Communiqué du LEAP. Comme anticipé par LEAP/E2020 depuis novembre 2010 (GEAB N°49), le candidat socialiste, en l’occurrence François Hollande, emportera l’élection présidentielle française de 2012. La question qui se pose encore concerne le premier tour de cette élection : Nicolas Sarkozy, le président sortant sera-t-il devant ou derrière Marine Le Pen (c’était aussi l’une des composantes de notre anticipation de Novembre 2010) ? Il est donc temps d’anticiper les conséquences de cette élection tant pour la France que pour l’Euroland et l’UE ainsi qu’au niveau mondial (OTAN, G20, Euro-BRICS) car de facto elle est beaucoup plus importante pour l’évolution du monde actuel, en pleine transition du fait de la crise mondiale, que la prochaine élection américaine qui verra s’affronter Barack Obama et Mitt Romney (deux candidats financés massivement par Wall Street) sur fond de paralysie générale du système politique US.
Dans ce GEAB N°64, outre les conséquences nationales, européennes et internationales importantes de ce grand séisme républicain qui va frapper la France, notre équipe présente une anticipation détaillée sur la prochaine chute du marché immobilier résidentiel canadien. Par ailleurs, nous révélons un instrument méthodologique d’anticipation politique très utile pour décrypter les tentatives de prise de contrôle des opinions publiques. Et nos recommandations concernent ce mois-ci l’évolution des Dollars australien et néo-zélandais, le développement de la grande attaque fiscale contre les placements financiers, l’évolution des marchés boursiers mondiaux et l’évolution radicale prochaine des réactions de l’Euroland face aux attaques spéculatives. Dans ce communiqué public, nous avons choisi de présenter un extrait traitant des conséquences géopolitiques mondiales du changement de pouvoir en France.
Une élection française 2012 beaucoup plus importante géopolitiquement que l’élection US 2012
En effet, pour notre équipe, la victoire de François Hollande va déclencher une série de bouleversements stratégiques qui vont affecter fortement l’Europe et accélérer considérablement les transitions géopolitiques en cours au niveau mondial depuis le début de la crise globale en 2008. En cela, les résultats et les conséquences de l’élection présidentielle française ont beaucoup plus d’importance que ceux de la prochaine élection présidentielle américaine en Novembre 2012. En effet, la France, bien qu’étant un pays beaucoup moins puissant que les Etats-Unis, occupe une position stratégique tant en Europe qu’au niveau mondial (notamment via son rôle intra-européen) qui va en faire un acteur-clé de l’émergence du « monde d’après la crise » pour reprendre le titre du livre de Franck Biancheri. Et l’élection de François Hollande, qui possède une vraie réflexion sur l’Europe et le rôle de la France en Europe et a clairement affirmé son intention d’explorer activement les possibilités de partenariat avec les nouvelles puissances émergentes (BRICS), va consacrer une rupture majeure avec l’absence de vision et de stratégie européenne des cinq ans de présidence de Nicolas Sarkozy marqués essentiellement par une inféodation sans précédent dans l’Histoire récente du pays à la puissance dominante américaine et son intégration sans conditions à un axe Washington/TelAviv sur l’essentiel des grands problèmes géopolitiques. La France avait disparu dans le monde depuis cinq ans, elle s’apprête à faire un retour fracassant au-delà même de la personnalité du futur président.
L’impact de l’élection de François Hollande sur la transition géopolitique globale (2012-2015)
En matière globale, LEAP/E2020 tient à souligner deux tendances marquantes qui vont caractériser les deux premières années du nouveau pouvoir français :
- . l’affirmation par la France d’une politique européo-gaullienne (ou mitterando-gaullienne), c’est-à-dire faisant de l’indépendance de la politique extérieure européenne une priorité stratégique
- . l’exploration à vitesse accélérée des relations possibles avec les BRICS, notamment dans un contexte de futur partenariat Euro-BRICS.
François Hollande est resté très discret en matière de politique étrangère car, d’une part, elle n’est pas au cœur des préoccupations des Français pour cette élection 2012 et car, d’autre part, on n’annonce pas à l’avance des changements importants dans ce domaine.
Les arguments pour de tels changements étant pléthore et leur mise en œuvre ne risquant pas de générer de difficultés dans l’opinion publique qui, d’une manière générale, s’est sentie trahie par l’inféodation américaniste de la période sarkozienne, il n’y a en effet aucune raison de se précipiter. Comme il l’a annoncé pour la question de la réintégration de la France dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, il s’appuiera sur une évaluation objective des avantages et inconvénients de cette décision. Le résultat est connu d’avance puisque le président sortant n’a rien négocié (et donc rien obtenu) en échange du retour de la France dans cette organisation militaire. Il y aura donc une action en deux temps : l’exigence d’un certain nombre de contreparties en terme de positions militaires clés pour la France au sein de l’OTAN et de la mise en place d’ici 2015 au plus tard d’un pilier européen de défense hors OTAN mais relié à l’OTAN. La France pourra compter sur le soutien de la plupart des pays européens continentaux que les aventures libyenne et afghane ont définitivement convaincus de la nécessité de changements radicaux au sein de l’Alliance atlantique. Moyennant une prise en charge budgétaire accrue de la part des Européens des coûts de leur propre défense, les Etats-Unis, faisant face à des réductions drastiques de leur budget militaire, accepteront bon gré-mal gré. Et seul le Royaume-Uni s’opposera à cette évolution avant de s’y rallier puisqu’il n’a plus les moyens financiers, militaires et diplomatiques de sa politique.
