Les États et la force d'inertie

Avec la commission Charbonneau, nous savons maintenant à quoi mène l’inertie de l’État.

Tribune libre

D’accord avec les opinions exprimées à propos de la catastrophe imminente qui guette les États-Unis. Permettez que je l’exprime autrement.
Comme tous les gros États qui ont marqué l’histoire du monde, les États-Unis souffrent de ce qu’on appelle en géopolitique, la force de l’inertie de l’État.
Déjà que les petits États sont empêtrés dans leurs bureaucraties et leurs institutions. C’est la force de l’habitude qui les entraîne. J’ai servi deux ans sur un État-major de l’armée et comme toutes les bureaucraties, la force d’inertie de toute institution en place le faisait fonctionner.
Comment ai-je pu réussir à faire changer des règlements et aussi quatre articles de la Loi militaire qui portaient à confusion et étaient source d’injustices ? Sans doute ma formation de géographe spécialisé en géopolitique (étude systématique des États comme tels) et une longue expérience de l’administration et la logistique militaires.
Les communautés religieuses fonctionnent également par la force d’inertie qui entraîne les institutions, non par le haut mais par le bas, par la loi de la pesanteur. Il faut des individus exceptionnels pour diriger ces ommunautés et les réformer lorsque nécessaire.
Parmi les exceptions, il y a les Jésuites. La communauté exige que chaque Jésuite ait acquis une formation religieuse et laïque complète avant de recevoir l’ordination, ce qui le mène à 36 ans au moins. En plus des sciences religieuses, le Jésuite doit s’instruire de sciences profanes : sociologie, sciences économiques et politiques, droit, linguistique.
De plus, lorsqu’en mission, le Jésuite doit tenir son journal, dans lequel il raconte ce qu’il a vécu de plus pertinent en rapport avec sa mission. Ce sont les Relations des Jésuites, publiées ensuite pour l’instruction de tout le monde.
Les Relations des Jésuites comptent parmi les documents les plus pertinents qui ont été écrits sur l’histoire de la Nouvelle-France. Cette manière de procéder a pour objet de garder chaque Jésuite éveillé sur ce qui se passe dans le monde et éviter que la communauté ne s’effondre sous le poids de l’inertie qui guette toute institution dans ce monde. Ce qui résulte de l’inertie, c’est l’ineptie.
Les exemples d’ineptie ne manquent pas. Entre autres, la Nomenklatura soviétique, connue pour sa lourdeur et son ignorance crasse. De même pour l’ex-Yougoslavie, la Nouvelle Classe, décriée par Milovan Djilas.
Cette classe, nous l’avons vécue chez nous avec la crise d’Octobre 70 et le gouvernement Trudeau, ignare pour le qualifier d’un mot. Et encore, le Canada, qui a la taille d’un continent, n’est pas un très gros État .
Avec la commission Charbonneau, nous savons maintenant à quoi mène l’inertie de l’État.
Imaginez un État de 300,000,000 d’habitants comme les États-Unis, dirigé par un pouvoir centralisateur unitaire mais dont les prérogatives sont maintenant remises en question par les États, plus petits et plus proches de la Réalité.
Aux États-Unis, l’avenir appartient déjà aux États pris individuellement, comme par exemple l’État de New York, notre voisin immédiat au sud, qui s’est pris en main.
Comme le Québec, plusieurs États américains ont des partis politiques indépendantistes. Washington est incapable de secouer l’inertie qui gagne éventuellement toute grosse institution.
Je n’ose penser à la Chine avec ses 1 370 000 000 habitants ! Oui, un milliard trois cents soixante-dix millions ! Comment font les Chinois? Le pouvoir doit être très décentralisé chez eux, et de plus, ils profitent de 6000 ans d’expérience pour savoir quoi faire avec un État.
Je demeure très impressionné par les Annales chinoises, qui ressemblent aux Relations des Jésuites et dont la rédaction remonte à la nuit des temps. C’est le manuel obligé d’instruction des générations actuelles.
À quand les Annales québécoises? Chaque institution devrait en tenir une et en faire la lecture officielle une fois par année, au début de l’année nouvelle. Une annale consigne par écrit les faits essentiels qui se sont produits pendant l’année en cours, y compris les faits de la population qui occupe le lieu donné, des changements qui se produisent, les faits territoriaux, les investissements et les pertes.
C’est la meilleure manière d’instruire les générations à venir et de combattre l’inertie du présent. Après la crise d’Oka en 1990, j’ai demandé à des responsables de la place si Oka tenait des annales depuis sa fondation, comme il se doit pour toute institution publique, civile, religieuse, ou militaire? Absolument pas. Pas étonnant que, face aux Mohawks agressifs, la ville d’Oka n’ait rien eu à soumettre pour sa défense.
Et maintenant les États-Unis, dont la force d’inertie est telle qu’Obama ne peut que suivre le courant et leur chute vers le bas. Obama ne peut même pas ordonner des déplacements des forces américaines, ce qui exigerait plusieurs années de planification et d’ajustements. Et même alors, il ne serait pas certain de réussir.
Il a ordonné la fermeture de Guantanamo et n’a obtenu aucun résultat. Il faudrait qu’il mette le grappin sur les responsables, mais il ne parvient pas à saisir les mécanismes tangibles et intangibles de son propre État.
Pour ce qui est du Canada, la seule manière de réaliser l’indépendance du Québec, c’est de saborder Ottawa, provoquer sa chute, comme les Scandinaves ont sabordé l’Union de Kalmar.
Il leur a fallu du temps pour y arriver mais l’Union de Kalmar n’existe plus maintenant.
On peut comparer la chute d’un État à une boule de neige qui ne bronche pas mais se met lentement à dévaler une pente, entraînée par sa propre inertie. Vous savez ce qui arrive lorsque la même force augmente sa vitesse de chute. Rien ne peut plus l’arrêter. C’est ce qui arrive aux États-Unis. Et les Américains, n’ayant pas l’expérience des Chinois en matière d’État, ne pourront arrêter cette chute lorsqu’elle s’accélèrera.
Ce ne sont pas les sentiments, les émotions et les bonnes intentions qui mènent un État mais sa force d’inertie, dont les profanes n’ont aucune idée. C’est à partir de cette force d’inertie que les États s’écroulent alors qu’on les croyait en place et forts pour des siècles à venir. Seuls l’instruction poussée et la rédaction d’Annales peuvent empêcher les grosses institutions de s’écrouler sous le poids de leur inertie.
JRMS

