Le vrai déséquilibre fiscal

Les provinces sont trop occupées à financer les soins de santé et l'éducation pour s'inquiéter des villes

17. Actualité archives 2007



Le véritable "déséquilibre fiscal" n'a rien à voir avec la disproportion fédérale-provinciale imaginée par le gouvernement québécois, mais tout à voir avec l'écart de revenus entre les municipalités et les deux autres ordres de gouvernement.
Le "déséquilibre fiscal", inventé par le Québec et soutenu par les autres provinces, n'est qu'un mythe. Les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral ont presque les mêmes pouvoirs de taxation. Si les provinces avaient besoin de revenus additionnels, elles auraient pu tout taxer davantage. Il était cependant plus facile d'inventer un "déséquilibre" et d'exercer des pressions politiques pour obtenir plus d'argent d'Ottawa.
Les municipalités, notamment les grandes villes, ne disposent pas de tels pouvoirs. Elles ne peuvent prélever des impôts sur le revenu, des taxes de vente ou des droits de douane. Elles doivent compter, essentiellement, sur les taxes foncières, et des transferts des gouvernements provinciaux et fédéral.
Ottawa a mis en place trois programmes d'aide aux villes: un rabais sur la TPS, une petite part de la taxe fédérale d'accise sur l'essence et un programme d'infrastructures. Ces programmes se sont avérés utiles mais insuffisants.
Idéalement, les gouvernements provinciaux, et non Ottawa, devraient financer les villes plus adéquatement. Après tout, sur le plan constitutionnel, les municipalités ne sont-elles pas des créatures des provinces? Mais les provinces sont trop occupées à financer les soins de santé et l'éducation pour s'inquiéter des villes.
Le résultat crève les yeux, partout au Canada: les infrastructures de base des villes s'écroulent ou peinent à suivre le rythme d'une population croissante.
Les Montréalais voient bien l'état des infrastructures municipales. Les nids de poule de la métropole sont légendaires. Les rues, les égouts, les ponts, les trottoirs, les parcs. Les Montréalais connaissent mieux que quiconque le piètre état de ces services de base.
D'astucieux observateurs de la scène politique québécoise s'expliquent les malheurs de l'infrastructure municipale de la façon suivante: les partis politiques, croient-ils, passent beaucoup plus de temps à courtiser les électeurs des régions rurales et des petites municipalités que ceux de Montréal.
Cette priorité n'est pas étrangère à la structure politique de Montréal. Étant donné que les anglophones votent massivement pour le Parti libéral, celui-ci les tient pour acquis. Les sécessionnistes (et l'ADQ) ne s'en préoccupent pas. Le résultat, c'est que Montréal ne reçoit pas l'attention qu'elle mérite et dont elle a besoin, parce que le nombre de circonscriptions francophones à Montréal ou en banlieue où les luttes peuvent être serrées est beaucoup moindre que celui des autres régions du Québec.
Encore aujourd'hui, les luttes les plus vives s'annoncent dans les circonscriptions de l'ADQ à l'extérieur de Montréal. Dans ces régions, les gens estiment que Montréal reçoit déjà trop d'attention.
Partout au Canada - et au parlement fédéral - les régions rurales reçoivent une attention politique disproportionnée. (Rien, au Canada, ne peut concurrencer le pouvoir du lobby agricole. Le Québécois en sont devenus conscients en observant les interventions musclées de l'Union des producteurs agricoles.)
Les petites provinces - Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et le Manitoba - ont trop de sièges aux Communes par rapport à leur poids démographique. À Ottawa, ces jours-ci, les villes sont fortement sous-représentes au gouvernement à cause de la faiblesse des conservateurs dans les grandes zones urbaines - à l'exception de Calgary et Edmonton.
Au sein des provinces, les cartes électorales sont discriminatoires parce que le nombre d'électeurs est habituellement plus élevé dans les circonscriptions urbaines que dans les régions rurales. Au Québec, parce que les économies régionales connaissent un déclin, les gens croient que les villes reçoivent plus d'attention des gouvernements.
À Toronto, la plus grande ville du Canada, les signes d'une dégradation des infrastructures vieillissantes, semblable à celle de Montréal, sont visibles. Cela semble paradoxal dans une ville qui abrite une immense richesse privée.
Depuis 20 ans, une seule ligne de métro a été construite à Toronto. Les lignes existantes ont des airs de vieillesse et de fatigue. Les rues ne sont pas asphaltées de façon régulière (vous connaissez?). La circulation est affreuse. Le croissant urbain autour de Toronto n'est qu'un étalement immense et laid. Le gouvernement municipal de Toronto, avec ses 50 élus et l'absence de partis politiques, demeure largement dysfonctionnel.
Pire, le gouvernement conservateur précédent avait exigé des municipalités qu'elles prennent en main le financement du bien-être social et du transport urbain tout en assumant entièrement les dépenses en éducation. Les effets ont été dévastateurs pour les noyaux centraux des villes qui ont besoin du transport urbain et qui abritent plus de bénéficiaires de l'aide sociale que les banlieues.
Ainsi Toronto, tout comme Montréal mais pour des raisons différentes, ne peut assumer ses responsabilités avec des revenus provenant largement des impôts fonciers. Le "déséquilibre fiscal", il est ici!
L'auteur est chroniqueur au Globe and Mail.


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