Comment expliquer la victoire aussi nette de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles françaises, alors que des sondages indiquent qu’une majorité de Français – et même parmi les partisans de sa famille politique – se méfiait de lui? Et si c’était tout simplement parce qu’il avait l’air de «parler vrai»?
Il y avait quelque chose de nouveau en politique française dans cette élection, la présence d’une femme, la candidate socialiste Ségolène Royal. Mais il y avait quelque chose d’encore plus nouveau : celle d’un candidat capable de parler directement aux citoyens et de les convaincre qu’une fois élu, il allait faire ce qu’il avait dit.
Le discours politique français, il faut le reconnaître, a toujours eu plus de mal à évoluer qu’ailleurs. Les socialistes français sont toujours incapables de reconnaître l’économie de marché et à accepter la social-démocratie qui est la norme partout ailleurs en Europe. La droite a continué à se réclamer de l’idéologie du Général de Gaulle pendant un quart de siècle après sa mort.
Beaucoup plus que Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy a su incarner une rupture avec la politique française traditionnelle, ce qui était d’autant plus difficile qu’il faisait partie du gouvernement sortant.
Mais on l’a vu dans le débat télévisé, il y a moins d’une semaine : contrairement à son adversaire, M. Sarkozy a été capable d’exprimer sa position sans équivoque et sans langue de bois. Même si ce n’était pas la position que tout le monde aimerait entendre.
On l’a vu, par exemple, sur la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Mme Royal disait qu’il fallait une pause dans l’extension de l’Europe, mais qu’il y avait un processus en cours avec la Turquie, alors il faudrait voir comment les choses évolueraient. Une façon de dire non tout en ne fermant pas la porte au Oui.
M. Sarkozy, lui, avait le mérite d’être clair. Non, c’est non. L’Europe ne va pas s’étendre jusqu’aux frontières de l’Irak et de la Syrie et cette affaire a assez duré, depuis les années 1960 qu’on en parle. Point.
Il fut un temps où les citoyens cherchaient des leaders politiques qui allaient les inspirer, les amener vers des horizons nouveaux ou des initiatives auxquelles ils n’auraient pas nécessairement pensé. Mais aujourd’hui, les citoyens cherchent autre chose.
Ils recherchent des politiciens qui sont à leur écoute et qui offrent des solutions peut-être moins ambitieuses, mais qui répondent à leurs attentes et à leurs problèmes quotidiens. Moins de grands discours, moins d’idéologies, plus de concret.
Ce n’est pas typique à la France. On n’a qu’à penser à Mario Dumont au Québec, à Stephen Harper au Canada ou à Barack Obama aux Etats-Unis – comme quoi ce n’est pas nécessairement l’apanage des politiciens de droite.
Ainsi, aux dernières élections au Québec, autant Jean Charest qu’André Boisclair ont présenté un programme élaboré dans les officines de leur parti, en disant aux gens ce qui serait bon pour eux, plutôt qu’après avoir écouté ce qui les préoccupait vraiment.
Avec le résultat qu’on s’est retrouvé dans la dernière semaine de la campagne avec Jean Charest qui promettait une baisse d’impôts dont personne ne voulait et André Boisclair qui promettait un référendum que des sondages montraient pourtant comme aussi désirable et désiré par l’électorat qu’un traitement de canal.
Évidemment ce qui est vu aujourd’hui comme du «parler vrai» n’est pas nécessairement le meilleur moyen d’accomplir de grandes choses en politique. On n’aurait pas fait la Révolution tranquille de cette manière. Mais il y a des phases et des modes en politique. Ces temps-ci, l’air du temps est à ceux qui savent écouter.
Ça ne garantit pas les résultats, ça ne garantit même pas qu’on va bien gouverner ou mieux gouverner qu’un autre. Mais c’est ce que veulent les électeurs, ces temps-ci. Le problème, ensuite, c’est que la politique reste l’art du possible et que le fait d’écouter les électeurs ne signifie pas nécessairement qu’on trouvera toutes les solutions.
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