En définitive, les libéraux fédéraux se seront moqués de nous sur un moyen temps concernant leur entente avec Netflix.
Retour en arrière : en septembre 2017, Mélanie Joly, alors ministre du Patrimoine, présente sa politique culturelle, dont la pièce maîtresse en fait sourciller plus d’un. Avec fierté, on annonce que la plateforme de la diffusion vidéo en continu Netflix s’installerait au Canada et investirait 500 millions sur 5 ans en « contenu canadien ».
C’était, semble-t-il, l’approche mise de l’avant par le gouvernement de Justin Trudeau pour faire rayonner notre culture, sans prévoir aucun quota de production francophone et sans prévoir que Netflix serait tenu de percevoir des taxes et de payer des impôts. Les libéraux étaient très fiers.
Postnational
On a plus tard appris que les termes de l’entente resteraient secrets. Jamais on ne connaîtrait ni les détails ni les obligations auxquelles Netflix était tenu. Tout ce qu’on sait, c’est qu’une poignée de fonctionnaires à Ottawa en assure le suivi. Il paraît que le géant californien respecte toutes ses obligations. Il paraît...
Puis, cette semaine, Le Journal apprenait quelque chose que même les esprits animés par la pire mauvaise foi n’auraient pas anticipé. Des millions dépensés par Netflix « en contenu produit au Canada », une partie a été investie dans le tournage à Montréal de certains segments de Murder Mystery, un film avec Jennifer Aniston et Adam Sandler offert sur la plateforme de diffusion.
C’est donc ça, la vision de la culture canadienne des libéraux fédéraux. Un film américain générique jugé médiocre tant par la critique que le public, mettant en vedette deux citrons pressés jusqu’à ne plus donner de jus, mais filmé par des techniciens montréalais.
C’est très nourrissant pour l’esprit, le Canada postnational de Justin Trudeau et Mélanie Joly...
De mauvaise grâce
Pendant la dernière campagne électorale fédérale, les libéraux, de mauvaise grâce, ont fini par s’engager à soumettre Netflix à certaines obligations fiscales, dans une formule encore mal définie.
Ça commençait à être gênant, il faut le dire, alors que même les conservateurs promettaient d’agir en la matière. Alors que le consensus québécois réclamait depuis des lunes que Netflix soit soumis aux mêmes règles que ses concurrents locaux comme ICI TOU.TV et Club illico, on a bien vu ce que ça avait donné d’avoir au gouvernement tout un contingent de béni-oui-oui provinciaux. Ça permet à Justin Trudeau d’ignorer le Québec entre les élections.
Les initiatives européennes en la matière prouvent que, moins Bonhommes Sept Heures que tigres de papier, les géants du web paient leurs taxes quand on le leur demande. Même des pays sans grande capacité d’enquête fiscale comme l’Angola et le Bangladesh font percevoir des taxes par ces entreprises offrant des produits dématérialisés qui se conforment aux lois, tout simplement.
Bref, oui, c’était gênant. Les libéraux n’avaient plus vraiment le choix.
Sauf que lorsqu’on constate que le privilège de ne pas payer de taxes a été octroyé à Netflix en échange de l’engagement de filmer des nanars avec Adam Sandler à Montréal, ça devient carrément scandaleux.
Déjà, Netflix a fait des acquisitions et mis en ligne une poignée d’œuvres produites au Québec, mais ça va prendre un effort de plus.
Rayonner
Il n’y aura pas de retour en arrière. Avec la multiplication des plateformes de diffusion en continu comme Crave, Apple TV+ et Disney+, les Canadiens vont continuer à consacrer de plus en plus de leur temps de télé à regarder du contenu webdiffusé. Ça peut, oui, représenter de formidables occasions de rayonner aux talentueux créateurs et artisans de la télé et du cinéma canadiens en général et québécois en particulier.
Sauf que ça ne sert à rien d’enfoncer des portes ouvertes. En vacances à Los Angeles cette semaine, j’ai eu la chance de visiter les studios Warner Bros. Pas besoin de travailler le jeune homme qui dirigeait le tour guidé au corps : ils savent tous très bien que les plateaux californiens saignent à cause de la concurrence de Vancouver et de Montréal. Ce n’est pas un phénomène nouveau.
Le nerf de la guerre, ce n’est plus d’attirer des productions ici. L’enjeu, c’est d’aider nos créateurs à exporter leur travail.
Une bonne manière d’y arriver, c’est de ne pas planter un poignard dans le dos des diffuseurs d’ici qui font travailler notre monde, comme Radio-Canada et Vidéotron, en les soumettant à la concurrence déloyale d’entreprises qui ne perçoivent pas de taxes.
Il n’y a plus d’excuses. Le gouvernement fédéral doit bouger pour donner suite à son engagement de taxer les géants du web.
Il faudrait que ça se passe rapidement, toutefois, parce qu’avec les nouvelles offres qui continuent d’arriver sur le marché, il suffira de peu pour conclure que les libéraux continuent de rire de nous.