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René Marcel Sauvé217 articles

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 novembre 2012


    Monsieur Crystal de Paix,
    Vous avez toutes les réponses à vos questions.
    Rappelez-vous cette sentence du vieux Sun Tsu:
    La connaissance des grands principes permet de trouver
    en toutes circonstances les solutions qui conviennent.
    ET les Annales ont pour but de vous informer en conséquence,
    plutôt que vous laisser seul et avec
    vous-mêmes.
    Le premier principe s'énonce comme suit:
    Appréciation rigoureuse du contexte et de la situation.
    C'est la connaissans du milieu et des faits accomplis qui
    vous permettent d'apprécier le contexte. La situation est
    ce qui se présente immédiatement.
    Une appréciation rigoureuse à la fois du contexte et de
    la situation vous permttra de déterminer vos objectifs.
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    13 novembre 2012

    Monsieur Sauvé,
    Si je suis à la hauteur de votre concept/percept d’inertie de l’État, dont vous abordez la réalité en disant «C’est un sujet qui se perçoit par intuition plutôt que par un raisonnement abstrait ou empirique.», j’aimerais avoir votre avis selon votre expérience militaire et vos compétences professionnelles, sur les trois points suivants.
    Étant donné que «…les faits sont STATUTAIRES et permettent d’éclairer les PRINCIPES QUI ONT PRÉVALU DANS le contexte particulier du temps.»
    1) Pensez-vous que la crise dite «printemps érable» aurait pu être évitée si l’État québécois et les institutions correspondantes avaient tenu de telles annales?
    2) Des annales reliées à tous les faits s’étant produits durant cette crise dégénérative, crise accrue par l’inertie comportementale même de Jean Charest, ne permettraient-elles pas de réaliser une amnistie libératrice de l’inertie propre au système judiciaire (à paliers de cours provinciales et fédérale multiples, successives et hiérarchisées, potentiellement contradictoires) et prévenir ainsi des séquelles socio-politiques irrésolues, voire des formes répétitives de ces crises pour l’avenir?
    3) Permettez-moi de vous suggérer de produire un traité polémologique opérationnel des mesures pacifiques que vous avez relevées et que vous considérez applicables avec succès eu égard ce sabordage d’Ottawa. Le Québec mérite que tous ses défenseurs les plus efficaces soient au service de sa libération, ne croyez-vous pas?
    Merci de votre attention

