Le RN de Marine Le Pen face au risque de la faillite

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Vers une catastrophe économique au RN ?


Le Rassemblement national va-t-il pouvoir survivre financièrement en 2020 ? S'il engendre des résultats souvent spectaculaires aux élections, ses dettes sont tout aussi colossales. Et les chiffres financiers de l'exercice 2018, publiés mardi soir par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), ne sont guère rassurants pour la formation de Marine Le Pen. Au 31 décembre 2018, les pertes cumulées pointaient dans le rouge, à – 19,2 millions d'euros, tandis que le total des dettes, toutes exigibles à moins d'un an, s'élevait à 24,4 millions d'euros.




Un RN au bord de la ruine? Rien de très neuf, en apparence. À l'été 2018, le parti criait déjà à la « peine de mort » après la saisie d'une partie de son aide publique dans le cadre de l'enquête sur ses assistants présumés fictifs au Parlement européen. Mais en ce début d'année 2020, les créanciers viennent sonner à la porte. Dans quelques jours, pour se faire rembourser un prêt consenti par le biais de son micro-parti Cotelec, Jean-Marie Le Pen ponctionnera 4,2 millions d'euros sur les 5,1 millions d'euros de dotations publiques. Pour ne pas avoir remboursé le fameux prêt russe de 9,4 millions d'euros à échéance, le créancier a assigné le parti en justice le 2 juin prochain. Une situation qui pourrait encore empirer en avril lorsque le jugement de l'affaire Jeanne (les kits de campagne présumés surfacturés) tombera. L'avocat de la partie civile a en tous les cas réclamé 11,6 millions de dommages et intérêts.




Une note confidentielle alarmante




« Il n'y a pas de quoi payer les créanciers. Nous sommes dans un état virtuel de cessation de paiements. Je ne vois pas comment on peut ne pas déposer le bilan d'ici à avril… », s'inquiète un cadre sous couvert d'anonymat. Une analyse que corrobore une note confidentielle réalisée en novembre par un ancien dirigeant à la demande de Jean-Marie Le Pen et que nous nous sommes procurée. « Faute de […] plan de redressement financier effectif et en temps utiles (dès 2018), le RN est devenu un parti zombie. […] Nous estimons que le premier semestre 2020, au plus tard, sera critique pour la trésorerie du parti », y est-il écrit.




La situation semble alarmante mais, en interne, le sujet est tabou. « Quand je pose la question, on me dit on gère », confie un parlementaire, pas vraiment rassuré. « Les gens n'osent pas demander les livres de comptes, je me tiens éloigné de tout ça », abonde un autre qui poursuit, ironique : « La situation est compliquée parce que les banques et les Russes sont des méchants ! »




Lors de ses vœux à la presse, le 16 janvier, Marine Le Pen se disait pourtant « confiante ». Son entourage fredonne depuis plusieurs mois l'air d'« on en a vu d'autres ». Malgré le « scandale absolu de l'incapacité pour le RN d'accéder aux prêts bancaires », la direction du RN semble avoir trouvé la martingale : le recours aux prêts directement auprès de ses sympathisants.




L'endettement pourrait s'alourdir




Après le succès de celui contracté aux européennes en 2019, le parti a annoncé il y a quelques jours le lancement d'un nouvel emprunt national au taux alléchant de 5 %. Au risque d'alourdir encore la dette. « Chercher de nouveaux créanciers pour couvrir d'anciennes créances, ça pourrait être dangereux juridiquement », analyse un ancien du parti. « Les gens vont-ils autant prêter au parti que pour une campagne électorale comme les européennes, où le remboursement avec de l'argent public était garanti? J'ai un doute », lâche un ténor du RN. Autre bémol : quand le prêt n'est pas consenti par un établissement bancaire, les intérêts sont exclus du remboursement public.




« On sait où on va. Pourquoi ne vous intéressez-vous pas plutôt à la promesse de Macron de créer une banque de la démocratie ? », s'agace le responsable des ressources, Jean Lin Lacapelle qui assure que les adhésions sont reparties à la hausse depuis 2019. « Nous sommes en train de rembourser les Russes et nous avons payé beaucoup de nos fournisseurs en 2019 », rassure pour sa part Wallerand de Saint-Just. Le trésorier écarte en tous les cas l'idée d'une banqueroute : « On va faire face aux dettes mais je ne vous dirai pas comment. »





Les salaires, eux, vont bien

L’élection de certains permanents RN au parlement de Strasbourg devrait permettre d’alléger la facture pour le parti. Premier poste de dépense du Rassemblement national, la masse salariale s’élevait à 3,5 millions d’euros en 2018, charges comprises, pour une cinquantaine de permanents.


« L’activité du parti est réduite, c’est le seul gros poste de dépenses », glisse un cadre. Le sujet est sensible alors que les rémunérations de certains hauts dirigeants font grincer des dents. En 2017, selon une grille de salaires que Challenges a révélée cette semaine, le trésorier Wallerand de Saint-Just percevait une rémunération mensuelle de 7000 euros net, en plus de son indemnité de conseiller régional. Le délégué aux ressources Jean-Lin Lacapelle recevait, toujours selon Challenges, 6 000 euros net par mois, là encore en plus de son indemnité à la Région. Quant à Marine Le Pen, son allocation forfaitaire, versée par le parti en plus de son indemnité de députée, a atteint 60 000 euros annuels à partir de 2017.


« La masse salariale a baissé en 2019, elle baissera encore en 2020 », assure Wallerand de Saint-Just, qui refuse de confirmer les bruits selon lesquels le RN pourrait procéder à des licenciements. « La décision de tailler dans les effectifs n’a pas encore été prise », précise le trésorier. Les élections européennes de l’année dernière ont d’ores et déjà permis de faire élire à Strasbourg un certain nombre de permanents du parti, comme le délégué à la communication Jordan Bardella, son adjointe Mathilde Androuet, le conseiller spécial de Marine Le Pen, Philippe Olivier, ou encore Catherine Griset, la cheffe de cabinet. « Ils ne touchent plus leurs salaires du parti », confirme le RN. L’Europe a pris le relais.