Il reste à voir ce que le gouvernement Charest fera pour tous ceux et celles qui viennent de perdre leurs emplois chez Aveos. Voici pourquoi.
Par André Parizeau (1)
Je ne sais pas si vous avez remarqué la même chose que moi, mais tous les ministres libéraux, dans le cabinet de Jean Charest, semblent affligés des mêmes troubles dysfonctionnels.
Ils sont tous et toutes toujours très vaillants, chaque fois qu’il s’agit de défendre les intérêts de la grande entreprise et ou de leurs amis politiques, ce qui revient souvent au même. Rien n’est alors à l’épreuve et ils sont même capables de monter à l’assaut de n’importe quelle barricade pour cela.
C’est la même chose quand il s’agit de casser du sucre sur le dos des syndicats, ou encore lorsqu’ils décident de s’en prendre à ceux et celles, plutôt nombreux depuis un certain temps, qui ne sont pas d’accord avec leurs orientations. Ils deviennent alors complètement fermés à toutes formes de compromis et sont intraitables. À preuve ce qui se passent maintenant avec les étudiants; la seule exception notable, ces derniers temps, étant avec les travailleuses des CPE.
Quand ces libéraux sont pris la main dans le sac, à faire quelque chose de vraiment gros, qui soulève la réprobation générale, ou qu’on découvre qu’ils ne respectent même pas leurs propres lois, ou que ce sont leurs fameux amis qui sont pris la main dans le sac, alors l’attitude change du tout au tout. Soit ils ne savaient rien, ou n’ont jamais rien vu, ou alors ils nous trouvent mille et une excuses pour nous dire qu’ils voudraient bien faire quelque chose, mais qu’ils ne peuvent pas vraiment, que leurs mains sont liés, qu’ils doivent suivre les procédures, respecter les étapes, etc. Ils espèrent du même coup que la poussière finisse par retomber et que les gens oublieront, et qu’eux pourront encore rester longtemps au pouvoir … au moins assez longtemps pour pouvoir bénéficier d’une retraite très dorée avec peut-être aussi en surprime un double ou tripe salaire.
Vous trouvez que j’exagère peut-être un peu. Prenons, pour commencer, madame Lise Thériault, la ministre du Travail. L’automne dernier, elle n’hésitait pas à répéter sur toutes les tribunes publiques sa détermination à mâter les méchants syndicalistes de la FTQ-Construction, parce qu’elle, elle avait à cœur l’avenir des travailleurs à la base sur les chantiers de construction du Québec. Oh que oui !...
Elle aurait pu alors avoir un minimum d’honnêteté et reconnaître que son projet de loi 33 visait surtout à garantir un maximum de coudées franches pour le fameux Plan Nord chéri des libéraux et que son gouvernement devait aussi démontrer aux yeux de toutes les multinationales de ce monde à quel point il pouvait se tenir debout face aux syndicats québécois, lesquels ont eux aussi leur réputation.
Rappelez-vous combien madame Thériault avait l’air sûre d’elle et combien aucune menace en provenance des syndicats n’allait ébranler sa détermination. L’Assemblée nationale, au grand complet, avait fini par tomber dans le panneau, ce qui fut un geste bien triste dans l’histoire de cette Assemblée nationale car le projet de loi 33 était un cas flagrant d’antidémocratisme, mais comme on dit, c’est une autre histoire.
C’est drôle, mais on n’a pourtant pas entendu madame Thériault dire un seul mot pour condamner le non respect des règles de sécurité sur le chantier de construction du CHUM, à Montréal, avec comme conséquence qu’un ouvrier de la construction est passé à deux cheveux de perdre sa vie, suite à ce non-respect justement des règles de sécurité les plus élémentaires. C’était le mois dernier (2).
C’est d’autant plus choquant que le CHUM est un autre projet chéri du gouvernement Charest et que des milliards de dollars sont en jeu. Le fait que les règles de santé-sécurité minimales ne soient même pas respectées sur un des plus grands chantiers de construction du Québec, relevant du gouvernement lui-même, est un scandale en soi … sauf que ce sont maintenant des amis du régime qui seraient impliqués, alors on tourne la tête.
C’est comme pour le fait que le principal maître d’œuvre de ce chantier – un consortium étranger – ne respecterait même pas la loi 101 et que toutes les communications l’impliquant, y compris toutes les demandes de soumissions, devraient obligatoirement se faire uniquement en anglais. Est-ce qu’on a entendu un seul ministre libéral s’offusquer de la chose, en commençant par madame Thériault, ou encore madame Christine St-Pierre, celle-là même qui est supposée s’assurer du respect de la loi 101 ? Bien sûr que non !