  • Archives de Vigile Répondre

    13 novembre 2012

    Un État utilise des processus prédéfinis pour traiter des problèmes. Établir l'équivalence des citoyens permet de réutiliser les processus sans réinventer la roue.
    Quand le problème n'est pas dans la routine, les processus doivent être modifiés sans entorses aux principes guidant l'État. La révision passe par une chaîne hiérarchique mêlant discussions et recherches, et faisant appel à d'autres ressources. Si un maillon est remplacé, le successeur doit revoir le dossier dans son ensemble. Et les longueurs de temps multiplient les remplacements de maillons.
    Avez-vous déjà porté plainte à l'Office de la Langue Française pour réaliser la lourdeur procédurale ?
    Ultimement, la révision doit passer par la Législature.
    Et les législateurs étant à l'extrémité, ils ne sont pas près des problèmes pour en saisir l'ampleur et la complexité.
    Pour alléger les processus de révision, les chaînes hiérarchiques doivent être raccourcies. L'arbitraire est souvent une solution. En autant qu'elle soit bien documentée (d'où l'importance de l'annales). Le Jésuite doit obéir «perinde ac cadaver» tel un cadavre. Même en dérogeant aux instructions prescrites, sa dérogation doit souscrire au principe guide de la communauté. Ce qui sera nécessaire vues les distances des missions.
    La Chine est un gros état. Sa population étant énorme, ses problèmes croient exponentiellement et ne peuvent être gérés de Pékin. Le Pouvoir se délègue aux bonzes provinciaux et de districts. C'est la règle confucéenne du renzhi où le mandarin en autorité peut décider arbitrairement en opposition à la gouvernance législative fazhi. Le problème traditionnel est celui de la corruption et de la prévarication.
    Ici, parce que les problèmes de corriptions furent systémiques, il est demandé aux gestionnaires d'inscrire leurs actions et motifs dans un livre de bord. En cas de malversation, ce livre de bord peut leur permettre de circonscrire les responsabilités et de les disculper.
    Un peu comme les rapports d'agent dans la police.
    Beaucoup de paperasseries et d'écritures font le lot du quotidien des fonctionnaires. Et si un état était si dynamique en changeant les règles hebdomadairement, les fonctionnaires peineraient à suivre les changements.
    Le stress cause déjà assez trop de burn-outs et de dépressions.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 novembre 2012


    Un rapport annuel se rapporte à l'argent. Une annale
    se rapporte à la vie territoriale et à tout ce qui influence les statuts de ses habitants.
    JRMS

  • Michel Patrice Répondre

    13 novembre 2012

    Les annales sont-elles différentes d'un rapport annuel?

  • Archives de Vigile Répondre

    13 novembre 2012


    Monsieur Crystal de Paix,
    Même s'il se situe correctement dans l'espace et dans le
    temps,Vigile n'est pas une annale comme les annales
    auxquelles je me réfère dans mon texte.
    La seule institution au Québec qui tient des annales est
    l'Université Laval. Je le sais pour avoir assisté au
    banquet de l'annale annuelle et avoir été témoin de
    sa lecture.
    C'était en janvier 1966. J'étais officier d'État-major
    en résidence à l'Université Laval et comme tel, je devais
    m'occuper du recrûtement et de la formation des futurs
    officiers pour l'armée, dans toutes les fonctions: médecins, ingénieurs, aumôniers, administrateurs, officiers d'infanterie, d'artillerie et des tanks, etc. Je recrûtais l'automne et l'hiver et à raison d'une soirée par semaine,
    je les préparais pour les camps d'Été. soit quatre mois
    chaque été pendant trois années consécutives, avec plein salaire pendant la période d'entraînement.
    Je serai le dernier officier d'État-major en résidence car le programme a été aboli pendant que j'y servais. Le gouvernement d'Ottawa trouvait qu'il coûtait trop cher et ne rapportait rien en retour. Une fois leur entraînement terminé, les candidats quittaient et ne revenaient plus.
    Janvier 1966 donc, je suis invité à assister au banquet
    de lecture de l'Annale annuelle de l'Université Laval.
    Jean Lesage était présent ainsi que de nombreuses personnalités.
    À la fin d'un copieux repas, le recteur fit la lecture de l'Annale:
    "Au cours de l'année qui vient se terminer, nous avons agrandi le domaine universitaire de tant de nouveaux édifices et installations, au coût total de tant.
    Nos facultés ont augmenté de tant de services et de membres. Nous avons recrûté tant de nouveaux profs et tant de nouveaux étudiants comme suit:
    Nous avons eu tant de gradués, etc, etc.
    Bref, les faits, seulement les faits, rien que les
    faits et pas autre chose que les faits.
    Pour une municipalité, la construction d'un nouveau
    chemin n'est qu'un événement parmi d'autres. Mais cet
    événement est justement ce qui doit paraître en détails
    dans une annale, car il s'agit d'un investissement dont
    les générations futures doivent être informées.
    De même les détails qui affectent la population du lieu.
    Tous les faits doivent être consignés et rapportés.
    Parce que les faits sont STATUTAIRES et permettent d'éclairer les PRINCIPES QUI ONT PRÉVALU DANS le
    contexte particulier du temps.
    Chaque corps public doit tenir son Annale, comme en Chine
    et comme chez les Jésuites. C'est la meilleure manière d'instruire les nouvelles générations et d'assurer la continuité de l'entreprise.
    Pour ces raisons, Vigile n'est pas une Annale mais un
    Tribunal.
    Quand j'écris qu'Ottawa doit se saborder, je ne fais pas le "smatte" ni de machins trucs.
    Ottawa est une capitale arbitraire et artificielle. Les capitales des provinces sont naturelles, comme Québec et Halifax par exemple. Pour six provinces au moins, dont le Québec bien entendu, deux capitales, une, naturelle et l'autre artificielle, il y en a une de trop.
    C'est ce qui est arrivé en Scandinavie avec Kalmar, imposée aux Scandinaves par la reine Marghrete du Danemark en 1397, par un coup d'État dont elle avait le secret.
    Dès 1523, la Suéde a rompu au prix d'une guerre. Arbitraire comme Ottawa,pour s'opposer à Kalmar, les Suédois n'avaient pas le choix.Le reste s'est effrité avec le temps et l'Union de Kalmar n'existe plus.
    Sauf qu'une guerre, il y a moyen de la gagner sans tirer un seul coup de canon ou de fusil, C'est ce que j'essaie d'enseigner avec les principes de stratégie d'État, mais personne ou presque ne veut me croire.
    Avec ses lois et constitutions rigides, Ottawa est arbitraire. Le Québec ne pourra réaliser son indépendance que lorsqu'Ottawa sera sabordé, d'une manière ou d'une autre.
    Je suis géographe spécialisé en géopolitique, polémologie et stratégie d'État. Je ne suis pas littéraire. Je vois les événements se dérouler avec le temps, dans des espaces différenciés et contrastés spécifiques et en me basant sur des analogies, je puis en tirer quelques conclusions valides pour la génération actuelle.
    Je ne suis ni brillant ni intelletuel.
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    12 novembre 2012

    Vous ne parlez pas de Vigile, qui représente, selon moi, d’excellentes annales citoyennes et paramédiatiques face à la machine de désinformation officielle. Les paramètres ici de traitement de l’information, au détail du quotidien près, ne correspondent à aucune des formes lourdes et conditionnées du système officielle de contrôle des masses.
    Aucun journaliste, de par son encadrement multiple, une autocensure stylistique, éthique et politico-sociale, ne peut atteindre la qualité du « direct » de la Tribune libre ici. Vigile n’est pas seul à pratiquer cet art citoyen inestimable – archives cumulatives parallèles à l’histoire du Québec - mais il est unique de par ceux qui éditent, participent et lisent son contenu.
    Les commentaires dépassent l’anecdotique même en traitant ce qui au départ se montre trivial. Je pense qu’en publiant ces archives sous forme de DVD, CD (pour les lecteurs par l’ouïe plutôt que par les yeux), le papier ne permettant pas de naviguer en arborescence alinéaire, Vigile prendrait plus d’envergure, s’assurant d’une place publique au-delà du virtuel.
    Chaque année sort un guide annuel des automobiles ou autre objet. Pourquoi Vigile ne produirait pas son guide annuel des événements politiques au Québec, un rapport sur l’indépendance en marche (ne serait-ce que pour mener, alimenter cette marche).
    La vente de ces produits culturels (déposés à la Bibliothèque et archives nationale du Québec), assurerait un visibilité et un coussin financier à Vigile, éduquerait la population et ferait une promotion permanente de l’indépendance du Québec. De quoi, à terme, affecter l’inertie de l’État provincial et fédéral. Et mener le combat en dehors des divisions de partis politiques ou de gouvernance « inertique ».
    Vous dites : «Pour ce qui est du Canada, la seule manière de réaliser l’indépendance du Québec, c’est de saborder Ottawa, provoquer sa chute, comme les Scandinaves ont sabordé l’Union de Kalmar.»
    Avez-vous relever des détails stratégiques à ce sujet ? Vous n’êtes pas dans la même approche, un peu en surestime de la compassion de l’ennemi fédéral, que Pierre Cloutier préconise, je trompe?
    Ne croyez-vous pas que garder une fleur de lys sur le coquelicot rouge, un pion à fort impact réactif que vous avancez délibérément sur l’échiquier politique en étant Première ministre, puisque la Légion de l’armée canadienne s’est levée aussitôt, eut été un bon début pour ébranler l’édifice sorti de ses gonds – De Gaulle, résistant s’il en fut un, n’aurait certes pas reculé là-dessus! n’est-ce pas ? Et que dire de Lévesque ? lui qui l’a vu de près la guerre, même si ce fut avec un crayon américain plutôt qu’un fusil canadien – je le vois, rictus en coin, argumentaire montant à la bouche, toiser avec une juste arrogance les oppositions de l’Assemblée nationale.

