faire les frais.


Il va de soi que la communauté anglophone d’Argenteuil, comme celles de toutes les régions du Québec, a droit au respect. C’est précisément la raison pour laquelle il est possible d’être soigné en anglais, même dans les établissements qui ne bénéficient pas légalement d’un statut bilingue. La nouvelle signalisation à l’hôpital de Lachute n’y changera strictement rien.


 

 

La ministre responsable de la Charte de la langue française, Nathalie Roy, s’étant clairement engagée à la faire appliquer, M. Legault ne pouvait pas reculer à la première occasion sans perdre toute crédibilité, même si les élus locaux auraient souhaité que son gouvernement continue à fermer les yeux sur cette irrégularité.


Selon une porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides, le bilinguisme a été introduit « de bonne foi » à l’hôpital de Lachute sous une autre administration, il y a déjà plus d’une dizaine d’années.


Elle aurait pu ajouter : sous un autre gouvernement. Pendant quinze ans, le message que les libéraux ont envoyé aux dirigeants du secteur public et à l’ensemble de la société québécoise en a été un de laisser-faire. Le français se portant à merveille, il fallait faire preuve d’ouverture.


Même si l’hôpital de Lachute avait été avisé il y a trois ans qu’il contrevenait à la loi, l’OQLF avait fait preuve de « flexibilité » en raison des impacts financiers du changement des affiches, a expliqué la porte-parole du CISSS. Ce problème n’en est apparemment plus un.


Chat échaudé craint l’eau froide. Il est facile de reprocher une trop grande indulgence aux fonctionnaires de l’OQLF, mais ils ont appris à leurs dépens que les excès de zèle sont encore plus risqués.


À la suite du malheureux incident du « pastagate », en 2013, la ministre responsable du dossier linguistique dans le gouvernement de Pauline Marois, Diane De Courcy, avait rappelé l’OQLF à l’ordre. Alors candidat à la chefferie du PLQ, Raymond Bachand avait proposé de « retirer de la rue les inspecteurs zélés sans jugement ».


 

 

De toute évidence, le changement de gouvernement a eu l’effet d’un signal. Si la loi 101 doit être appliquée à la lettre dans un endroit où le français est aussi peu menacé que Lachute, le gouvernement Legault s’attend manifestement à ce qu’elle le soit à plus forte raison là où la situation est plus problématique.


Il reste à voir dans quelle mesure le message sera compris dans les divers secteurs de l’administration publique, où s’est installée la fâcheuse habitude de s’adresser en anglais à ceux qui le désirent. C’est au gouvernement de s’en assurer.


Cela constituerait une petite révolution. Après s’être opposé à son adoption avec la dernière énergie, le PLQ s’est résigné à vivre avec la loi 101, mais en s’efforçant continuellement d’en limiter les effets.


Au fil des ans, le PQ est devenu de plus en plus sensible aux accusations d’intolérance et s’est toujours refusé à appliquer la loi avec plus de rigueur. De toute manière, il était convaincu que seule l’indépendance pourrait assurer définitivement la protection du français.


Pour se faire élire, François Legault a accepté de faire une profession de foi dans le Canada, mais il s’est également engagé à protéger l’identité québécoise, dont la langue française est la pierre d’assise. Ce faisant, il s’est placé dans l’obligation de démontrer que cela n’est pas incompatible.


Malgré sa déception, le préfet de la MRC d’Argenteuil a dit très bien comprendre la position de M. Legault. « Je pense que rouvrir le débat linguistique aujourd’hui ne sert personne », a-t-il déclaré.


Les plus grands perdants pourraient d’ailleurs être les anglophones eux-mêmes. Ce n’est pas parce que les Québécois semblent avoir tourné le dos à la souveraineté qu’ils ont également renoncé à vivre en français.




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