Je ne suis guère porté sur les écarts de langage, et la plupart du temps, je les réprouve. C’est donc vous dire toute l’indignation qu’il faut que je ressente pour me résigner à utiliser une invective pour qualifier notre premier ministre. Pour tout vous dire, je me fais violence.
Mais vient un moment où il n’y a plus moyen de faire autrement. On se doit d’aller au bout de sa pensée faute de la trahir, et j’ai passé l’âge des compromissions honteuses pour ménager mes ambitions personnelles.
Je regrette d’avoir à le dire, mais Jean Charest est un salaud. Il n’y a hélas pas d’autre mot pour qualifier un comportement aussi abject. Non content de refuser à 75 % de la population québécoise la tenue de la commission d’enquête sur le crime organisé, la corruption, et le financement des partis politiques qu’elle réclame depuis plus d’un an, Jean Charest fait tout pour ralentir le fonctionnement de la justice et donner au crime organisé tout le temps nécessaire pour escamoter les preuves de son implication dans les marchés et le fonctionnement de l’État.
Point besoin d’être grand clerc pour comprendre que l’adoption d’une loi spéciale forçant le retour au travail des procureurs de la Couronne va désorganiser le fonctionnement de l’appareil judiciaire et créer des tensions à la faveur desquelles des dossiers importants vont tomber entre les mailles du système.
Pas besoin non plus d’avoir fait de longues études pour comprendre que l’entrée en jeu de la nouvelle brigade anti-corruption l’an prochain seulement va donner aux personnes soupçonnées d’être impliquées dans des magouilles tout le temps nécessaire pour « nettoyer » leurs dossiers et faire disparaître toute preuve compromettante. Ne dit-on pas qu’un homme averti en vaut deux ?
De la part du premier mafieux venu, un tel comportement ne surprendrait guère. Mais de la part d’un premier ministre en exercice, il choque profondément. Il ébranle notre confiance dans l’intégrité du système. Il nous confronte au mépris dans lequel ce premier ministre nous tient pour être capable comme il le fait de continuer à se réclamer du mandat électoral que les Québécois lui ont donné pour bafouer systématiquement leurs intérêts dans tous les domaines au bénéfice d’intérêts particuliers. Et il nous met sous le nez, avec le rappel de « la Couronne », la preuve de notre statut de colonisés.
Autre malencontreux rappel de ce statut, la tenue aujourd’hui d’un discours du « Trône » qui aux dernières nouvelles, fera une page large aux « aînés ». Ce n’est même plus de la démagogie, c’est du racolage de bas étage, et le fait de le draper dans des oripeaux monarchiques ne parviendra pas à lui donner la moindre apparence de noblesse. Nos aînés ne sont pas des cons, et ils savent distinguer la sollicitude sincère du mépris racoleur. Rappelez-vous le tollé qu’avait soulevé l’envoi de clowns dans les foyers de personnes âgées pour les distraire...
Et toujours dans le registre de la monarchie, ces événements surviennent dans la foulée de l’annonce la semaine dernière d’une visite royale au Québec l’été prochain. N’en jetez plus, la cour est pleine !
Nos hivers rigoureux n’étant guère propices à la tenue de manifestations de masse, pas plus d’ailleurs qu’à la tenue d’élections, Jean Charest peut encore compter sur un certain répit. Parions qu’il s’en servira comme une corde avec laquelle il finira par se pendre. Il est bien parti.