En écartant, lors de son récent congrès, toute possibilité d’alliance avec le Parti Québécois, Québec solidaire renonçait, dans les faits, à ce qui était, de facto, l’article 1 de son programme : l’instauration d’un mode de scrutin proportionnel.
À défaut de former lui-même un gouvernement majoritaire – une hypothèse fort peu probable à court terme – la seule possibilité pour Québec solidaire d’obtenir une réforme du mode de scrutin était que le Parti Québécois reprenne ce projet à son compte.
Étant donné l’importance accordée à cette question par Québec solidaire, on imagine facilement qu’un engagement électoral du Parti Québécois en faveur de la proportionnelle aurait pu faire office de ce « programme commun », auquel faisait référence le président du Parti Québécois, Raymond Archambault, comme base nécessaire pour une alliance électorale entre les deux partis.
Du côté du PQ, les dés n’étaient pas joués
Lors de la dernière campagne électorale, le Parti Québécois s’est refusé à prendre un tel engagement, malgré les pressions incessantes de Québec solidaire. Il misait sur ses chances de former un gouvernement majoritaire.
On connaît les résultats. Le Parti Québécois s’est retrouvé minoritaire à l’Assemblée nationale, à cause de la division du vote souverainiste. Pas moins de 22 circonscriptions auraient pu être remportées par un député souverainiste, s’il n’y avait pas eu division du vote.
Aujourd’hui, si on se fie aux résultats des sondages, la même division du vote souverainiste chasserait le Parti Québécois du pouvoir et ramènerait le Parti Libéral aux commandes de l’État.
Sous la gouverne de Mme Marois, le Parti Québécois nous a habitués à des revirements spectaculaires. Après des années d’un discours taillé sur mesure pour séduire l’électorat adéquiste, le parti a effectué, à la veille de la dernière campagne électorale, un virage à 180 degrés.
Dans la plate-forme électorale, on retrouvait des propositions rejetées ou ignorées précédemment : référendum d’initiative populaire, modernisation de la loi anti-scabs, nationalisation de l’éolien, etc.
Rien n’interdit donc d’envisager, à nouveau, pareil virage.
Changement de cap du PQ ?
D’ailleurs dans son discours, prononcé lors du Conseil national du 11 mai, Mme Marois a déclaré qu’après « huit mois passés à faire le ménage », une « nouvelle étape » s’ouvrait : celle du « redressement ».
Les commentateurs politiques ont noté qu’elle avait à peine évoqué la CAQ dans son discours, mais ils auraient pu également mentionner qu’elle a abondamment utilisé les mots « indépendance » plutôt que souveraineté (de quoi plaire à Option nationale) et qu’elle a mis l’accent sur l’électrification du transport et n’a jamais prononcé le mot « pétrole », dans le but manifeste de séduire la clientèle électorale de Québec solidaire.
La nomination de Daniel Breton comme coordonnateur du dossier de l’électrification à la veille du Conseil national est aussi indicatif de ce changement de cap.
Dans ces conditions, rien n’interdit de penser que la question de la réforme du mode de scrutin n’aurait pas pu refaire surface.
L’art de tuer une idée
Cependant, le fait que la proportionnelle puisse servir de « programme commun » pour des alliances électorales entre Québec solidaire et le Parti Québécois n’est plus envisageable, étant donné la décision du congrès de Québec solidaire de fermer à double tour la porte à toute possibilité d’alliance.
En fait, la position de Québec solidaire apporte de l’eau au moulin aux adversaires, de plus en plus nombreux, de la proportionnelle au sein du Parti Québécois.
Il y a quelques années, la proportionnelle jouissait d’une bonne réputation dans les milieux péquistes, parce qu’elle était envisagée comme un moyen de rallier plus large, d’additionner des votes, de faire converger des sensibilités différentes vers un objectif commun : l’indépendance nationale.
Mais la pratique de Québec solidaire en a refroidit plusieurs. Sous la direction de Françoise David et Amir Khadir, Québec solidaire a fait du Parti Québécois son ennemi principal.
Même lorsque le Parti Québécois a adopté des mesures progressistes et était sous le feu croisé du patronat et des libéraux-caquistes, les députés de Québec solidaire se sont tenus loin des feux de la rampe plutôt que d’être aux côtés du Parti Québécois pour défendre des politiques favorables aux intérêts du peuple.
La stratégie de Québec solidaire pour l’accession à l’indépendance – la mise sur pied d’une Assemblée constituante qui pourrait déboucher sur une adhésion à la Constitution canadienne (« L’indépendance, si nécessaire, mais pas nécessairement l’indépendance », comme l’a formulé Amir Khadir) – a laissé dubitatifs plusieurs péquistes sur l’inévitabilité d’une alliance entre les deux formations politiques dans une éventuelle démarche référendaire.
La cage à homards
Évidemment, la décision du dernier congrès de Québec solidaire de refuser toute alliance avec le Parti Québécois et l’élection au poste de co-porte-parole d’Andrés Fontecilla a confirmé les pires appréhensions des péquistes. M. Fontecilla milite pour un « parti de la rue » plutôt qu’un « parti des urnes ».
C’est un secret de polichinelle que le candidat Alexandre Leduc était le poulain de Françoise David et que sa défaite et le rejet de toute entente avec le Parti Québécois est un cuisant revers pour Mme David.
Selon des informations qui ont filtré des délibérations sur les alliances politiques au congrès de Québec solidaire, les congressistes auraient eu l’impression de s’être fait piéger dans une cage à homards.
De vieux routiers du mouvement « m-l » des années 1970 auraient d’abord fait adopter une résolution cataloguant le Parti Québécois comme parti néolibéral. Puis, dans un deuxième temps, ils auraient écarté « toute alliance avec des partis néolibéraux ». La manœuvre aurait laissé un goût amer chez plusieurs.
Le mirage de la vague orange
Au terme du congrès, Françoise David a voulu camoufler sa déconfiture en disant que Québec solidaire pourrait rééditer l’exploit de la « vague orange » de Jack Layton.
N’est pas Jack Layton qui veut – parlez-en à Thomas Mulcair! – et rien ne laisse présager une répétition des conditions particulières à l’origine de la « vague orange ».
Mais l’intérêt d’une telle déclaration est de mettre en lumière la référence importante que constitue le NPD pour Québec solidaire.
Il existe depuis toujours un courant progressiste fédéraliste au Québec. Dans les années 1950, on le retrouvait à la revue Cité Libre avec les Pierre Elliott Trudeau, Gérard Pelletier, etc. Au cours des années 1970, ce courant s’est incarné dans le mouvement maoïste et trotskyste « m-l ».
Aujourd’hui, il se retrouve dominant à Québec solidaire. À la différence des années 1970, il se voit obligé de se proclamer « souverainiste », étant donné le discrédit de l’appellation « fédéraliste » dans les milieux progressistes au Québec. Cependant, son appui à la souveraineté est conditionnel à tellement d’éléments programmatiques que ses promoteurs se retrouvent alliés objectifs des fédéralistes.
Autrefois, le slogan était « Parti Québécois, parti bourgeois ». Aujourd’hui, c’est « Parti Québécois, parti néolibéral ». Plus ça change, plus c’est pareil!
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