Six ans après la prise de Qaraqosh, dans la nuit du 6 au 7 août 2014, quelle est la vie des chrétiens irakiens après l’État islamique ? Ils ont beau avoir retrouvé un toit, la peur et l’insécurité continuent à régner dans la région.
« Le rapport n’est pas pessimiste, mais c’est un avertissement clair car sans action politique concertée et immédiate, la présence de chrétiens dans la région de la plaine de Ninive et ses environs sera éliminée », assure le père Andrzej Halemba, chef du département Moyen-Orient de l’AED international, qui a dirigé une étude La vie après l’État islamique : nouveaux défis pour le christianisme en Irak.
Ce rapport avertit que si la communauté internationale ne prend pas des mesures immédiates, l’émigration forcée pourrait réduire la population chrétienne de la région au cinquième de sa situation d’avant 2014. Cela ferait passer la communauté chrétienne de la catégorie des « vulnérables » à la catégorie critique des « menacés d’extinction ». Avant 2003, les chrétiens étaient 1,5 million et ils seraient, maintenant, autour de 150.000.
Toujours selon l’enquête, 100 % des chrétiens vivant dans la région éprouvent un manque de sécurité et 87 % d’entre eux indiquent même qu’ils le ressentent « beaucoup » ou « considérablement ». Les enquêtes montrent que l’activité violente des milices locales et la possibilité d’un retour de l’État islamique apparaissent comme les principales raisons de cette crainte. 69 % indiquent que c’est la première cause d’une éventuelle migration forcée.
Outre l’insécurité, les chrétiens avancent le manque de perspective d’emploi et de développement économique (70 %), la corruption financière et administrative (51 %) et la discrimination religieuse (39 %) qu’ils ressentent au niveau social, comme les défis actuels qui continuent de pousser les chrétiens à migrer. Les différends entre le gouvernement central de Bagdad et le gouvernement régional du Kurdistan, notables dans certaines zones à majorité chrétienne, renforcent le sentiment d’insécurité.
Une note positive, malgré cela. En 2016, seulement 3,3 % des chrétiens de la plaine de Ninive avaient l’espoir de retourner dans leurs villes et villages, en raison de problèmes de sécurité et du manque de logements. « Aujourd’hui, 36,2 % des chrétiens sont revenus », affirme le père Halemba.
Cet équilibre positif, selon lui, est dû au plan de reconstruction à long terme que l’AED a lancé au début de 2017 pour s’attaquer, avec d’autres organisations, à la réhabilitation des maisons chrétiennes dévastées dans la plaine de Ninive. La fondation internationale a contribué à hauteur de 6,5 millions d’euros pour la reconstruction de 35 % des maisons, soit un total de 2.860 maisons dans six villes et villages.
Outre les mesures favorisant le développement économique, le responsable des projets de l’AED au Moyen-Orient appelle à « une représentation permanente des chrétiens au sein des autorités nationales et locales pour assurer la défense de leurs droits fondamentaux, en particulier le droit à l’égalité de citoyenneté », ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.