    Finalement les annales servent de pont à la mémoire sociale et collective, mais leur portée mutatoire consiste à en faire des tremplins de créativité évolutive et stratégique pour le développement humain. Non ? Le «Commentaire » du temps qui passe en actualités par les citoyens peut devenir l’écriture du proche avenir comme une strate pré-événementielle qui s’ajoute au poids de l’inertie et forcer le changement, faille par faille se multipliant.

    Pourquoi passer par « Ottawa » nécessairement selon vous ? Les rhizomes y conduisant se trouvent déjà à réseauter le Québec de toutes parts. Saborder le Québec dans son fédéralisant devrait définir le territoire en force. Selon vous, « saborder » Ottawa semble une mesure inévitable pour qu’advienne l’indépendance, pourtant, ce processus m’apparaît en mouvance, sans domicile fixe pour ainsi dire, localisable au cœur du peuple lui-même; au nombre de citoyens devrait s’ajouter une qualité accrue d’intelligence et de volonté.
    Un peuple en état d’inertie profonde, par colonisation, conditionné par la propagande fédéraliste, esprit divisé en lui-même, en nombreux partis politiques, avec des problèmes d’identité et une langue déstabilisée sans cesse, etc., n’est-il plus inquiétant que l’inertie de l’État ? Cet État, en plus de l’inertie bureaucratique et de gestion dont vous parlez, est géré par une gouvernance péquiste qui, au lieu d’éduquer et de promouvoir son option indépendandiste ne fait que refléter cette « mentalité » léthargique du peuple lui-même.
    Concrètement, un Comité pour la souveraineté ne devrait-il pas être un mouvement activiste au sein du PQ ? présent sur toutes les places publiques et dénoncer les tares, montrer en gros caractères gras toutes les failles fédérales en valorisant sur tous les plans l’indépendance du Québec ? Comment gagner un combat en restant chez soi à regarder les trains ennemis passer et déposer des mines partout? Qui disait, il portait une épée en son temps, la meilleure défense c’est l’attaque ! Le feu fait sortir des trous les rats, non ?
    Qu’en pensez-vous ?

  • Archives de Vigile Répondre

    12 novembre 2012


    Monsieur Tremblay,
    J'ai pris conscience de l'inertie des États et des
    grosses institutions en lisant les ouvrages de deux
    philologues de génie: Vladimir Jankelevitch et
    Stefan Zweig.
    C'est un sujet qui se perçoit par intuition plutôt que
    par un raisonnement abstrait ou empirique.
    Par la suite, je l'ai vérifié dans l'armée, sur les
    États majors, qui ne sont que la bureaucratie militaire,
    aussi lourde que la bureaucratie civile ou religieuse.
    Par lourdeur, j'entend cette tendance à tourner en rond
    plutôt qu'apprécier rigoureusement les contextes et
    situations qui se présentent, premier principe de
    toute stratégie qui veut aller quelque part.
    L'existence est relation en acte et en puissance. Elle
    est relationnnelle longtemps avant de se réduire à
    des rationalités commodes.
    Partout dans la littérature, romans, histoire et chroniques,
    vous allez trouver des preuves concrètes
    sur l'inertie des institutions en place.
    Tenez, je visionnais au cinéma des films en provenance
    d'Égypte, d'Israel et d'Afrique.
    La même histoire: quelqu'un est en
    difficulté et ne peut obtenir le moindre service
    de l'État parce que ce service n'est pas prévu dans les réglements.
    Quelque fonctionnaire obtus bloque toutes les initiatives.
    Poursuivez et vous trouverez beaucoup d'incidents qui
    prouvent la force d'inertie des États et des Institutions.
    Leur devise: Rien ne change; rien ne doit changer.
    Voyez le verrou de 1982 qu'on nous impose.Voyez la Loi sur
    la clarté. Toutes ces mesures viennent de l'inertie de
    l'État canadien en place, avec menaces en cas de pressions
    pour obtenir des changements.
    Salutations
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    12 novembre 2012

    Bonjour. Est-ce que M.Sauvé a des livres à suggérer pour qu'on puisse en connaître davantage sur cette "force de l'inertie de l'État" ?
    Merci d'avance pour votre réponse.