Pour la première fois, la maison CROP, dans un sondage publié hier dans La Presse, a placé les conservateurs devant les bloquistes au Québec. Bien sûr, l’avance du Parti conservateur est mince. Avec 31% des intentions de vote, il dépasse à peine les 30% que recueille le Bloc québécois. Mais ce résultat a une valeur symbolique certaine. D’autant plus qu’il y a du solide derrière les chiffres.
Sans que l’on puisse parler de raz-de-marée, un petit vent gonfle les voiles conservatrices. Ces progrès ne sont pas accidentels. Ils reposent sur des tendances lourdes. Une faiblesse structurelle des deux principaux adversaires du PCC. Mais aussi, ce qu’on a tendance à sous-estimer, le succès au Québec des politiques conservatrices.
Le premier des facteurs qui aide les troupes de Stephen Harper, c’est évidemment la présence de Stéphane Dion à la tête du Parti libéral du Canada. Celui-ci a été tout à fait incapable de redonner un élan à son parti malmené par le scandale des commandites. Avant sa victoire à la course à la direction, les libéraux ne recueillaient que 20% des appuis au Québec. Dix-neuf mois plus tard, ils sont toujours à 20%!
Cependant, la fragilité politique de M. Dion n’est pas seulement une réalité québécoise. On l’a vu depuis quelques jours à la façon dont celui-ci a laissé le premier ministre Harper prendre l’initiative dans le déclenchement d’une campagne électorale, sacrifiant ainsi un privilège qui revient au chef de l’opposition dans un cadre de gouvernement minoritaire, celui de pouvoir choisir le moment des élections.
Le second facteur qui vient en aide aux conservateurs, c’est que leur autre adversaire, le Bloc québécois, vit lui aussi une crise interne qui l’affaiblit. Une longue descente aux enfers l’a amené à voir fondre les 42% de voix qu’il avait obtenues aux élections de janvier 2006. Son score de 30% s’explique largement par l’affaissement des appuis à la souveraineté. À peine 36% des Québécois se disent prêts à voter oui, à peine plus qu’un sur trois. Cela relance encore une fois le débat sur la pertinence de ce parti dont la raison d’être était d’appuyer à Ottawa la marche vers l’indépendance. D’autant plus que l’allié péquiste a repoussé à un avenir lointain les échéances référendaires.
Dans son autre rôle, celui d’éternel parti de l’opposition, le Bloc a également perdu des plumes, parce qu’il ne détient plus le monopole pour canaliser le vote de protestation et les manifestations d’insatisfaction. La moitié des voix qu’il a perdues depuis un an et demi sont allées au NPD, comme on a pu le voir lors des élections partielles d’Outremont.
Le troisième facteur, c’est le succès des politiques conservatrices. Sur la scène fédérale, les Québécois font souvent leur choix en fonction de la question nationale. À cet égard, le gouvernement Harper a marqué des points, avec la reconnaissance de la nation québécoise et sa conception provincialiste du fédéralisme. Des positions qui ont satisfait de larges pans d’un électorat nationaliste parfois attiré par le Bloc.
Ce processus s’accompagne d’un autre mécanisme, dont il faut prendre acte. Cet électorat nationaliste, surtout en région, s’inscrit souvent dans une tradition conservatrice, le courant bleu traditionnel, dont la vitalité a été révélée par les succès de l’ADQ. Ces électeurs ne sont pas indisposés par le conservatisme social du gouvernement Harper. Les coupures dans les arts, le zèle pour la loi et l’ordre, la politique étrangère trop pro-américaine passent mal en milieu urbain et suscitent de vives réactions dans les médias. Mais elles semblent beaucoup moins déranger dès qu’on traverse les ponts de l’île.
L’appui aux conservateurs reste très faible sur l’île de Montréal, à 20%. Mais il augmente en flèche dès qu’on s’éloigne du cœur de la métropole: 30% dans le «450», 35% en région, 46% dans le Québec métropolitain. Il y a là une réalité que les intellectuels, les médias et les élites politiques ont mal saisie.
Contrairement à ce que bien des observateurs ont pu croire, moi y compris, le gouvernement Harper n’a peut-être pas fait un mauvais calcul en multipliant les professions de foi de la droite sociale. Non seulement consolide-t-il son électorat traditionnel, mais peut-être cela l’aidera à percer au Québec et en Ontario, en dehors des grands centres.
Car rien n’exclut que le parti de Stephen Harper fasse encore des progrès au Québec, grâce à la faiblesse de Stéphane Dion et aux problèmes existentiels du Bloc, mais aussi parce que le gouvernement Harper jouit au Québec d’un taux de satisfaction élevé, 52%, ce qui dépasse de loin les intentions de vote pour ce parti.
Le vent souffle pour M. Harper
Ce résultat a une valeur symbolique certaine
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé