Le Québec fait partie du Monde, et le Monde est à l’heure des choix.
Les régimes occidentaux, dont le Canada (dont nous faisons provisoirement partie), sont aujourd’hui engagés dans une prétendue « guerre contre le terrorisme ». Cette expression n’est qu’un slogan, un parapluie idéologique qui recouvre une série d’opérations visant à assurer, pour les générations à venir, la toute-puissance d’une micro-élite de milliardaires. Les dirigeants politiques et militaires des Etats-Unis parlent d’un conflit devant durer de cinquante à cent ans. Le fiasco irakien n’y change rien. L’axe américano-britannique, auquel participe fidèlement le Canada, se prépare à lancer une nouvelle offensive contre l’Iran. On nous y prépare depuis des années : cette attaque a d’excellents chances d’être nucléaire.
Après l’Iran, on parle de la Syrie, de la Corée du Nord.
L’état de folie avancée de la politique internationale se retrouve aussi sur le plan intérieur des pays de la « coalition ». Le niveau de répression auquel nous assistons depuis quelques années atteint des sommets devant lesquels l’internement de centaines de gauchistes et de pacifistes durant les dernières guerres mondiales fait piètre figure. Le cas de Maher Arar n’est exceptionnel ni au Canada, ni dans le reste des pays coalisés. Et ils ne peuvent que devenir de plus en plus fréquents, la guerre permanente servant de prétexte à l’adoption de lois qui finissent de dissoudre les quelques protections juridiques qu’on daigna un jour nous accorder.
Le 18 octobre dernier, par exemple, le président américain a signé le Military Commissions Act of 2006. Cette loi permet de détenir indéfiniment, et en secret, quiconque est désigné du nom de unlawful ennemy combattant. Il n’y a aucun critère pour définir ce statut : il suffit pour être arrêté que le président ou le secrétaire de la Défense en émette le souhait, qui sera officialisé par un tribunal spécial nommé par ces mêmes hommes. L’accusé n’a pas le droit de voir les preuves, s’il y en a, qui ont mené à son incarcération, et qui serviront à le condamner. La loi stipule que les conventions de Genève ne s’appliquent pas à de tels accusés, qui seront jugés par un tribunal militaire; celui-ci a droit de vie ou de mort sur les détenus. L’accusé n’a pas droit à un avocat, à moins que ce dernier n’ait obtenu la permission de consulter des documents classifiés, éventualité dont je laisse au lecteur le soin d’évaluer la probabilité.
Au cas où l’administration américaine manquerait encore de marge de manœuvre, la loi ajoute que le Président a maintenant le pouvoir d’interpréter à sa guise les conventions de Genève en général, et de décider si elles s’appliquent ou non [Act sec. 6(a)(3)(A)]. On connaît la compassion de M. Bush et consorts pour les prisonniers de Guantanamo ou d’Abu Ghraib. Il n’est donc pas innocent que l’administration américaine se soit octroyé le droit légal de commettre des crimes de guerre.
À ce stade, il est peut-être utile de rappeler qu’en droit international, l’invasion de l’Afghanistan, puis de l’Irak, constituent des guerres d’agression, ou crimes contre la paix, qui constituent le crime international suprême. Quant à la façon dont ces guerres continuent d’être menées, les armées d’occupation se rendent quotidiennement coupables de crimes contre l’humanité, tels que définis par l’article 7 du Statut de Rome : torture, viols, meurtres, sans compter le bombardement systématique d’infrastructures et de populations civiles, l’utilisation d’armes chimiques comme le phosphore blanc, etc. À ce jour, le nombre de morts chez la population civile irakienne est estimée à environ 650 000, selon une étude récente du John Hopkins School of Public Health. (La population irakienne est de 26 millions d’individus, soit moins que la population canadienne). Il semble que l’armée irakienne officielle aide à l’effort de guerre avec l’aide de ses nouveaux escadrons de la mort. Les morgues débordent. À Bagdad, les chiens dévorent les cadavres qui jonchent les rues.