C’est d’autant plus frustrant que le CUSM, le pendant anglophone, garantit de son côté les communications dans les deux langues. Il faut vraiment avoir une mentalité de colonisé pour accepter ainsi de faire l’autruche. Le fait que le gouvernement libéral soit actuellement en train de faire construire deux énormes hôpitaux universitaire à coups de milliards, alors qu’il dit en même temps ne pas être capable de pouvoir garantir l’accessibilité de tous à l’éducation universitaire, tout cela pour ne pas avoir à faire face au lobby chauvin anglophone, est un autre scandale, mais passons.
Revenons encore à madame Thériault. Elle nous a promis, avec son projet de loi 33, que la Commission de Construction du Québec (CCQ) sera bien mieux placée que les syndicats pour s’occuper dans le futur du placement des travailleurs de la construction. La belle affaire ! Elle nous a aussi promis que cela allait prendre un peu de temps, question de tout mettre en place pour cela (entendre par là encore plus de bureaucratie), sauf que cela part mal avec le fait que la CCQ parle maintenant de lockout avec ses propres employés syndiqués, du fait qu’elle n’arrive même pas à s’entendre avec ceux-ci pour le renouvellement de leur convention collective; celle-ci est en effet échue depuis plus de … deux ans !
Mais il y a pire. On apprenait ainsi, récemment, qu’un des sous-traitants œuvrant sur le chantier de construction de la mine Arcelor, à Fermont, dans le grand Nord québécois – cela nous ramène une fois encore au Plan Nord – ne respectait pas la convention collective actuellement en vigueur et qui stipule que l’employeur doit embaucher au moins 80% de personnel en provenance de la région, ce qu’il ne faisait pas. La FTQ Construction avait alors porté plainte, mais la CCQ s’était ensuite déclaré impuissante à pouvoir régler le dossier. Bien sûr …
Cela fait penser aux déclarations de cet autre ministre libéral, en la personne de Sam Hamad, qui disait par rapport au dossier de la White Birch, à Québec, qu’il voudrait bien faire quelque chose, mais qu’il avait malheureusement à peu près pas de marge de manœuvre.
Est-ce qu’on a entendu madame Thériault dire ne serait-ce qu’un mot à propos de ce qui se passait à la mine Arcelor. Bien non ! Et n’aurait été de la FTQ-construction, on n’en n’aurait également jamais rien su non plus. À noter : c’est finalement la FTQ-construction qui a elle-même pris le dossier en main et l’a aussi réglé ! « la FTQ-Construction est allée s’asseoir avec l’employeur pour régler le problème – pas d’intimidation, pas de menace, juste du gros bon sens » , peut-on lire sur le site Internet de la FTQ-construction… et cela a marché !
Passons maintenant au ministre Clément Gignac. Récemment également, voici comment il réagissait à une autre demande des syndicats pour que le gouvernement du Québec donnera la priorité d’embauche à des gens d’ici sur les chantiers dans le Grand Nord, alors que la mine de nickel Nunavik fait exactement le contraire sur ses propres chantiers, en allant chercher du monde à l’extérieur de la province : « On ne commencera pas à ériger des barrières comme autour d’un Québec souverain » (Journal de Québec, 22 février 2012). En passant, cette mine est la propriété de Canadian Royalties qui est elle-même sous le contrôle d’une compagnie chinoise : la Jilin Jien Nickel.
Cela lève à peu près aussi haut que ce que peuvent dire les ministres Raymond Bachand ou Line Beauchamp en parlant des demandes des étudiants.
Cela me fait aussi penser aux déclarations tout aussi édifiantes de la ministre Christine St-Pierre. Normalement, quand vous vous faites pincer en train de briser un règlement, comme de rouler en voiture à 125km dans une zone de 100km, on ne vous dira pas : « désolé, mais pour vous encourager à ne pas récidiver, voici un petit dédommagement; voici un crédit d’impôt que vous pourrez appliquer sur votre prochaine déclaration d’impôts ». Bien sûr que non ! Vous recevrez au contraire une amende.