En matière globale, à la suite de l’Allemagne déjà bien engagée dans le processus de coopération diplomatique avec les BRICS, la France engagera une approche plus stratégique, avec une logique européenne (eurolandaise) commune, qui visera à formuler des axes communs d’action Euro-BRICS au niveau des organisations internationales (réformes du FMI, du Conseil de Sécurité de l’ONU, …) et surtout de réforme fondamentale du système monétaire international (question du remplacement du Dollar US comme pilier du système). Le sommet du G20 à Moscou au premier semestre 2013 marquera la première concrétisation de cette évolution.
En stimulant ces deux seuls changements (et on peut supposer qu’il y en aura d’autres), le nouveau pouvoir français, avec une approche européenne exemplaire, aura ainsi contribué de manière décisive à l’évolution de la gouvernance mondiale post-crise.
--------
Notes:
(1) L'anticipation de LEAP/E2020 de Novembre 2010 avait été effectuée en fonction de tendances lourdes (rejet populaire massif de la personne de Nicolas Sarkozy, démotivation de l'électorat UMP et forte poussée du Front National), toutes indépendantes de la personne du candidat socialiste, inconnu à l'époque.
(2) Avec des sondages de second tour qui n'ont jamais placé Nicolas Sarkozy en tête et un écart qui se confirme mois après mois (autour de 8%/10%), voire se creuse (13% d'écart dans un récent sondage CSA) au profit de François Hollande, seul un accident tragique pourrait désormais empêcher la victoire du candidat socialiste au soir du 6 Mai.
(3) Nous continuons à estimer que les sondeurs sous-évaluent fortement le score de la candidate du Front National et surévaluent au contraire celui du président sortant. Le sentiment désormais général, et conforté par tous les sondages sans exception, que le candidat de l'UMP ne peut pas sortir vainqueur du second tour affaiblit considérablement la stratégie du « vote utile » Sarkozy dès le premier tour face au « vote inutile » Le Pen. En fait, nous considérons que les derniers jours avant le premier tour vont même voir cette stratégie se retourner au détriment du vote Sarkozy qui de facto est devenu un vote inutile, faute de pouvoir l'emporter au second tour.
(4) Voir à ce propos notre anticipation sur l'évolution des Etats-Unis 2012-2016 (GEAB N°60 ) que nous venons de mettre en accès public en 4 extraits.
(5) Et de l'élection législative qui suivra en Juin prochain.
(6) Comme nous l'avons déjà souligné par le passé, la seule époque qui peut soutenir la comparaison en matière d'abandon de souveraineté en matière de politique internationale est celle du régime de Vichy et son inféodation sans conditions au régime nazi.
(7) Et même sur la formation des futures élites françaises sur le modèle pourtant sans avenir de la « World University Inc ». Source : NewropMag, 12/04/2012
(8) C'est même l'un des intermédiaires dans l'affaire Karachi, Zak Takieddine, qui l'affirme en mettant en avant l'affairisme qui a présidé depuis cinq ans aux décisions stratégiques du pays. En matière d'affairisme, c'est un connaisseur qui parle. Source : Le Point, 26/03/2012
(9) Cela dit, libre à ceux qui, à l'instigation de la City et Wall Street, veulent « lire » dans la crise grecque l'avenir de l'Euroland. LEAP/E2020 estime que désormais c'est plutôt du côté du changement politique français que va s'écrire la suite de l'histoire de l'Euroland et au-delà de la transition géopolitique post-crise.
(10) Car après douze ans de quasi-absence de la France sur les questions européennes pour lesquelles Jacques Chirac n'avait aucune affinité et encore moins de vision stratégique, ces cinq dernières années ont marqué une disparition de facto de la France de la scène internationale et européenne, sauf comme second couteau des Etats-Unis et comme instrument de médiatisation des fanfaronnades de Nicolas Sarkozy jamais suivies d'effets (suppression des paradis fiscaux, taxes sur les transactions financières, etc …). Le pays, ses acteurs, opérateurs, citoyens, s'est donc trouvé coupé de toute capacité de projection à l'échelle européenne et internationale. C'est cette situation qui prendra fin dans moins d'un mois et qui va de ce fait générer une forte ébullition et de nombreuses initiatives, comme une « cocotte-minute » sous pression depuis des années ! Cela explique aussi pourquoi cette élection ne reflète pas un clivage droite-gauche classique mais bien un clivage républicain au sens fort de la « chose publique ».
(11) Décidée par Nicolas Sarkozy sans annonce préalable à son élection et sans aucun débat démocratique.
(12) Par exemple, la Russie vient de remplacer au pied levé les Etats-Unis qui ont déclaré forfait, faute d'argent, pour le projet ExoMars piloté par les Européens. Source : RiaNovosti, 14/04/2012
(13) Un sujet brûlant où les BRICS attendent les Européens. Source : CNBC, 14/04/2012
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé