Le plus étonnant, lors du débat des chefs de Radio-Canada et Télé-Québec, c’est d’avoir été étonnés de la prestation de Françoise David ; le plus désolant, c’est que l’exercice n’ait pas de suite à TVA. Ç’aurait pourtant été le meilleur antidote au cynisme ambiant.
Sur le terrain, les gens de toutes tendances font le même constat : assez de la langue de bois, de la cassette et des promesses qui ne se réaliseront pas. Le moindre vox pop s’en fait l’écho.
Mais les politiciens n’entendent pas. Ils ont leurs repères, leurs conseillers, et tout le système de représentation électorale qui leur permet de ne pas sortir du moule. Il est si facile d’endosser les habits du parfait candidat, comme le démontre la vidéo à succès de Catherine Dorion, candidate d’Option nationale.
L’électeur a beau être plus scolarisé et plus informé que jamais, plus éloquent, aussi, comme en font foi les propos tenus sur le Web ou dans les pages d’opinion des médias, on ne fait toujours pas appel à son intelligence. En retour, désabusé ou exaspéré, l’électeur a du mal à envisager qu’il puisse en être autrement.
C’est cet air frais que Françoise David a fait souffler dimanche soir. Il faut dire que pour elle, faire de la politique autrement n’est pas un slogan inventé le temps d’une élection, mais un mode de vie. Écouter, donner raison à l’autre, élargir la discussion, rester dans le concret sans piler sur ses principes…, autant de manières d’agir venues tout droit du mouvement des femmes, où elle a tant milité.
Tout cela n’était pas ennuyant, bien au contraire. Pas plus que ne l’était l’entrevue donnée par Jean-Martin Aussant à François Parenteau sur Internet, une heure après la fin du débat officiel. Le ton décontracté, inattendu, n’empêchait nullement M. Aussant de faire état de ses convictions. Il n’en devenait que plus inconcevable que cet élu de l’Assemblée nationale n’ait pas été invité au débat des chefs. Il aurait clairement ajouté de la substance à celle qu’arrivait à instiller Mme David au milieu des chamailleries partisanes.
Il est vrai que la politique, sous sa caricature, ne se résume pas aux combats de coqs que regrettait dimanche Françoise David. L’Assemblée nationale en offre de nombreux contre-exemples. Ainsi, le printemps dernier, du rapport unanime de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, qui a démontré ce que des élus peuvent apporter à leur société quand ils sont à son écoute et quand ils se méfient du simplisme.
Le travail de base des députés, en fait, ressemble à ce que les Québécois vivent dans leurs milieux d’études, de travail ou d’implication : le respect et l’écoute valent mieux que le mépris et l’autoritarisme, et aucun problème ne se règle en criant ciseaux,
Mais les campagnes électorales ne sont pas encore arrivées au xxie siècle. Elles gardent des vestiges archaïques de pensée magique (pouf, un médecin de famille pour tous !), de démonisation (la rue !, pas fiable !), et de mantras répétés à tous les vents (le ménage, le changement, le Plan Nord, un jour un pays…).
Dans ce contexte, c’est la normalité qui devient anormale. Dans un débat, parler simplement, donner raison à son interlocuteur, dire que la santé c’est complexe devient ainsi déroutant, et sème la surprise. C’est dire la bulle à crever !
Heureusement, il y a maintenant Internet, qui permet de voir des candidats - de jeunes comme de vieux partis - arrimés à la réalité et qui parlent comme du monde plutôt que comme des cassettes. Mais la télévision reste le média de masse : c’est donc par elle que le renouveau largement souhaité doit se manifester. Marois, Legault et Charest en face-à-face à TVA, c’est intéressant mais prévisible. Ajouter Khadir, David et Aussant aurait eu le grand mérite de sortir de leur confort tous ces vieux routiers de la politique. Il faudra bien finir par en prendre acte.
Face à face électoraux
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