Sauf que cette logique, qui est supposé s’appliquer à tous, ne semble pas être vraiment faite pour tous, selon madame St-Pierre. Pour elle, en effet, au lieu de pénaliser les entreprises privées qui violent la loi 101, il faudrait plutôt faire le contraire, et les encourager, moyennant des subventions, à être plus respectueux. Conclusion, plus vous serez délinquant, et plus vous pourrez faire de l’argent sur le dos des contribuables… Belle logique.
Quand madame St-Pierre s’est fait mettre sur le nez que bien des entreprises, œuvrant dans sa propre circonscription, ne respectaient pas la loi 101 et que sa politique de sensibilisation, plutôt que de coercition, ne marchait pas, sa réponse fut également très instructive : elle ne savait pas; elle n’avait pas non plus remarqué le fait que cela s’anglicisait un peu partout, y compris dans sa circonscription.
Le ministre de la Justice, Jean Marc Fournier, n’est pas en reste. Il n’y pas si longtemps encore, il n’hésitait à monter le ton contre le gouvernement Harper avec ses plans consistant à durcir les peines contre les jeunes délinquants. Il était bien obligé d’agir de la sorte vu le tollé quasi généralisé (si on fait abstraction du sénateur conservateur Bienvenu et autres émules conservateurs du même genre) que les plans du gouvernement fédéral avaient suscité au Québec. Sauf que voilà : le projet de loi C10 est maintenant passé et le digne ministre Fournier dit maintenant qu’il ne peut plus … rien faire !
Et que dire du premier ministre lui-même, monsieur Jean Charest ? Quand le scandale entourant les malversations de son ex-ministre Tony Tomassi sont ressorties au grand jour, la réaction du premier ministre fut encore une fois typique : il n’en savait rien.
Depuis mai 2010, date à laquelle le premier ministre a finalement dû accepter de le démettre de ses responsabilités de ministre et de membre du caucus libéral, ce dernier n’a pratiquement jamais plus remis les pieds à l’Assemblée nationale, mais il continue toujours d’être rémunéré comme député… Il faut dire que le père de Tony Tomassi fut longtemps un des gros collecteurs de fonds pour le parti libéral.
Jean Charest ne pouvait non plus se douter que ses ministres pourraient éventuellement violer la loi électorale, en matière de collecte de fonds, lorsqu’il leur a imposé une règle voulant qu’ils et elles devaient tous collecter personnellement au moins 100 000$ par année de contributions financières. Évidemment … Comment aurait-il pu en effet en être autrement ?
Quand on lui fait en même temps remarquer, comme c’est le cas avec la récente étude produite par l’institut IRIS, que son Plan Nord pourrait à la longue représenter un important déficit pour le Québec, autant sur les plans sociaux, environnementaux, que purement économiques, Jean Charest retrouve alors son aplomb et n’hésitent alors pas à dire que cette étude n'avait aucune crédibilité et qu'il préférait s'en tenir à ce que des firmes embauchées par son gouvernement avait plutôt conclu. Évidemment ...
C'est comme pour ce qui est de la Commission d'enquète sur la corruption dans la construction. Pendant deux ans, il a fait la sourde oreille, allant jusqu'à nier l'évidence, envers et contre tous. Ou presque. En attendant, on n'en sait toujours pas plus à propos de cette corruption.
Quand Jean Charest commence à manquer d'inspiration ou aurait besoin de se ressourcer, quoi de mieux que d'aller passer une fin de semaine avec son ami Paul Desmarais dans son château, dans Charlevoix. Jean Charest nous assure en même temps qu'ils ne parlent jamais de politique quand il va là. Bien sûr ...
Plus cela va, et plus cela me fait penser à la phrase des Loco Locass sur la nécessité de « se libérer des libéraux ». J’aimerais ajouter qu’il faudrait en même temps s’assurer que leurs futurs remplaçants ne finissent pas eux aussi par faire la même chose.
Il ne faudrait pas non plus que les libéraux (ou la CAQ, ce qui ne serait pas mieux), une fois sortis du pouvoir, continuent néanmoins à jouer un rôle important en détenant la balance du pouvoir, dans un contexte d’un gouvernement qui serait cette fois minoritaire.
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(1) André Parizeau est le chef du Parti communiste du Québec (PCQ) (www.pcq.qc.ca).
