Des millions d'Arabes et de musulmans ont suivi le discours prononcé, jeudi 4 juin, à l'université du Caire par le président des Etats-Unis, Barack Obama. Ce discours invitant à un "nouveau départ" entre l'Amérique et le monde arabo-musulman a été retransmis en direct au Moyen-Orient par les principales chaînes de télévision arabes, y compris celle du Hezbollah libanais, Al-Manar.
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Les mots forts
Islam. "Je suis venu ici au Caire en quête d'un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier, un départ fondé sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel, et reposant sur la proposition vraie que l'Amérique et l'islam ne s'excluent pas et qu'ils n'ont pas lieu de se faire concurrence."
Israël-Palestine. "La seule résolution (du conflit) consiste à répondre aux aspirations des uns et des autres en créant deux Etats, où Israéliens et Palestiniens vivront chacun dans la paix et la sécurité."
Nucléaire. "Il est clair pour tous ceux préoccupés par les armes nucléaires que nous sommes arrivés à un tournant décisif. Ce n'est pas simplement dans l'intérêt des Etats-Unis, c'est pour empêcher une course aux armes nucléaires."
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M. Obama visait autant les opinions publiques que les gouvernements de la région. Il a été globalement salué pour son ton apaisant et sa volonté de réconciliation, même si le blogueur égyptien Wael Abbas a pu estimer que M. Obama aurait dû "s'adresser à la raison, pas aux émotions".
Barack Obama a rappelé que son pays n'était pas en guerre avec l'islam. Il a mis en perspective l'engagement américain en Afghanistan et rappelé son projet de quitter l'Irak, sans convaincre le responsable chiite antiaméricain Moqtada al-Sadr. Il a aussi réaffirmé sa volonté de faire avancer la solution des deux Etats pour régler le conflit israélo-palestinien, et estimé, à propos du dossier du nucléaire iranien, que l'instant était "décisif".
A quelques jours d'une élection présidentielle (le 12 juin) très disputée, les autorités iraniennes n'ont pas réagi immédiatement aux propos du président des Etats-Unis, en dépit de l'attaque indirecte portée par ce dernier contre son homologue iranien dans une évocation des négations de la Shoah dont il est coutumier, un comportement qualifié "d'injustifié, d'ignorant et d'odieux". De son côté, le gouvernement israélien, qui attendait le discours de M. Obama avec inquiétude et circonspection, a répondu par un communiqué plat et convenu ne laissant rien transparaître, si ce n'est qu'"Israël veut la paix et fera tout ce qui est en son pouvoir pour élargir le cercle de la paix".
Les ministres avaient reçu la consigne de ne pas parler. Pas un mot n'a donc été dit sur le fait assez inhabituel que le président Obama n'ait pas fait une courte escale dans l'Etat juif à l'occasion de ce déplacement. Pas un mot non plus sur l'insistance du président américain à vouloir mettre un terme à la colonisation et à oeuvrer pour la création d'un Etat palestinien. Aucun commentaire n'a été fait sur l'utilisation des termes d'"humiliations quotidiennes", d'"occupation" à propos du sort enduré par les Palestiniens, ainsi que sur "la continuation de la crise humanitaire à Gaza (qui) ne sert pas à promouvoir la sécurité d'Israël".
C'est dire à quel point le discours du Caire a dû rester en travers de la gorge des autorités israéliennes, même si aucun plan précis n'a été annoncé. Les choses sérieuses devraient commencer à partir de lundi 8 juin, date à laquelle l'émissaire américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, doit arriver à Jérusalem pour entrer dans le vif du sujet.
Car, comme l'ont fait remarquer les Palestiniens, pour le moment, il ne s'agit que de mots. "Ce discours doit être jugé non pas sur la forme mais en fonction de la politique qu'Obama va appliquer sur le terrain", a fait remarquer Fawzi Barhum, porte-parole du Hamas, dans un jugement nuancé. A Ramallah, Nabil Abou Roudeina, porte-parole de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, a estimé que ce discours "franc et clair" est "un bon début sur lequel il faudra bâtir".
A trois jours d'un scrutin législatif très disputé au Liban, le président des Etats-Unis n'a en revanche pas convaincu le Hezbollah, principal mouvement chiite qui domine l'opposition libanaise. Il est vrai que la visite, le 22 mai à Beyrouth, du vice-président américain Joe Biden avait été perçue par le Hezbollah comme un message de soutien partial et sans demi-mesure de Washington en faveur de la majorité sortante.
M. Obama a assuré que les Etats-Unis accueilleront "tous les gouvernements élus pacifiques". M. Biden avait signifié à Beyrouth que l'aide militaire promise par son pays au Liban dépendra de "la composition du (prochain) gouvernement" libanais. Le Hezbollah a donc réagi jugeant le discours de M. Obama, dénué de "changement réel" dans la politique régionale des Etats-Unis. "Le monde arabo-islamique n'a pas besoin de recevoir des leçons, mais d'actes concrets, à commencer par un changement radical à l'égard de la cause palestinienne", a ainsi déclaré le député du Hezbollah Hassan Fadlallah.
Michel Bôle-Richard (Jérusalem) et Cécile Hennion (Beyrouth)
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