Alors que semble se profiler un réel débat public sur la question des accommodements raisonnables, peut-être est-il pertinent de nous poser la question de la nature et des limites d’un tel exercice.
Ce débat a été porté sur la place publique par les médias. Il s’est installé au cours des derniers mois, voire des dernières années, au fil des nouvelles sensationnalistes et des sondages abracadabrants. De la demande concernant la charia en Ontario aux vitres givrées d’un YMCA, en passant par l’ambulancier qui souille un espace casher au Jewish Hospital, jusqu’à Hérouxville, on a tout jeté sur la place publique comme un tas d’ordures en plein centre-ville de Montréal.
Pour l’instant, ce sont toujours les médias qui alimentent et animent ce débat. Ça fait peut-être du bon info-spectacle. Ça fait gigoter les grenouilles de bénitiers et s’exciter les intégristes qui on l’habitude de s’accaparer l’espace médiatique en pareilles occasions. Ça peut même mettre sur la map de petits prélats de campagne qui y vont chacun de leurs propres couvres-feu à la sauce ethnique. Mais est-ce bien sain? Je veux dire: est-ce qu’on doit continuer encore longtemps d’attiser les tensions et développer l’intolérance pour de la copie et de la « crotte » d’écoute.
Pour qu’il y ait un réel débat public, qui ne se contente pas de surfer sur des nouvelles toujours plus sensationnelles, il faut qu’il y ait un maître du jeu qui sache rester neutre et objectif. Qui sache garder la tête froide et calmer les hystériques qui cherchent toujours à s’imposer dans un tel chaos. Il faut ramener la chose au plan politique. Là où elle doit être.
Nous ne somme plus à l’époque de la Grèce antique, au temps de la démocratie directe où les débats avaient un tout autre sens. Nous sommes à l’ère de la démocratie par représentation et par médias interposés.
Les débats, si bien soient-ils menés, n’ont pas ici force de loi. Ils ne peuvent qu’influencer le politique et c’est déjà beaucoup au moment même où se trament des élections.
Vu le nombre important d’acteurs souhaitant prendre part au débat, il est temps pour le gouvernement, de considérer sérieusement la proposition de Louis Bernard, et d’instituer une commission d’enquête.
Son mandat devrait être d’articuler une véritable politique interculturelle québécoise qui se distingue du magma indéfrichable et irresponsable qu’est le multiculturalisme à la canadienne.
Il ne suffit pas de réécrire la charte des droits, de créer une nouvelle constitution ou d’envoyer des fax aux ambassades étrangères, comme le croient certains. Il faut faire passer le test de la réalité à nos politiques en matière d’immigration, d’accueil, d’intégration et de relations interculturelles. Rien de moins.
Nous avons besoin de politiques claires et éclairées. Qui s’inspirent davantage des « lumières » que d’un obscurantisme xénophobe et paranoïaque. Une politique adaptée à un monde qui ne cesse de rapetisser et où les frontières entre les états-nations deviennent de plus en plus floues.
Il nous faut aussi des stratégies cohérentes et efficaces qui proposent des moyens réalistes et accessibles pour faire face à la crise des identités nationales dans un contexte de globalisation des marchés et de déplacement inévitable des populations.
Et parlant de moyens, il nous faut en même temps investir les argents nécessaires pour que les groupes communautaires qui ont pour mission de favoriser les rapprochements interculturels puissent jouer pleinement leurs rôles. Ce sont ces groupes qui sont les mieux placés pour favoriser la cohésion des actions. Il en existe déjà plusieurs, tant au plan national, régional que local. Et il en faudrait d’autres pour que dans les faits, le Québec continue d’être une terre d’accueil sans y perdre son âme et sa culture. Faudrait juste se donner un plan de match jouable et des ressources appropriées.
Il n’y a rien dans ce que je viens d’énumérer qui soit hors de la portée d’une réelle volonté politique d’établir des liens constructifs avec ceux qui partagent notre destin national. Avec tous ceux qui sont venu ici et qui viendront encore en plus grand nombre dans les années à venir pour contribuer à faire du Québec ce qu’il est aujourd’hui et ce qu’il sera dans 20 ans.
J’en appelle à l’intérêt supérieur du Québec pour que le gouvernement actuellement en poste, mette en oeuvre cette commission d’enquête avant de déclarer des élections. Qu’il se mette immédiatement en mode solution plutôt que d’éluder le problème sous des prétextes purement électoralistes.
Il n’y a aucune urgence électorale en ce moment. S’il y a urgence c’est ailleurs. Ce gouvernement est démocratiquement élu. Il a tous les pouvoirs de gérer responsablement et adéquatement cette situation. C’est son devoir. Qu’il le fasse maintenant, sans attendre.
S’il ne le fait pas, ce sera le devoir des partis de l’opposition de le forcer à agir ou de proposer des alternatives viables au cul-de-sac dans lequel nous sommes en train de nous enfoncer. Mario Dumont a fait son lit sur cette question. Je ne dis pas que je suis d’accord avec sa position, mais elle a le mérite d’être claire. Charest et Boisclair doivent faire de même au lieu de balayer la poussière sous le tapis comme on l’a lu hier dans La Presse.
S’ils n’avaient pas prévu faire campagne sur ce thème, qu’ils s’ajustent. Qu’ils nous montrent qu’ils peuvent gouverner quand les conditions changent. Et qu’ils ont d’autres préoccupations que juste se faire élire. Qu’ils savent écouter et changer leurs agendas quand le feu est pris dans le cabanon, avant qu’il ne prenne à la maison. Vont pas nous refaire le coup de Bush à la garderie, tenant son livre de maternelle à l’envers pendant que la Louisiane coulait à pic. Je nous souhaite un meilleur capitaine.
Les génuflexions pardonnables
Par Yves Bolduc
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