(2) Vous pouvez consulter ci-bas une lettre très émouvante, signée par la conjointe de cet ouvrier de la construction, gravement blessé sur le chantier de construction du CHUM, et qui est adressée à madame la ministre Lise Thériault. Cet ouvrier a subi, à la suite de cet accident, un traumatisme cranien très sévère. Voici le texte de cette lettre (également accessible sur le site Internet de la FTQ-construction) :
Madame la ministre,
Par la présente, madame la ministre, j'aimerais que vous sachiez que le 12 janvier dernier, ici au Québec, plus précisément à Montréal, sur le chantier de construction du CHUM sous la responsabilité du Consortium Pomerleau-Verreault, encore une fois, un autre accident de chantier a eu lieu. Laissez-moi vous mettre au courant, parce que, une fois que vous aurez terminé de lire cette lettre, vous ne pourrez jamais plus dire que vous n'êtes pas au courant des faits du manque de sécurité et de prévention sur les chantiers de construction au Québec.
Le 12 janvier dernier, parce que les règles de sécurité n'ont pas été appliquées sur le chantier du CHUM à Montréal, mon époux a été gravement blessé et lutte depuis pour sa vie à l’Hôpital Général de Montréal.
Le 12 janvier dernier, le sous-contractant Constructions LJP qui faisait des travaux à une dizaine d'étages au-dessus et parce que les règles de sécurité n'ont pas été suivies, mon mari qui se trouvait plus bas a subi un traumatisme crânien sévère avec multiples saignements.
Le sous-contractant Constructions LJP qui défaisait ses toiles aux étages supérieurs sans aucun périmètre de sécurité, sans aucun filet de sécurité et même plus, sans jamais avoir vérifié préalablement, si un autre sous-contractant était affairé aux étages inférieurs, c'est alors qu'un énorme morceau de glace s'est dégagé de la toile lorsque cette dernière a été détachée et a terminé sa chute sur la tête de mon mari qui travaillait près de la structure à quelques 10 étages plus bas.
Madame la ministre, depuis le 12 janvier dernier, un homme de 56 ans et toute sa famille, moi, son épouse, et nos 5 enfants, avons TOUS perdu nos vies, et ce, parce que les règles de sécurité sur les chantiers de construction ne sont pas appliquées.
Mon mari lutte toujours, aujourd'hui le 14 février 2012. Il aura un long combat devant lui sans savoir si un jour il pourra reprendre une vie normale. Je ne suis plus au travail depuis le 12 janvier 2012, 3 des 5 enfants ne peuvent pas reprendre, encore à ce jour, le cours normal de leur vie. Nous avons PERDU un homme fort et en santé, un travailleur de la construction qui suivait les règles de sécurité, un père protecteur, un mari aimant, un ami, un collègue, nous avons perdu nos vies parce que les règles de sécurité sur les chantiers de construction c'est JUSTE DES MOTS.
Madame la ministre, j'ai lu la mission et la vision corporative du ministère du Travail, en partie, que le ministère tend à promouvoir la qualité des conditions de travail et que le ministère du Travail offre aux citoyens les services d'un État moderne et efficace qui est à l'écoute de leurs besoins et de leurs préoccupations, madame la ministre, est-ce que tout ceci serait JUSTE DES MOTS ?
Êtes-vous comme tous ceux que j'ai rencontrés jusqu'à maintenant et qui n'ont que des beaux discours sur les règles de sécurité sur les chantiers ?
Madame la ministre, si vous êtes à l'écoute de nos besoins, il y a un besoin énorme de sécurité et de prévention sur les chantiers de construction. Dans le cas de l'accident de mon mari, ne pensez même pas me dire que l'enquête de la CSST n'est pas terminée - ce qui s'est passé est clair comme de l'eau - les règles de sécurité n'ont pas été appliquées, elles ont été écrites, elles existent, elles sont connues de tous, mais les faits sont qu'elles n'ont pas été appliquées et qu'un homme, mon époux, aujourd'hui lutte pour sa vie.
Madame la ministre, êtes-vous à l'écoute de nos besoins ? De nos préoccupations ? Je suis extrêmement préoccupée par ce qui s'est passé au chantier du CHUM le 12 janvier dernier. Personne n'a su répondre à mes questions à savoir POURQUOI il n'y avait pas de filet de sécurité ? POURQUOI aucun périmètre de sécurité ? POURQUOI y avait-il des travaux superposés ? POURQUOI aucune coordination des travaux ?
Auriez-vous des réponses ?
Madame la ministre, vous êtes au courant maintenant !
Lise Douville
Épouse de Serge Provost, blessé gravement lors d'un accident au CHUM dû à un manque de sécurité sur le chantier.
Les ministres libéraux tous affligés des mêmes troubles dysfonctionnels
Tribune libre
André Parizeau39 articles
Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)
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