Pourtant, la Guerre en Irak est un échec militaire complet pour l’axe Anglo-Américain. L’opération qui était censée démontrer sa toute-puissance a eu l’effet contraire. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’armée américaine manque de matériel, de fonds, et surtout de soldats. Aux dizaines de milliers de blessés s’ajoutent ceux qui souffrent de traumatismes psychologiques ou d’épuisement. Le Pentagone force en effet ses soldats à rester en Irak des mois, parfois des années, après la fin de leurs contrats. Les temps de repos et d’entraînement sont de plus en plus réduits; l’état lamentable des nouvelles recrues fait craindre le pire à l’État-Major. Grattez un peu, et vous verrez une armée au bord du précipice. Colin Powell affirme que l’armée est proche d’être brisée (« about broken »); un autre politicien proche des militaires, le représentant John Murtha, a produit un rapport en septembre dernier, intitulé United States Army Military Readiness, qui dépeint un appareil militaire au bord de l’effondrement.
Monsieur Bush reste malgré tout décidé, non seulement à amplifier les opérations en Irak, mais à les étendre en Iran et en Corée du Nord. Ce qui fait dire à certains, dont d’anciens fidèles de Reagan, comme Paul Craig Roberts, que le président a non seulement perdu contact avec la réalité, mais avec la raison : « Des millions […] d’Américains veulent que Bush soit remis au tribunal des crimes de guerre de La Haye. Le vrai sort qui attend Bush est l’incarcération psychiatrique. »
Dans un tel contexte, l’engagement canadien en Afghanistan n’a rien de fortuit. Moins médiatisée, la situation là-bas est tout aussi désastreuse. Les États-Unis ont besoin d’alléger leur fardeau afghan, pour récupérer quelques-uns de leurs soldats. En d’autres termes, l’armée impériale a besoin de chair à canon. Encore un travail pour ces braves Canadiens !
Celui qui verrait là les raisons profondes de la fameuse polémique autour du « Quebecistan » ne risquerait pas de se tromper beaucoup. Le Québec, qui a développé une assez bonne idée de ce que c’est que d’être conquis et occupé, est notoirement anti-impérialiste. Par ailleurs, au Canada, taper sur le Québec est payant. Traiter les Québécois de sympathisants terroristes a-t-il suffi pour convaincre les canadiens de la validité de l’effort de guerre ? Cela a en tout cas mis un terme au débat, si tant est qu’il y en avait un. Les opposants se taisent, les apologues exultent. Le Canada est maintenant prêt à tuer pour l’Empire. Ce ne sera pas la première fois. Et comme à l’habitude, le massacre se fera sous la bannière de la liberté, de la protection de la paix, de la civilisation. Air connu.
Le Québec est à l’heure des choix. Mais plus que jamais nos choix auront une incidence sur le reste de l’humanité. Nous sommes libres de nous taire devant ce que nous savons être injuste. Nous pouvons demeurer inféodés à la volonté de ceux qui voudraient être les complices des pires crimes. Mais nous avons aussi le courage de résister. Nous n’avons plus à accepter de faire silence sur notre existence et notre conscience.
Celui qui s’assume, le fait pour tous les autres de la planète. Et celle-ci a plus que jamais besoin des peuples qui exigent, aujourd’hui, maintenant, et de toutes leurs forces, la paix, la justice et la liberté pour tous.
L’indépendance, c’est d’abord cela.
Chronique # 1
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
17 juin 2007M. Baillargeon,
L'O.N.U a les mains liées par les États-Unies.
Tout ce ce que l' O.N.U tente de faire pour rétablir la paix dans les pays en guerre, les États-Unies se servent de leur droit de veto pour contrer leurs efforts. Ou encore, ils font tellement diluer les résolutions, qu'elles en deviennent inutiles.
Archives de Vigile Répondre
1 mai 2007« À ce stade, il est peut-être utile de rappeler qu’en droit international, l’invasion de l’Afghanistan, puis de l’Irak, constituent des guerres d’agression, ou crimes contre la paix, qui constituent le crime international suprême. »
L'invasion en Afghanistan s'appuie sur une résolution des Nations Unies, on ne peut donc parler de crime contre la paix.
Quant à votre appartenance au monde occidental, j'ai le regret d'affirmer qu'elle n'est pas provisoire. Votre culture, votre identité, vos institutions sont occidentales. Les valeurs occidentales ne sont pas monolithiques et évoluent avec le temps, mais nous sommes des Occidentaux, pour le le meilleur et pour le pire.
Archives de Vigile Répondre
25 décembre 2006Le Canada : aussi actif en Irak qu’en Afghanistan !
Pourquoi ces infos deneurent cachés aux citoyens...
Il me semble qu'il y a la une belle oportunité de baisser les culotes autant des con-serviteurs que libéraux qui ne sont de plus en plus que les deux faces de la même pièce...