Les Etats ne sont pas des entreprises

Géopolitique - État profond




Au départ, une fausse bonne idée : reprendre les – forcément – bonnes pratiques du monde économique, pour insuffler une logique d'efficacité à la sphère publique. Mais ce principe apparemment sain se brise sur deux réalités : un Etat n'est pas une entreprise, d'une part ; la logique financière et ultralibérale ne fait finalement ni le bonheur de la société ni même la survie de l'homme, d'autre part.Les Etats pourraient ainsi en venir à singer les entreprises dans leurs pires déviances ultralibérales des 30 dernières années, avec des effets néfastes similaires : hyper-individualisme, mort de la solidarité et du vivre ensemble, accroissement des inégalités et recul de la justice sociale.
On perçoit cette déviance dans toutes les dimensions de la marche de l'Etat : évolution du discours politique vers une communication bien-pensante ultra marketée ; intrusion du management de la performance et de la productivité, avec tous ses outils de contrôle de gestion et ses fatras d'indicateurs ; appel à la finance la plus débridée pour créer une richesse virtuelle… et un appauvrissement bien réel ; vision à long terme remplacée par l'instantanéité des sondages.Le résultat de cette course à « l'entrepreneuriat » est que nos Etats se sont piégés à leur propre jeu : ils se retrouvent notés – mal notés qui plus est – comme une société cotée en bourse ; certains sont même passés sous la gouvernance d'experts comptables, ceux-là même qui ont mis la planète sur les genoux après les explosions successives des bulles subprimes et dettes souveraines.
Et la crise est maintenant sociale : après les entreprises, ce sont les Etats qui ont joué au casino. Maintenant qu'ils en ont pris conscience, les peuples pourraient bien se révolter contre les croupiers.
Mais il y a plus grave : des économistes – forcément sérieux, même si de plus en plus nombreux – démontrent de façon extrêmement convaincante comment notre système structurellement fondé sur la croissance nous amène dans le mur : nos libéralismes ne fonctionnent qu'en dégageant des profits indéfiniment croissants, ce qui induit la recherche permanente de gains de productivité, la seule façon d'éviter un accroissement du chômage étant … une nouvelle croissance.
Le tout alimenté par un soutien permanent de la demande : consommer plus pour vivre plus !
Le problème est que notre planète est finie, ses ressources aussi, sa capacité à absorber les émissions et déchets de notre gabegie également. La croissance pour la croissance n'est pas la solution, c'est un obstacle à la prospérité individuelle et collective.
Pour autant, tous les discours politiques ont un point commun incantatoire : il nous faut de la croissance, encore de la croissance, toujours de la croissance, « seule solution » au chômage. Et c'est là que la faillite de l'Etat se révèle de la façon la plus cruciale : où est la vision ? où est l'ambition ? où est le temps, le temps long nécessaire aux grandes mutations sociétales que seul le Politique peut insuffler ?
Ce que nous attendons du Politique, c'est une vision et un sens, courageux, utiles, responsables. Qu'il se réapproprie le « penser global, agir local », issu des penseurs environnementalistes et détourné ensuite par les marchands. Le global, c'est la protection sociale et environnementale de la planète, et donc de nous tous ; le local, c'est l'impulsion politique au niveau d'un espace de vie, d'un pays, et pour nous – je l'espère – de l'Europe.
4 WikiFinances : 1 Etude , 1 Agefi Académic , 1 Livre , 1 Blog

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Francis Rousseau2 articles

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Francis Rousseau - Président d’Eurogroup Consulting

Francis Rousseau, diplômé de l’ESCP (1976) et ancien élève de l’IEP de Paris (1978), a débuté sa carrière chez Peat Marwick Mitchell & Co en 1979, comme auditeur, spécialisé dans le secteur bancaire. Président d’Eurogroup Consulting France et l’un des fondateurs du cabinet français en 1982, il est également président d’Eurogroup Consulting Holding, groupe de conseil européen indépendant en stratégie et organisation.





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