Pendant que le coq en chef se pavanait devant les députés ontariens, en chantant cocorico sur tous les tons et en battant des ailes devant son propre succès, fier de lui et parlant l’anglais avec l’aisance qu’on lui connaît, faisant des ronds de jambe devant une première ministre béate d’admiration, redisant son attachement au Canada tout en le priant de songer à reconnaître un jour la « spécificité » du Québec comme s’il venait lui-même d’y penser, le coq numéro un a gonflé le torse avec satisfaction. Fier de la « nouvelle union » du Bas et du Haut-Canada, dans l’euphorie renouvelée d’une fraternité étonnante, il a souri aux anges.
Pendant qu’on se tapait mutuellement dans le dos pour bien montrer que tout l’événement scellait un rapprochement important de deux provinces, décidées à tenir tête à un premier ministre canadien qui les a tassées sans remords depuis qu’il est au pouvoir, on était en droit de se demander qui allait planter le couteau dans le dos de l’autre à la première occasion.
C’est toujours comme ça que se terminent les amitiés sincères entre l’Ontario et le Québec. La mémoire étant ce qu’elle est chez nous, le spectacle avait l’air d’innover, mais, hélas, on devrait savoir que ce sont toujours les Québécois qui ont fini avec les couteaux dans le dos par le passé. L’Ontario s’excite un peu, souhaite une petite aventure avec le Québec, puis se remet au lit avec Ottawa dès que le coq canadien s’est refait une beauté.
Et que fait le poulailler pendant que le coq en chef fait des conquêtes dans son Canada bien-aimé ? En douce, il organise une vente de débarras.
Si les coqs en question nous avaient annoncé il y a une semaine qu’Hydro-Québec, la SAQ et Loto-Québec risquaient d’être vendues pour être « désétatisées » ou « privatisées », nous les aurions trouvés bien mal avisés. Les trois meilleures pondeuses de notre poulailler cédées à l’entreprise privée… allons donc ! Nos meilleures poules. Celles que nous avons payées de notre sang collectif et dont nous n’accepterons jamais de nous séparer, pas plus que PKP ne veut se séparer des actions qui lui viennent de son père. Ces poules richissimes que nous payons encore aujourd’hui sont sacrées parce que nous en avons hérité de nos parents. Ça s’appelle : pas touche. Le poulailler est-il devenu fou ?
Nos craintes ne sont pas inutiles pourtant. Car à regarder le fonctionnement du poulailler, même quelqu’un qui n’est pas docteur ou avocat peut très bien voir ce qui s’y passe. La pagaille tient au fait qu’il y a trop de coqs dans le poulailler. C’est une évidence. Chacun d’entre eux veut régner en maître et ils se prennent tous pour des génies authentiques. Alors pendant que le petit coq du Trésor fait le ménage à la scie mécanique et que le coq dodu renvoie le monde de la santé au diable avec un coup de bec dont il a le secret, le coq des Finances, lui, rêve d’organiser une grosse vente de débarras.
Pendant ce temps-là, le coq responsable de l’éducation des poussins a les coudées franches pour diminuer le nombre de poussins, ce qui permettra de réduire les sommes nécessaires pour instruire les poussins. Le coq de l’Environnement, pendant ce temps, peut bénéficier du tumulte du poulailler pour faire à sa tête dans tout ce qu’il touche. Le coq qui devait veiller sur les municipalités en arrache. Il est toujours dans le coin avec le bonnet d’âne. Il doit commencer à trouver le temps long, mais le coq en chef n’a pas le pardon facile.
Quant au vieux coq grognon chargé de l’ordre dans le poulailler, ça fait déjà longtemps qu’il a le bec tout abîmé, les joues creuses et les ailes pendantes. Il va probablement faire bientôt lui-même faire partie de la vente de débarras, c’est inévitable. À moins que, charmé par la réception que son coq en chef a reçue en Ontario, il fasse le choix d’y tenter sa chance lui-même à la prochaine élection. Finir en Ontario, ce serait peut-être pour lui une belle fin de carrière.
Dans tout ce brouhaha, peut-on envisager sérieusement de se départir des poules pondeuses que nous avons dorlotées depuis si longtemps ? Jamais de la vie. Elles sont essentielles à notre santé financière et pas question de laisser n’importe qui mettre la main dessus.
En fait, regardons les choses en face. Si un coq tout énervé ose parler de la vente de débarras de nos trésors nationaux, il nous appartiendra à nous tous de dire haut et fort, surtout très fort, que nous ne sommes pas d’accord. Pas question de laisser le poulailler dilapider nos richesses.
Avez-vous voté pour ça à la dernière élection ? Avez-vous entendu qu’un candidat quelque part parlait de la vente d’Hydro-Québec ou de quelque autre fleuron de notre patrimoine ? Faites-nous savoir de qui il s’agit. Ce sera rendre service à toute la population québécoise, qui fera un grand ménage dans ses choix la prochaine fois. Les coqs, en fait, ils ont déjà fait assez de dommages.
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