«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», affirme l'un des postulats fondateurs de la science moderne. Peut-être cela vaut-il aussi pour la politique, la grande, celle des idées et de leur affrontement.
C'est ce que laisse croire le retour de l'extrême gauche, un terme bateau qui recouvre une gamme d'idées, du marxisme restauré à l'anarchisme. Et une gamme de comportements, celui des théoriciens n'étant pas le même que celui des activistes de terrain.
On le voit au sein et en périphérie du conflit étudiant: rien ne s'est perdu, rien ne s'est créé, mais presque tout s'est transformé depuis les années 70. Or, ces années-là constituèrent une période bénie, elle aussi, pour le radicalisme de gauche, de sorte qu'il est intéressant de comparer les deux époques.
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Un. La vigueur de l'extrême gauche, ou son anémie, n'a strictement rien à voir avec le niveau d'«oppression».
Il y a 40 ans, existait non seulement une droite, mais plusieurs dont une droite morale, celle des créditistes. Elles sont toutes passées à la trappe. Depuis lors, le Québec a été gouverné non stop au centre ou au centre gauche, sans qu'à aucun moment la croissance fulgurante de l'État ne soit entravée. Aujourd'hui, même la CAQ de François Legault ne se situe pas franchement à droite. Pour le péril fasciste, on repassera.
Deux. Les fondements idéologiques de l'extrême gauche n'ont pas changé. Ils ont simplement été amputés - pour cause de chute des totalitarismes - de tout projet.
Plus personne ne propose de «rééduquer les masses» ou d'«envoyer les médecins aux champs»... ce qui était tout de même un projet! Parler d'un «autre monde possible» n'est que du vent si on n'ajoute pas deux ou trois détails pratico-pratiques. Promettre qu'on fera payer les riches est une version Twitter de la doctrine de la lutte des classes et elle ne suffit pas.
Trois. Pas davantage que le déficit d'oppression, ce vide d'intentions ne trouble l'extrême gauche d'aujourd'hui.
Elle n'est plus, en effet, celle des pamphlets sophistiqués (tel l'iconique Ne comptons que sur nos propres moyens de la CSN) issus, entre 1971 et 1975, de la période marxiste des grands syndicats. Il n'y a plus maintenant d'institutions aussi fortes pour «porter» l'extrême gauche. Et celles qui existent - Québec Solidaire ou la CLASSE, par exemple - n'ont pas la même puissance.
Reste le radicalisme de la «rue». Il s'exprime par des épisodes de violence nihiliste. Ainsi que par un discours toujours davantage constitué de slogans creux et, dans les cas extrêmes, de menaces explicites de mort ou d'extrême violence - coffre de char et scie à chaîne - dirigées contre le premier ministre, une ministre, un journaliste.
Pourquoi et comment le radicalisme de gauche en est-il arrivé, dans son expression la plus spectaculaire, à sombrer ainsi dans la bêtise?
Il faudra un jour l'expliquer.