Seule femme de la course au leadership péquiste, Martine Ouellet est à première vue victime d’un paradoxe injuste: malgré une feuille de route appréciable et une implication notable au Parti québécois (PQ), ses appuis et sa notoriété ne sont pas à la hauteur.
Mais Mme Ouellet se réconforte avec des sondages qui la placeraient, elle aussi, au deuxième rang, derrière Pierre Karl Péladeau: « Et l’accueil des militants est très, très positif. Je pense que tout est possible », ajoute-t-elle en souriant.
La députée de Vachon nous attendait dans ses quartiers de l’Assemblée nationale. Son petit bureau fait face à celui de François Gendron, patriarche du salon bleu, qui a donné son appui à Alexandre Cloutier. « Écoutez, moi, je n’avais pas un plan de carrière qui m’amenait à la course à la chefferie du parti. Bernard Drainville, et Alexandre Cloutier dans une moindre mesure, on le sait depuis longtemps », explique la députée.
Appui de François Avard
Pour l’heure, outre l’écrivain François Avard, ses appuis les plus voyants sont syndicaux: les Métallos et les cols bleus de Montréal. Des appuis naturels pour l’ancienne vice-présidente du SPQ Libre, un club politique de gauche greffé au PQ en 2004.
Sol Zanetti, d’Option nationale — et une cinquantaine de militants de cette formation politique — se rangent aussi derrière elle. Mais ces appuis restent décevants en regard du mérite de la candidate.
Martine Ouellet est arrivée au PQ à l’époque tumultueuse de Pierre Marc Johnson, poussé vers la sortie par Jacques Parizeau. Son parcours lui a permis de léguer au PQ une politique de gestion des déchets, une politique de l’eau, une politique énergétique « qui est encore la référence dans le milieu », dit-elle.
Interrompant une brillante carrière chez Hydro-Québec, elle se fait élire dans Vachon en 2004. Réélue depuis lors, la députée de Vachon a été ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement Marois. Après un combat épique contre les libéraux, elle fait adopter une réforme de la Loi des mines avec l’appui de la Coalition avenir Québec (CAQ).
Le pays
Martine Ouellet croit que la course peut encore réserver des surprises, surtout avec l’impétueux Pierre Karl Péladeau. Mais elle n’est pas de cette course que pour elle-même. C’est surtout l’idée de faire du Québec un pays qui l’anime.
Son plan de match est simple: reprendre le pouvoir en 2018. Le PQ serait le mieux placé pour déloger les libéraux. « J’ai beaucoup de respect pour Québec solidaire, mais ils ne sont pas prêts [au pouvoir] », prévient-elle.
Secundo: le pays. Mme Ouellet est la seule à prôner un référendum dès le prochain mandat du PQ. Pas de finasseries, un référendum et une question claire. Comme en Écosse. Voulez-vous un pays? Oui ou merde?
« Mais il faut se mettre en mouvement, le pays ne nous tombera pas du ciel », dit-elle.
Un référendum avant 2023
Ses adversaires ont des démarches moins empressées. «Ils sont en continuité avec la stratégie du PQ des dernières années», déplore Mme Ouellet en signalant que les « discours ambigus, les discours flous, à la limite mous, ont nui ».
Alors si Martine Ouellet devient première ministre, un référendum aura lieu avant 2023. « Ça nous donne environ sept ans pour nous préparer. C’est faisable. Parizeau nous a amenés à notre destinée en six ans », conclut la candidate Ouellet.
« Et on ne fera pas ça contre le Canada, on fera ça pour le Québec. Pour la planète aussi parce que le Québec a beaucoup à apporter sur la scène internationale. Actuellement, nous sommes bâillonnés par le Canada », insiste-t-elle.
Le PQ avant la carrière
Cadre supérieure chez Hydro-Québec, son poste commandait un salaire élevé et un régime de retraite très généreux. Martine Ouellet a tout laissé tomber: la carrière, la retraite, tout! Pour le PQ et pour le pays?
«Vous trouvez que c’est rare? Mais c’est ça», dit-elle.
Pauline Marois lui avait demandé de «couper tout lien d’emploi avec Hydro-Québec» parce que sa nomination au poste de ministre des Ressources naturelles montrait une «apparence» de conflit d’intérêts.
Une demande excessive quand on sait combien de profs, de médecins ou de fonctionnaires ont été nommés ministres dans leur domaine de compétence.
Conflit d’intérêts?
«Je n’étais pas vraiment en conflit d’intérêts puisque j’étais gestionnaire, mais il y avait une question de perception, et Mme Marois me l’a demandé, alors je l’ai fait», raconte la candidate.
Avec un serrement au cœur, avoue-t-elle. On ne quitte pas sans regret un employeur aussi prodigue qu’Hydro-Québec. «Quand t’es une femme, il faut en donner deux fois plus», rappelle Mme Ouellet.
Pas besoin d’une autre charte
La fameuse charte de la laïcité et des valeurs québécoises qu’ont défendue l’an dernier Pauline Marois et Bernard Drainville n’est pas nécessaire, estime Martine Ouellet.
«Je félicite Bernard pour la façon dont il a mené ce dossier-là. C’était un dossier sensible, mais on a vu ce que ça a donné.»
Le gouvernement aurait-il dû faire autre chose?
«Je ne remets pas en cause le passé. C’est facile de juger a posteriori, mais je crois qu’il aurait été plus intéressant de s’entendre avec la CAQ. Trouver un compromis comme je l’ai fait avec la Loi sur les mines. Au moins, aujourd’hui, on aurait quelque chose, une base sur laquelle travailler.»
Une charte de la laïcité est inutile?
«Il y a d’autres véhicules. La Charte québécoise des droits et libertés et la Loi sur la fonction publique; on pourrait travailler avec ça.»
Pensions de vieillesse
« Il faut dire ce qu’on fera »
Il faut que les péquistes se remobilisent, et Martine Ouellet formule un souhait:
«L’indépendance, c’est maintenant que ça se prépare, on ne peut pas juste dire qu’on veut un pays, il faut que les gens sachent où l’on s’en va.»
Le PQ aurait-il déjà dû faire ses devoirs?
«Ça nous appartient de documenter ça. C’est fastidieux, mais c’est notre responsabilité de le faire. Les gens ont des questions concrètes, et c’est à nous de donner des réponses.»
Le Code criminel, l’assurance emploi, les pensions de vieillesse, tout doit être documenté. Des centaines de milliers de personnes âgées profitent du soutien d’Ottawa.
«Il faudra répondre le plus rapidement possible sur les pensions. C’est une évidence totale. En 1980, les pensions, c’était dans le débat! En 1995, c’était dans le débat! En Écosse, c’était dans le débat! Et même durant la dernière campagne électorale, les libéraux faisaient le tour des résidences pour aînés, alors, il faut être prêts à dire ce qu’on fera.»
Comment se fait-il qu’on ne sache pas déjà tout ça?
«On n’a pas été très actif en cette matière au cours des 20 dernières années. Nous aurions pu le faire. On peut le faire avec la société civile.»
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