Il paraît qu'au Québec, les citoyens ont développé un réflexe pratiquement automatique qui leur fait rejeter toutes les propositions formidables que des promoteurs leur proposent et qui devraient au contraire susciter leur approbation et même leur enthousiasme. Dès qu'un beau grand projet voit le jour, il se crée un comité pour en empêcher la réalisation. Il suffit de se souvenir des quolibets dont on a désigné les citoyens qui se sont opposés au projet de Loto-Québec et du Cirque du Soleil aux portes d'un des quartiers les plus pauvres de Montréal pour comprendre que la population évalue souvent mieux que les spécialistes les dommages appréhendés d'un tel projet.
Le véritable problème, c'est que quand il y a une «piasse» à faire pour les promoteurs, la façon de mesurer la valeur réelle des projets laisse souvent à désirer. Il a donc fallu un comité de citoyens pour arrêter le casino chez les pauvres, pour stopper le Suroît, pour sauver une montagne ou empêcher Hydro-Québec de se conduire comme un véritable envahisseur dans certains coins du Québec. Il faudra un solide comité de citoyens pour venir à bout de la folie de l'échangeur Turcot ou pour la protection du mont Royal.
Il faudra aussi un comité de citoyens pour défendre ce qui nous appartient, car il faut bien le dire, nous n'avons pas, en ce moment, un gouvernement qui se tient debout pour défendre nos revendications. Il faudra donc rapidement regrouper nos forces pour refuser que le Saint-Laurent serve à transporter les déchets nucléaires de l'Ontario à travers le Québec, d'ouest en est, en longeant les villes et villages, sans avoir bien évalué les dangers que ça représente et sans nous avoir présenté de plan de secours si un malheur devait se produire. C'est la plus récente brillante idée à nous tomber sur la tête au cours des derniers jours. Et c'est urgent, car l'autorisation d'utiliser le Saint-Laurent a été accordée pour un an à compter du 3 février dernier. Nous sommes déjà dedans...
Au Québec, un comité de 128 000 citoyens existe déjà pour lutter contre les dangers que représentent les gaz de schiste. Ce sont les signataires de la pétition demandant au gouvernement de décréter un moratoire sur l'exploration et l'exploitation de ces gaz jusqu'à ce que nous sachions si nous en voulons ou pas. Les réponses du gouvernement ont subitement évolué au cours des vacances des Fêtes, mais malgré le fait qu'elles soient maintenant données par le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, plutôt que par madame Schiste elle-même, Nathalie Normandeau, le flou demeure.
Les comités de citoyens naissent spontanément quand ceux et celles qui ont été élus pour faire le travail ne le font pas. Ils naissent chaque fois que la volonté citoyenne est bafouée et que des décisions prises tout en haut, et sans l'accord des citoyens, finissent par brimer les droits de la population. Les comités de citoyens sont la preuve de la participation des citoyens dans la gérance de l'État et leur existence est une garantie que la démocratie est toujours vivante. Parfois pas très forte, mais toujours vivante.
Si le peuple québécois dit non à des projets qui heurtent sa définition d'un développement sain et raisonnable, ce n'est pas parce qu'il a peur de tout et qu'il ne peut pas voir grand. C'est plutôt, au contraire, parce qu'il a le goût des choses bien faites. C'est aussi parce qu'il est bien conscient des coûts exorbitants qu'on va essayer de lui faire avaler une fois les projets en cours. Il connaît sa capacité de payer, il administre aussi bien qu'il le peut son propre budget et voudrait bien que son gouvernement en fasse autant. Ce qui n'est pas le cas. Chat échaudé craint l'eau froide, dit le proverbe.
Les citoyens réclament depuis des mois une commission d'enquête sur la corruption. Ils ont été 250 000 à signer une pétition demandant la démission de leur premier ministre parce qu'il leur refusait cette commission et malgré cela, Jean Charest prétend avoir encore trois ans devant lui pour agir à sa guise, en étirant son mandat au maximum. De quel côté est le cynisme? Poser la question, c'est y répondre.
Il m'est arrivé de me demander ce qui se serait passé si les 250 000 signataires de la pétition, qui ont cliqué leur souris, étaient descendus dans la rue en décembre dernier.
Serions-nous en pleine commission parlementaire et commencerions-nous à comprendre pourquoi nous sommes devenus si méfiants devant des projets qui ne nous disent rien de bon? Commencerions-nous à voir la lumière au bout du tunnel?
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