Tandis que la confrontation continue entre le général Khalifa Haftar, représentant du parlement de Tobrouk siégeant à l'est, et Fayez al-Sarraj, chef du gouvernement de Tripoli reconnu par la communauté internationale, la population libyenne regrette l'époque « pacifique » de Kadhafi.
Car même s'il était un dictateur, pour la plupart des Libyens il était aussi celui qui garantissait la stabilité du pays. Après sa mort, la Libye a sombré dans le chaos.
Aujourd'hui il y a peu de chances que les belligérants déposent les armes et forment un gouvernement: leurs ambitions politiques sont plus importantes que l'intégrité du pays. Ils n'essaient même pas de trouver une éventuelle solution au violent conflit qui détruit le pays, provoquant davantage de pertes et renforçant l'instabilité en Libye et dans la région.
Néanmoins, un autre acteur revient aujourd'hui sur la scène politique et pourrait modifier l'équilibre des forces en Libye: Saïf al-Islam Kadhafi, le fils de feu le dictateur libyen Mouammar Kadhafi, récemment libéré par les rebelles de Zintan. Il y a cinq ans, un groupe de rebelles avait arrêté Saïf al-Islam alors qu'il tentait de rejoindre son frère Saadi au Niger.
Saïf al-Islam Kadhafi n'est pas un Libyen ordinaire: pendant les dernières années de gouvernance de son père il avait participé activement à la gestion du pays. Nourrissant sa propre vision d'une nouvelle Libye, il n'avait pas pour autant contesté le style de gouvernance de son père — par respect et par peur. Il souhaitait enclencher des changements progressifs dans ce pays très patriarcal, tribal et conservateur. Néanmoins le Printemps arabe de 2011 a anéanti ses rêves de changements révolutionnaires. Pendant la révolte, les rebelles épris d'appels révolutionnaires voyaient en lui uniquement le reflet de son père violent et mégalomane. Aujourd'hui que le Printemps arabe est terminé, les Libyens le perçoivent comme l'un des éventuels futurs architectes d'une nouvelle Libye, notamment compte tenu de la bataille politique pour le pouvoir qui perdure dans le pays.
Il est tout à fait possible qu'avec l'aide de la tribu de Zintan et de ses rebelles, Saïf al-Islam s'attire les faveurs de la population libyenne. Il est respecté par les tribus bédouines du pays et possède le charisme de son père — sans sa violence et son excentricité.
Craignant sa réapparition en tant qu'acteur puissant de tout futur scénario politique pour le pays, le gouvernement de Tripoli l'avait condamné à la peine de mort en juillet 2015 mais la sentence n'a pas été mise en application. Début mars 2017, le parlement de Tobrouk l'a amnistié et les rebelles de Zintan l'ont libéré.
Après la chute de Kadhafi et l'arrestation de Saïf al-Islam par les rebelles de Zintan, la Cour pénale internationale avait appelé à l'extrader afin d'organiser un procès juste pour son rôle dans la répression de la révolte en 2011. La rébellion avait refusé de donner suite à cette requête, certainement pour deux raisons: premièrement pour l'éventuelle importance politique qu'aurait pu reprendre le fils Kadhafi dans le pays et, deuxièmement, pour sa richesse représentant potentiellement plusieurs milliards de dollars.
Il est tout à fait possible qu'aujourd'hui l'Occident n'ait rien contre le fait que la Libye se stabilise enfin et soit dirigée par un gouvernement fort et un leader charismatique. Actuellement, les deux acteurs principaux de la politique libyenne ne disposent pas du nécessaire pour entraîner la Libye vers un avenir pacifique, démocratique et prospère. Selon certains observateurs arabes, malgré tous ses liens avec l'Égypte, la Russie et les USA dont parle la presse, Haftar est relativement âgé et ne possède pas de sérieuse expérience politique alors qu'al-Sarraj, bien que soutenu par l'Onu, subit la pression des groupes islamistes et n'est pas respecté par les Libyens. De ce fait, Saïf al-Islam se distingue comme un homme parfaitement acceptable pour la Libye. Il est jeune — 44 ans —, bien instruit, possède une expérience politique et pourrait rassembler de nombreux partisans dans son pays.
Bien sûr, tout cela ne serait possible qu'avec le soutien d'acteurs extérieurs, avant tout de la Ligue arabe, de l'Égypte, de l'Italie et probablement de la Russie. Quant aux USA, ils ne s'ingéreront probablement pas activement dans les processus politiques en Libye à cause du changement d'administration. Khalifa Haftar pourrait contester l'argument de l'âge dans la mesure où il représente dans la Libye actuelle une force réelle et manœuvre assez habilement entre les grands acteurs internationaux dans la région, disposant d'une armée opérationnelle et gardant le contrôle des principales régions pétrolières de la Libye et des terminaux d'export de l'or noir. Le fils Kadhafi pourrait lui servir d'allié pour apporter des arguments supplémentaires aux négociations avec les tribus bédouines, mais il n'y a encore aucune information à ce sujet. Il faut attendre que la situation évolue.
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