Le réalignement

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« Les vieilles catégories politiques semblent mortes. Reste à comprendre les nouvelles. »

En science politique, il y a un terme pour désigner le grand bouleversement qu’a connu le Québec lundi soir : on appelle cela une élection de réalignement.


C’est-à-dire que les grands partis qui structuraient la vie politique changent, au moment même où les lignes de fracture idéologiques qui divisaient la société se transforment.


Souveraineté ?


Disons cela concrètement : depuis le début des années 1970, le PQ et le PLQ s’affrontaient autour de la question de la souveraineté. Le Québec devait-il devenir un État souverain, oui ou non ? Chaque élection avait de près ou de loin une dimension référendaire. Ceux qui voulaient redéfinir le débat public en laissant au second plan la question nationale ou en la relativisant étaient refoulés dans ses marges.


Il n’en sera plus ainsi. C’est même l’inverse qui s’imposera.



Pour les années à venir, ceux qui voudront placer la question de l’indépendance au cœur de notre vie politique seront cantonnés dans les marges. Comme je dis avec tristesse, les souverainistes ont une excellente réponse à une question que les Québécois ne se posent plus. Le Parti québécois savait rassembler la gauche et la droite autour de l’indépendance. Mais une fois que celle-ci n’est plus à l’horizon historique, devra-t-il se contenter d’une base électorale composée de ceux qu’on appelle les souverainistes purs et durs ?


Les indépendantistes auront d’immenses efforts à faire pour rappeler aux électeurs que leur option est pertinente et nécessaire.


Certes, on dit que Québec solidaire est souverainiste, mais ce parti ne place pas la question nationale au cœur de son engagement, et quand il en parle, c’est pour faire de l’indépendance l’instrument d’un projet de société se définissant exclusivement dans les termes de la gauche radicale.


La CAQ, dans ce contexte, se réclame du nationalisme. Elle l’est, sur le mode du nationalisme tranquille, qui s’est résigné au cadre canadien, à défaut de l’aimer. Surtout, la CAQ a décidé d’assumer les inquiétudes identitaires des Québécois en proposant de rompre avec la logique du toujours plus en matière d’immigration. C’est à mettre à son crédit. Quiconque ne s’inquiète pas de la régression démographique de la majorité historique francophone vit dans les nuages ou s’enferme dans le déni de réalité.


Par ailleurs, quand François Legault voudra appliquer sa politique de laïcité, désirée par son électorat, il découvrira que le Canada demeure une structure de pouvoir très contraignante empêchant le Québec de faire ses propres choix.


PLQ


Le PLQ, dans le présent contexte, devra se réinventer. L’agitation de la menace référendaire, pour l’écrire à la manière des larbins du régime canadien, ne fonctionnera plus pour un temps. Et la CAQ occupera l’espace du centre droit.


Le PLQ voudra-t-il se repositionner au centre gauche, en conjuguant un libéralisme modéré avec un multiculturalisme dogmatique conforme à l’idéologie officielle canadienne ? Tel semble être en tout cas le positionnement de plusieurs de ses députés et de sa base électorale anglophone et allophone, à laquelle il vient de se faire réduire.


Quoi qu’il en soit, les vieilles catégories politiques semblent mortes. Reste à comprendre les nouvelles.